Analyse, Afrique

Gabon: Vendredi, journée de tous les scénarios (Analyse)

La Cour constitutionnelle devrait rendre son verdict le 23 septembre à propos du contentieux opposant le vainqueur du scrutin présidentiel du 27 août Ali Bongo à son adversaire de l'opposition Jean Ping.

Mohamed Hedi Abdellaoui  | 22.09.2016 - Mıse À Jour : 22.09.2016
Gabon: Vendredi, journée de tous les scénarios  (Analyse)

Tunis


AA/ Tunis/ Mohamed Abdellaoui


Le compte à rebours est déclenché au Gabon. Vingt-quatre heures ou presque, puis, tombera le verdict de la Cour constitutionnelle concernant le contentieux électoral opposant Ali Bongo à Jean Ping.

«Ou le salut pour toute une nation ou une totale déchéance pour un pays qui cherche encore son chemin sur la voie du progrès et de la démocratie», de l’avis du politologue gabonais établi en France, José Berre.

Contacté par Anadolu, l’analyste politique livre des scénarios pour le moins «peu rassurants», pour l'avenir du Gabon et des Gabonais.

Le premier scénario, «le plus probable» d’ailleurs est, selon Berre, de voir la victoire d’Ali Bongo confirmée par la Cour constitutionnelle avec 49,80% des suffrages exprimés en sa faveur, lors du scrutin du 27 août dernier.

Le pronostic du politologue part du profil de la présidente de la Cour constitutionnelle Marie-Madeleine Mborantsuo qui vient de refuser la venue de juristes de l’Union africaine pour contrôler le processus, arguant du fait que «les juges de la Cour constitutionnelle rendent leur verdict au nom du peuple. Ils prêtent serment. Ce que ne font pas les juristes de l'Union africaine».

Mborantsuo serait «à la solde du pouvoir » qui l’avait aidée il y a 18 ans, à accéder à la tête de la plus haute juridiction, rappelle Berre.

L’autre facteur jouant en faveur d’Ali Bongo, selon lui, n’est autre que le lien sanguin qu’a la dame avec la famille Bongo. Elle a eu deux enfants avec l’ancien président Omar Bongo, donc des demi-frères d’Ali Bongo Ondimba.

Un tel dénouement décidé par la Cour constitutionnelle ne fera que précipiter le pays vers le précipice, soutient le politologue.

Le camp Ping, et les Gabonais menant des conditions précaires et aspirant au changement, ne jetteront point l’éponge et s’adonneront de façon à la lutte sans arrêt, forts en cela de l’appui de plusieurs organisations de la communauté internationale, dont l’ONU, l’Union africaine et l’Union européenne (UE), fait observer Berre.

Dans la même optique, le politologue gabonais rappelle que la pauvreté touche aujourd’hui 30% de la population dans un pays, où les membres de la famille élargie au pouvoir "gardent la main mise" sur les ressources et l'argent de l'Etat. Le Gabon compte pourtant une population totale de 1,8 million d’habitants et regorge d’importantes richesses naturelles, dont le pétrole.

L’autre scénario non moins probable consiste pour Bongo, selon Berre, à jouer la carte temps, pour à la fois absorber la colère des contestataires et neutraliser, non sans «roublardise», les poids lourds du camp opposé.

«En poussant la Cour constitutionnelle à reporter le verdict, Bongo gagnera du temps pour pouvoir régler ses comptes avec ceux qui lui sont hostiles et manœuvrer en vue de récupérer la sympathie de ses anciens alliés internationaux», analyse Berre.

Les deux scénarios pèseront, au demeurant, lourd sur un Gabon divisé et une crise à la burundaise semble, à biens des égards, inévitable, vu que les deux parties campent sur leurs positions, alerte le politologue.

«Tous les regards sont virés sur le 23 septembre. Les Gabonais, tout comme les organismes africains et internationaux qui suivent, de loin ou de près, la crise gabonaise, savent que le moindre dérapage déclenchera une insurrection populaire qui pourrait mettre à genoux l’économie. Des nouvelles difficultés économiques ne feront qu'attiser la contestation populaire», fait remarquer le consultant.

Les signes avant-coureurs du chaos sont donc là, à moins que la Cour constitutionnelle et sa présidente réalisent que l’enjeu est de taille et décisif, s’agissant de l’avenir du pays, avertit Berre.

Le fossé semble, au demeurant, autant creusé entre les deux belligérants et les deux camps, qu’il suscite crainte et terreur chez plus d’un observateur, et risque par conséquent de durer plus que prévu.

Le politologue affirme par ailleurs, qu'en terme de soutien étranger, Ali Bongo peut toujours compter sur des alliés comme " le Marocain Mohamed VI", "le Togolais Faure Gnassignbé", "l'Ivoirien Alassane Ouattara" ou encore "le Rwandais Paul kagamé" et le reste de ses amis anglophones. Pour Jean Ping, le rôle de la France, qui penche depuis le début du scrutin en sa faveur, demeure primordial pour mettre la pression sur l'Union européenne et obtenir son soutien.

Ali Bongo payerait ainsi son rapprochement beaucoup plus de Washington et de Londres que de Paris. La France marcherait, néanmoins, sur des oeufs, en abordant ce dossier, compte tenu des intérêts de ses 10 000 citoyens évoluant au Gabon.

«Les prémices du statu quo sont visibles : Alors qu’Ali Bongo est d’accord pour le recomptage des voix dans les 2579 bureaux de vote de tout le pays afin d'éviter de faire de la discrimination entre le Haut-Ogooué et les huit autres provinces, selon son avocat, Jean Ping, lui, exige toujours le recomptage des voix dans la province du Haut-Ogooué, fief de la famille Bongo», souligne Berre.

Dans le Haut-Ogoué, Ali Bongo avait obtenu 95,46 % des voix avec un taux de participation de 99,83 % , selon les résultats officiels provisoires de la Commission électorale nationale autonome et paritaire (Cénap).

Ce score lui a permis d’emporter la victoire avec environ 6 000 voix d’avance, selon les résultats de la Commission électorale (Cénap) qui l’a proclamé vainqueur du scrutin avec 49,80% des voix face à son adversaire Ping qui a eu 48,23% des voix.

La proclamation des résultats le 31 août par le ministre de l’Intérieur avait provoqué de larges manifestations chez les opposants au président sortant. Sévèrement réprimés, les rassemblements avaient donné lieu à des affrontements avec les forces de la police qui ont fait, selon plusieurs sources sécuritaires et de l’opposition, entre trois et cent morts.

Tentant de calmer le jeu, Ali Bongo s’est récemment dit «prêt à rencontrer tous les candidats de la dernière élection présidentielle, y compris Jean Ping, afin que plus aucun Gabonais ne trouve la mort sous prétexte d’une revendication démocratique», selon la page officielle Facebook de Bongo, jeudi, relayée par les médias. Or, Ping n’a toujours pas réagi.

Les averses semblent, donc, alterner avec les éclaircies dans un ciel gabonais jusque-là chaotique. Ou va le Gabon, vers le rétablissement de la paix ou vers le déclenchement d'une véritable descente aux enfers? Vendredi, sera un autre jour.



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