Afrique

RDC: la chasse aux multinationales sur un sous-sol "farci" de ressources minières

Des groupes armés considèrent les multinationales d'extraction minière comme des étrangers venant prendre leur unique source de revenu, l'exploitation artisanale des mines.

Esma Ben Said  | 16.10.2017 - Mıse À Jour : 17.10.2017
RDC: la chasse aux multinationales sur un sous-sol "farci" de ressources minières

Congo, The Democratic Republic of the

AA/Kindu (RDC)/Fiston Mahamba

De l’or, du cuivre, du zinc, de l’étain, du plomb, du cobalt, du charbon et même de l’uranium et du diamant, le sous-sol de la République démocratique du Congo abonde de ressources minières, dont une grande partie n’est pas encore explorée et dont la majorité est concentrée dans l’Est du pays, précisément à Sud-Kivu et à Maniema.

Mais est-ce une raison de mener des combats et perdre des vies en permanence, rien que pour mettre la main sur ces richesses ? Tout porte à croire que c’est le cas.

Selon le rapport 2016 du Centre de recherche Belge International peace informations service, intitulé "Analyse de la carte interactive des zones d'exploitation minière artisanale dans l'Est de la RD Congo", les groupes armés locaux et étrangers sévissant dans la partie orientale de la République Démocratique du Congo (RDC) ont imposé leur contrôle sur plus de 50% de zones minières, s’étendant sur de larges superficies à l’Est.

Il s'agit notamment de groupes locaux d'auto-défense Maï Maï et de rébellions étrangères, telles que les forces démocratiques pour la libération du Rwanda [FDLR, Rwandais], l'armée de résistance du Seigneur [LRA, Ougandais], les Forces Nationales de Libération [FNL, Burundais], etc.

L'État Congolais tente de reprendre le contrôle du terrain et octroyer les zones minières certifiées aux entreprises légalement reconnues.

Mais les groupes armés, tirant l'essentiel de leur financement de l'exploitation minière artisanale, ne sont pas prêts à lâcher leurs chaînes d'approvisionnement. d'autant plus que les clients de ce «bon marché» ne manquent pas.

Quelles répercussions ?

Dans un climat si tendu et si dangereux, l’activité réglementaire trouve de grandes difficultés à prospérer.

La multinationale Banro, fait partie des principales sociétés présentes dans la région.

Selon l'agence nationale de promotion des investissements, Anapi, la société Banro dispose de 14 permis d'exploitation minière qui couvrent une surface de 2638 kilomètres carrés, représentant une réserve de 300 tonnes d'or.

À présent seule la société Banro est opérationnelle dans ce secteur avec 4 gisements ouvert dont Twangiza, Namoya, Lugushwa et Kamituga. Le site web de la société Banro indique qu'en 2016 au total 1.375 personnes, soit 93,9 % de la main-d’œuvre directe totale de Banro était composée de citoyens congolais.

De façon indirecte, la société fait travailler un total global de 4.219 personnes, notamment à travers des sociétés de sous-traitance partenaires.

Dans un communiqué publié le 25 septembre 2017, Banro, a annoncé la suspension de ses activités dans la mine de Namoya, suite à une intense activité des groupes rebelles.

Au cours de l'année 2017, plusieurs attaques ont ciblé les installations de cette entreprise. À peu près cinq attaques ont été répertoriées sur les différents sites d'exploitation minière au cours de l'année 2017, dont les plus meurtriers avaient fait 4 morts parmi les agents commis à la sécurité de la mine de Twangiza au Sud-Kivu, note le site web de la minière Canadienne.

Les auteurs de ces attaques se sont revendiqués appartenir à une milice locale, les Raiya Mutomboki, opposée à toute exploitation industrielle de ressources naturelles dans la province du Maniema à l'Est de la RDC.

En mars dernier, ce groupe armé avait revendiqué l'enlèvement de cinq travailleurs de Banro, dont trois Congolais, un Français et un Tanzanien.
Cependant, les Raiya Mutomboki ont noué des alliances avec les autres groupes armés pour mener leur chasse aux multinationales sur les zones dont ils ne contrôlent pas.

