Afrique

Alléchés par le marché rwandais, les commerçants burundais sont prêts à tout

-Café, coltan, huile de palme, riz, haricots et bien d’autres produits d’origine burundaise transitent chaque jour, clandestinement vers le Rwanda voisin, en dépit de la ferme interdiction, imposée depuis près d’une année par Bujumbura.

Nadia Chahed  | 19.04.2017 - Mıse À Jour : 20.04.2017
Alléchés par le marché rwandais, les commerçants burundais sont prêts à tout

Bujumbura

AA/Bujumbura/Jean Bosco 

Café, coltan, huile de palme, riz, haricots et bien d’autres produits d’origine burundaise transitent chaque jour, clandestinement vers le Rwanda voisin, en dépit de la ferme interdiction, imposée depuis près d’une année par Bujumbura.

Alléchés par un marché prospère où ils peuvent écouler leurs produits à des prix plus attractifs que dans leur pays, des commerçants burundais bravent toutes les interdictions et traversent quotidiennement la frontière vers le Rwanda.

Un moyen qui leur permet de s'assurer des gains conséquents mais qui les expose à un risque accru de se voir interceptés par la police des frontières, se faire saisir leurs marchandises voire d'être emprisonnés.

En effet si certains réussissent à franchir la frontière en catimini et sans encombre, d'autres, moins chanceux ou moins exercés tombent entre les mains de la police. Chaque mois a son lot de produits saisis et d’hommes arrêtés, témoignent des commerçants à Anadolu.

Selon la police, le 4 avril dernier, un habitant de la colline Manga en commune Kabarore (nord) a été appréhendé avec du café parche (non décortiqué).

Le lendemain, la justice l’a condamné à trois mois de prison ferme et une amande de 100.000 Francs burundais (environs 40$). Ce cas est loin d’être isolé dans la commune de Kabarore (province de Kayanza), . Trois personnes ont, en effet, été interceptées à la frontière au cours des deux premières semaines d’avril 2017.

Pour éradiquer ce "trafic illicite" de marchandises, la police demande la collaboration de tous les acteurs.

«Il faut plus de collaboration entre la police, les responsables administratifs et la population des communes frontalières avec le Rwanda, en l’occurrence les communes de Kabarore (province Kayanza) et de Busiga ( Province de Ngozi), pour mettre fin a ce phénomène de fraude », a déclaré à Anadolu, le colonel Juvénal Ndikuriyo, officier de police.

Un avis partagé par les autorités administratives. « les produits qui transitent par la commune Kabarore vers le Rwanda viennent aussi d’autres communes. Pour éradiquer ce phénomène, il faut que la collaboration soit jusqu’au niveau de la colline », relève dans une déclaration à Anadolu Anicet Ndayizeye, gouverneur de Kayanza.

Si les autorités s'inquiètent autant face à ces pratiques c'est que des cultures vivrières sont également frauduleusement vendues au Rwanda, alors que le Burundi souffre de pénuries alimentaires et d'une famine qui frappe nombre de ses provinces.

En août 2016, le Burundi a décidé de mettre fin à l’exportation des produits alimentaires vers tous ses pays limitrophes en guise de prévention contre le déficit de produits agricoles. Depuis lors, la police redouble de vigilance pour traquer les contrevenants.

Dans son rapport du premier trimestre 2017 publié le 13 avril, le ministre de la Sécurité publique Alain Guillaume Bunyoni a déclaré que la police avait saisi dans les localités de Kabarore, Gasenyi et Ruhwa, au nord du Burundi, « 1500 kg de minerais, du lait, de l’huile et des boissons transportés frauduleusement au Rwanda ».

Cette vigilance policière accrue n'a toutefois pas dissuadé de nombreux Burundais à continuer à vendre leurs marchandises au Rwanda.

«Depuis plusieurs années, je vends mes tomates et aubergines a mes voisins rwandais ici a coté, et je gagne beaucoup d’argent, même si l’Etat burundais nous l’interdit pour des raisons politiques, je me débrouille pour continuer à vendre au Rwanda sinon il me sera difficile de rembourser mon crédit », déclare sous couvert d’anonymat un vendeur de tomates croisé par Anadolu au poste frontalier d’Akanyaru au nord du Burundi.

Au delà de l’attrait du gain, ce commerce est motivé par les liens fraternels entretenus par des Burundais et des Rwandais, particulièrement dans les zones frontalières de ces deux pays voisins, dont les langues et les coutumes sont quasi-identiques.

«Nous sommes à un jet de pierre de la frontière rwandaise, nous y avons des amis, des parents par alliance et puis les prix de nos produits agricoles sont plus élevés qu’ici au Burundi, il est difficile de rompre du jour au lendemain », explique a Anadolu Philippe Nduwayo, un quinquagénaire de la commune Kabarore, qui jouxte le sud du Rwanda.

Comme lui, de nombreux autres Burundais s’aventurent à écouler haricots, légumes ou huile de palme au Rwanda.

Bien que la mesure d'interdiction décidée par Bujumbura concerne tous les pays voisins, beaucoup d'observateurs estiment qu'elle vise le Rwanda en particulier, pays qu'elle accuse d'héberger des rebelles et autres opposants politiques hostiles à Pierre Nkurunziza.

«Malgré sa portée générale, cette décision vise le Rwanda car le Burundi ne veut pas nourrir l’ennemi, vous savez que le gros de ses opposants ont fui vers le Rwanda », confie a Anadolu Marc Nibizi, enseignant en mairie de Bujumbura et membre du parti d’opposition MSD, Mouvement pour la solidarité et le développement.

Avant la crise burundaise née de la décision du président Pierre Nkurunziza de briguer un 3eme mandat en avril 2015, le Rwanda importait de ce pays surtout des fruits et légumes réputés moins chers, ainsi que de l’huile de palme et des « ndagara », petits poissons du lac Tanganyika.

Le Burundi raffolait, quant à lui, de la pomme de terre cultivée à Ruhengeri vers le nord du Rwanda, dont elle porte également le nom. Les riverains des deux pays échangeaient allègrement leurs produits sans crainte de représailles.

Les relations entre le Rwanda et le Burundi se sont détériorées suite à la grave crise politique et sécuritaire qui secoue le Burundi depuis que le président burundais Pierre Nkurunziza a annoncé, en avril 2015, qu’il se présenterait pour un troisième mandat. Sa réélection le 21 juillet 2015 n’a pas mis fin à la vague de violences qui ont déjà fait plus d'un millier de morts et poussé plus de 415 000 personnes à fuir le pays.





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