Afrique

Au Bénin, marches et sit-in accompagnent le projet de révision de la Constitution

- Après Mathieu Kérékou et Yayi Boni, Patrice Talon est le troisième président qui rencontre la résistance de la population face à une tentative de révision de la Constitution.

Nadia Chahed  | 30.03.2017 - Mıse À Jour : 30.03.2017
Au Bénin, marches et sit-in accompagnent le projet de révision de la Constitution

Cameroon

AA/Yaoundé/Anne Mireille Nzouankeu

Le Front pour le sursaut patriotique, un regroupement de plus de 10 partis politiques et organisations de la Société civile, prévoit une marche de protestation jeudi pour « exiger le retrait du projet de révision de la Constitution » au Bénin.

Ce regroupement avait déjà organisé un sit-in à Porto-Novo, la capitale politique du Benin. Le sit-in qui a eu lieu devant l’Assemblée nationale du jeudi 23 mars à 16 heures au vendredi 24 mars à 20 heures avait pour but de demander aux députés « le rejet de la révision de la Constitution en dehors du peuple », c’est-à-dire par une autre voie que celle du referendum. Durant la même période, les magistrats ont effectué une marche pacifique contre cette même révision.

Moins d’un an après son élection à la présidence de la République du Benin, Patrice Talon a entrepris de réviser certains articles de la Constitution de son pays qui date du 11 décembre 1990. Il a ensuite déposé le projet de loi relatif à la révision de cette Constitution à l’Assemblée nationale convoquée en session extraordinaire. Les députés ont refusé d’examiner ce projet de loi en procédure d’urgence. Ils ont plutôt confié le dossier à la commission des lois. Cette commission a un délai de 15 jours pour déposer son rapport.

Promesse électorale

Dans un discours à la nation la veille du dépôt de la loi à l’assemblée nationale, le président Talon a expliqué que cette révision de la Constitution est la concrétisation d’une promesse électorale. « Il y a un an, lors de la campagne électorale et à mon entrée en fonction, je me suis engagé publiquement à opérer les réformes politiques et institutionnelles sans lesquelles, l’aspiration légitime de notre peuple à la prospérité, serait indéfiniment compromise », a expliqué Talon.

Le président a ensuite expliqué que le nouveau texte propose comme grandes lignes, l’instauration d’un mandat présidentiel unique, le couplage des élections législatives avec les élections des collectivités territoriales, notamment communales, la restructuration de la Cour constitutionnelle et de la Haute Cour de Justice. En attendant que la commission des lois de l’Assemblée nationale ne dépose sa copie, les partisans de cette révision comme ceux qui sont contre, tentent de rallier la population.

Michel Adjaka, président de l’Union nationale des magistrats du Bénin (Unamab) estime, pour sa part, que « le projet soumis aux députés ne permet aucune lutte contre la corruption. Au contraire, il a consacré un recul démocratique et instauré le totalitarisme ».

Le magistrat a publié une liste de 20 points reprochés aux textes, parmi lesquels « l’instauration de l’impunité par la création de paradis pénaux au profit des députés, des ministres et du président de la République lorsqu’ils sont auteurs de malversations ou autres crimes ; le renforcement des pouvoirs déjà exorbitants du président de la République ; la soumission de l’Assemblée nationale à l’avis préalable du Chef de l’Etat avant le vote de toute loi organique relative à l’administration et ce, en violation du principe de la séparation des pouvoirs ».

Bienvenu Dêdêgnon Milohin, homme politique, membre de l’Alliance Patriotique de l'Éveil pour l'Union, un parti politique d’opposition et activiste béninois, constate, de son côté, des avancées dans cette nouvelle Constitution mais aussi de « nombreuses insuffisances ». Comme avancées, il note que « la question de l’organisation du second tour de l’élection présidentielle est réglée, la Cour des Comptes est constitutionnalisée de même que le Président de la République ne siège plus au Conseil Supérieur de la Magistrature ».

Parmi les insuffisances, l’activiste propose par exemple de supprimer l’article 25 de cette constitution qu’il considère comme « liberticide ». Il pense que « l’interdiction de tous actes, de toutes manifestations en-dehors des périodes électorales est une grave atteinte aux libertés publiques, notamment la liberté de manifestation reconnue dans la même Constitution du 11 décembre 1990 ».

Mandat unique

En leurs temps, Mathieu Kérékou et Yayi Boni avaient respectivement tenté de modifier cette même constitution. Ils ont fait face à l’opposition du peuple qui les soupçonnait de vouloir briguer un troisième mandat. Cette fois, Patrice Talon a clairement montré son intention de quitter le pouvoir. L’article 42 nouveau de cette constitution dispose que « le président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de six ans non-renouvelable. En aucun cas, nul ne peut exercer plus d'un mandat présidentiel ». Cette limitation de mandat est révolutionnaire en Afrique où plusieurs chefs d’Etats modifient plutôt la Constitution pour s’éterniser au pouvoir. Pourtant, cet article est lui aussi contesté.

Bienvenu Dêdêgnon Milohin estime qu’à travers cet article, « le mandat présidentiel est remis en cause avec la proposition d’un mandat unique, en violation de la décision DCC 11-067 du 20 octobre 2011. Mieux, les objectifs que sont censés atteindre le mandat unique ne paraissent ni évidents, ni pertinents ». Il propose donc de maintenir le mandat présidentiel tel qu’il est actuellement, c’est-à-dire un mandat de cinq ans renouvelable une fois.

La décision Dcc 11-067 du 20 octobre 2011 est une décision qui avait été rendue par la Cour constitutionnelle et qui stipule : «Ne peuvent faire l’objet de questions à soumettre au référendum, les options fondamentales de la Conférence Nationale de février 1990, à savoir : la forme républicaine et la laïcité de l’Etat ; l’atteinte à l’intégrité du territoire national ; le mandat présidentiel de cinq ans, renouvelable une seule fois; la limite d’âge de 40 ans au moins et 70 ans au plus pour tout candidat à l’élection présidentielle; le type présidentiel du régime politique au Bénin».

Ce qui revient à dire que le mandat présidentiel est inchangeable. Cette décision avait été prise en 2011 lorsque l’ancien président Thomas Yayi Boni tentait de modifier la Constitution.
D’un autre côté, deux députés favorables à cette révision constitutionnelle, à savoir Amadou Issoufou et Rachidi Gbadamassi étaient face aux élus de leur circonscription électorale, dans la ville de Parakou au nord du Benin. Ils ont expliqué à la population le bien-fondé de cette révision. La commission des Lois de l’assemblée nationale a pour l’instant jugé le projet de loi recevable dans la forme mais ne s’est pas encore prononcée sur le fond.


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