Afrique

Mali : Aqmi et Ansar Dine jouent la partition géographique et la diversification des cibles

- Les liens avec les communautés locales, les rapports de force et la nature des cibles sont pour beaucoup dans une distibution des rôles qui semble désormais bien huilée, selon divers spécialistes des questions de la région

Mohamed Hedi Abdellaoui  | 12.08.2016 - Mıse À Jour : 13.08.2016
Mali : Aqmi et Ansar Dine jouent la partition géographique et la diversification des cibles

Bamako


AA/ Bamako/ Mohamed Abdellaoui/ Mohamed Ag Ahmedou/ Moussa Bolly


Le nom d’Ansar Dine revient souvent dans l’actualité malienne, ces derniers temps. Certains analystes et observateurs vont même jusqu’à dire qu’il devance celui d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). Est-ce un hasard ou une volonté de distribution des rôles sur un terrain mouvant et embrasé?

Anadolu a enquêté auprès de spécialistes des questions sécuritaires et de la région sahélo-saharienne.

La plupart des attaques récemment perpétrées dans le centre du Mali ont été revendiquées par le groupe d’Iyadh ag-Ghali, alors que celles du Nord l’ont été par Aqmi.

Au total, le groupe armé d’Iyadh Ag-Ghali, Ansar Dine, créé en 2011, a revendiqué cinq attaques depuis le 14 juillet, la dernière en date étant celle de Nampala qui a fait 20 morts parmi les militaires maliens et permis la saisie de plusieurs armes et d’importantes munitions, selon le site du groupe armé. Ces cinq attaques ont fait 32 morts.

Groupe extrémiste crée en 1998 en Algérie, Aqmi a, pour sa part, revendiqué toutes les attaques ou presque qui avaient ciblé, ces derniers mois, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma). En juin dernier, elle s’est approprié la double attaque qui avait fait 4 morts parmi les casques bleus à Gao.

Pour Pierre Bertet, consultant de la "MINUSMA" sur le Mali, dans un combat asymétrique opposant des armées régulières à des groupes pratiquant la guérilla, il devient plus pratique pour ceux-ci de se partager les tâches tout en coordonnant les actions.

«Ansar Dine dont la base se trouve dans le Nord est ancré aussi au Macina (Centre), à travers son allié le Front de libération du Macina (FLM) qui recrute parmi les Peuls. Il s’en prend principalement aux militaires maliens. Aqmi, elle, met dans le même panier Barkhane (Force militaire française déployée dans le Sahel), Minusma et gouvernement du Mali. Son combat s'articule donc en fonction des terroirs, et des ressources (financières et terrains). C'est logique puisque nous sommes dans un combat asymétrique», commente Bertet dans un entretien avec Anadolu.

Abondant dans le même sens, le consultant international sur les groupes armés et extrémistes Héni Nsaibia rattache la partition géographique opérée par les deux groupes armés aux liens étroits qu'a chacun avec son environnement, notamment les communautés locales du Nord et du Centre. «Les groupes extrémistes ont des liens étroits avec les communautés locales, leur permettant de recruter et de développer des réseaux d'informateurs et des liens transfrontaliers. Ces facteurs ont permis à ces groupes de survivre à l'intervention française, à la présence de la Minusma et au reste des adversaires», explique l’analyste, contacté par Anadolu.

Ce partage des rôles n’empêche, toutefois, pas une coordination continue entre les deux groupes dans un contexte sécuritaire très fragile , nuance-t-il. Car l'interconnexion permet de mieux planifier les attaques, de déterminer les cibles et de remédier à la capacité de mouvement très réduite d’Aqmi sur le territoire malien, où interviennent plusieurs acteurs locaux et occidentaux, explique-t-il encore.

Livrant une autre approche, Abdoul Karim Dia, consultant indépendant spécialiste des questions de développement et de sécurité dans la bande sahélo-saharienne, évoque plutôt un rapport de forces qui dicte ses lois. «Ce n’est pas un partage systématique des rôles, à mon avis. Cela dit, ce partage des tâches découle souvent des rapports de forces tout autant que de la rivalité entre AQMI et Daesh qui ont la même cible : les puissances occidentales et leurs intérêts dans le monde», affirme-t-il, dans un entretien avec Anadolu.

Au Sahel, notamment dans le Nord du Mali, précise-t-il, Barkhane est presque hors de portée pour AQMI. Mais, en visant la Minusma, ce groupe fait un coup double en atteignant la France et ses alliés ainsi que les Nations unies, donc les puissances occidentales. «Ansar Dine n’a les moyens de rivaliser ni avec AQMI ni avec Daesh, c'est pourquoi il met dans son viseur les forces armées et de sécurité maliennes», soutient Dia tout en ajoutant: «C’est surtout à l’Etat malien que le chef d'Ansar Dine en veut, même s’il demeure un danger permanent qui guette les intérêts français, à cause du soutien de Paris pour Bamako».

L’analyste fait, du reste, observer qu’Ansar Dine concentre ses frappes dans le Centre du Mali, en premier lieu, à travers le Front de libération du Macina, puis, ces derniers temps, par le biais de l’Alliance nationale pour la sauvegarde de l’identité peule et la restauration de la justice (ANSIPRJ), groupe armé fraîchement constitué qui cherche à voler la vedette au FLM. Ce mode opératoire bénéficie à une AQMI qui «ne veut pas éparpiller ses forces concentrées dans le Nord, où la Minusma est une cible privilégiée», conclut le spécialiste des questions de développement et de sécurité.

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