Afrique

Face à la crise économique, le Tchad revient vers une valeur sûre

Affecté par la chute du prix du pétrole et la menace sécuritaire de Boko Haram, le Tchad veut réhabiliter et développer le secteur de l'agriculture et de l'élevage, dont dépend encore 80% de la population du pays.

Nadia Al Chahed  | 28.09.2016 - Mıse À Jour : 29.09.2016
Face à la crise économique, le Tchad revient vers une valeur sûre

Chad

AA/N'Djamena/Mahamat Ramadane

Subissant les aléas directs et indirects de la chute du prix du pétrole et de l'insécurité véhiculée par Boko Haram, l'économie tchadienne a connu durant les deux dernières années, un net recul de ses principaux indicateurs. Face à cette situation, les autorités ont choisi de renforcer le secteur agropastoral, un moyen de diversifier ses sources de revenus et de s'acheminer vers la sécurité alimentaire.

Le gouvernement s'est engagé, à cet effet, à "poursuivre les efforts visant la mécanisation de l'agriculture, la promotion des cultures irriguées et la diversification des cultures de rente", a, récemment, déclaré le premier ministre tchadien, Pahimi Padacke Albert.

" Notre pays a la chance de disposer d'un potentiel agropastoral inestimable et d'importantes ressources en matière d'élevage", a-t-il rappelé dans une déclaration à la presse, le 24 septembre, citant le dernier recensement officiel selon lequel le cheptel tchadien s'élève à plus de 94 millions de têtes.

Saluant cette prise de conscience gouvernementale quant à l'importance de relancer le secteur agropastoral, l'économiste tchadien Issa Abdel Mamout demeure toutefois sceptique estimant que des actions auraient du être engagées beaucoup plus tôt au moment où le pays vivait son âge d'or pétrolier.

Interrogé à ce sujet par Anadolu, il a noté que le secteur agropastoral qui occupe la deuxième place après celui du pétrole en terme de revenus s'est vu dès 2003, date de démarrage de l'exploitation pétrolière au Tchad, relégué au second plan. "Fait qui a eu, comme conséquence directe, un recul de la production agricole et de l'apport de ce secteur en terme de PIB".

Jusqu'en 2003, ce secteur représentait 80% des revenus de l'Etat, un taux qui n'a cessé depuis de reculer pour se situer à seulement 32% cette année, affirme la même source.

"Les autorités ont oublié ce secteur au profit de la manne pétrolière; pourtant l'activité agricole et d'élevage est le premier pourvoyeur d'emploi dans les zones rurales où 68% des jeunes y travaillent ", a-t-il expliqué soulignant que le gouvernement a fortement tablé sur les revenus de l'or noir, estimés, alors, à plus de 4 milliards de dollars par an.

Tout a été pensé autour et en fonction du pétrole aussi bien le fonctionnement de l'Etat que les projets de développement, note encore l'économiste ajoutant que plus d'une dizaine d'année plus tard, on commence à subir les conséquences d'un tel choix.

"Le gouvernement aurait dû investir l'argent du pétrole pour développer le secteur agropastoral, pourvoyeur d'emploi pour les jeunes en milieu rural", estime-t-il.

La chute du prix du pétrole à l'échelle mondiale associée à d'autres facteurs internes et externes, notamment la crise sécuritaire véhiculée par le groupe terroriste nigérian Boko Haram, actif dans toute la région du Lac Tchad, ont provoqué une dégradation des fondamentaux de l'économie tchadienne et dicté une réflexion approfondie sur les moyens de s'en sortir.

C'est dans ce cadre que les autorités ont identifié le développement des secteurs de l'agriculture, de l'élevage et de la pêche comme moyen pour redresser l'économie consacrant 20% du budget de l'Etat au secteur agropastoral.

"Atteindre la sécurité alimentaire n'est plus un objectif chimérique. le gouvernement s'emploiera à renforcer les moyens d'action des organismes publics tels que le Programme national de sécurité alimentaire, l'Office national de développement rural, la Société du développement du Lac, l'Office national de sécurité alimentaire et l'Institut national de recherches agronomiques et de développement, tout en faisant une évaluation critique de tous ces mécanismes", a assuré le premier ministre tchadien.

Cet ambitieux objectif risque toutefois de ne pas être facile à mettre en application, jugent des experts qui évoquent le manque de moyens financiers nécessaires pour ce faire.

Barkaï Mahamat Moussae, gestionnaire principal à l'Office national de développement rural (ONDR), indique dans une déclaration à Anadolu que " pour relancer les projets agricoles et pastoraux du pays, l'Etat doit débourser en moyenne 46 millions de dollars par an, pendant six ans".

Cette enveloppe nécessaire pour "équilibrer la production, atteindre l'autosuffisance alimentaire et stabiliser l'économie du pays" est un défi de taille pour le gouvernement", ajoute le spécialiste d'autant que "l'Etat se retrouve dans une impasse et peine même à payer les salaires de ses fonctionnaires", rappelle-t-il.

Pour l'exercice 2016, le déficit budgétaire s'est situé à près de 134 milliards FCFA (environ 268 millions USD). Un déficit qui incombe, entre autres, à la baisse des revenus pétroliers, selon la direction générale du budget tchadien.

La contribution des revenus pétrolier au produit intérieur brute s'est située à 20% en 2015, contre 25,2% en 2014 et 27% en 2013.

Abdoulaye Mbodou Mbami, expert agronome tchadien, estime pour sa part qu'au delà de la primauté accordé au secteur pétrolier, c'est la mauvaise gestion des projets agro-pastoraux qui est à l'origine de la chute de production agricole dans les zones rurales du pays. Une mauvaise gestion que l'expert impute au manque de suivi des activités par le gouvernement. «Le gouvernement a, récemment, acheté des tracteurs payés à des milliards mais aujourd'hui, ces engins sont presque tous garés. Donc la politique actuelle du gouvernement a complément échoué, et nous pensons qu'il faut repartir complètement sur des nouvelles bases, en mettant en place d'abord des crédits agricoles adaptés à la disposition des paysans.»

Selon les derniers chiffres officiels, plus de 80 % de la population tchadienne dépend du secteur agropastorale mais aussi de la pêche qui représentent plus de 22 % du produit intérieur brut du pays.

Selon la direction générale du trésor tchadien, après une croissance du PIB à 6,9% en 2014, pour des prévisions initiales de 9%, le PIB a poursuivi sa chute en 2015 se situant à 6,2%.Un recul que le trésor tchadien impute à la baisse du cours du pétrole brut et de l’insécurité causée par Boko Haram.


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