Les groupes armés Raiya Mutomboki, Maï Maï Malaïka, Maï Maï Yakutumba et Maï Maï Apa, jadis actifs dans la zone d'exploitation minière de la société Banro, se sont associés, en vue de faire un front commun contre cette société minière.

Déclaration de guerre

Membre de la Coalition nationale du peuple pour la souveraineté du Congo, un groupement rebelle hostile au maintien de Joseph Kabila au pouvoir, a annoncé en juillet dernier dans un meeting populaire tenu dans le village de Sesele en territoire de Fizi au Sud-Kivu par son leader, le général autoproclamé William Amuri Yakutumba, une guerre de libération, visant à restaurer la démocratie sur toute l'étendue du pays et le retour de l'exploitation artisanale des matières premières dans les zones d'exploitation industrielle.

Pour cette coalition de groupes armés locaux, essentiellement constitués des jeunes autochtones, le géant minier Banro est venu s'emparer de zones que servaient aux populations locales d'exploitation minière artisanale, unique source de revenus pour les originaires de la région du Maniema.

Auparavant, le 7 février 2017, une attaque d'un groupe armé Raiya Mutomboki a fait quatre morts, dont trois policiers et un assaillant au site minier de Twangiza, exploité par la multinationale au Sud-Kivu.

Début mars, la direction de la société minière alerte d'une prise d'otages de cinq travailleurs de la mine Namoya par des miliciens appartenant au groupe Raiya Mutumboki. Parmi les travailleurs kidnappés figurent un Français, un Tanzanien et trois Congolais.

À Anadolu, Désiré Sangare, vice-président du conseil d'administration de Banro avait expliqué que les preneurs d'otages étaient des membres de la milice locale Raiya Mutomboki. "Les miliciens avaient menacé, d'attaquer la société Banro si elle ne quitte pas les lieux", affirme-t-il.

Les miliciens ont souvent accusé cette compagnie étrangère d'usurpation sur leur sol pour des intérêts étrangers rappelle Sangare. "Depuis que nos agents ont été kidnappés, nous avons reçu des appels anonymes, exigeant une rançon de 20 mille dollars américains par personne", déclarait au téléphone d'Anadolu ce gestionnaire de Banro.

Le Raiya Mutumboki est une milice composée, pour la plupart, de jeunes de communautés ethniques du Sud-Kivu, Nord-Kivu et Maniema. Âgés entre 20 et 30 ans, ils se déclarent être animés d'un esprit de vengeance et ont pour objectif de défendre leurs familles contre les forces démocratiques pour la libération du Rwanda, FDLR.

Peace Misenga est curé de la paroisse de Salamabila, cité Congolaise, où est implanté le siège de la mine de Namoya. Ce prélat Catholique a participé activement aux négociations entre les ravisseurs et la société Canadienne pour la libération des otages.

À Anadolu, Peace Misenga a expliqué qu'outre les exigences financières, les miliciens tenaient toujours sur leur mesure de voir la minière Canadienne quitter le milieu pour arrêter les attaques.

Manipulation

Pour ce faire, les miliciens passent par la manipulation de communautés locales, qui font des revendications de rebelles leurs propres doléances. "Les habitants ont plusieurs fois indiqué à l'équipe de médiation de conflits locaux qu'ils protestent également contre le total accaparement de terres minières par l’entreprise minière étrangère et l’interdiction de l’exploitation artisanale de ressources minières, principale activité de survie, pour les autochtones".

Le 19 mai, la société minière sera de nouveau attaquée et va suspendre les activités en évacuant le personnel non essentiel.

L'otage Français a été libéré, tout comme les trois Congolais et le Tanzanien fin mai. Sur son compte Twitter, l'Elysée avait annoncé que le président Français Emmanuel Macron saluait la coopération du gouvernement Congolais et des autorités administratives locales dans la libération du citoyen Français et de ses compagnons enlevés, il y a trois mois, dans l'Est de la RDC.

En juillet 2017, la société Banro annonce de nouveau l'attaque d'un convoi de 23 véhicules de son partenaire Alistair Cargo Company par les rebelles Maï-Maï Yakutumba dans l'Est du pays. Dix-huit chauffeurs Tanzaniens et 3 autres de nationalité ougandaise qui conduisaient ces véhicules ont été pris en otage par ces rebelles.

"Les rebelles Yakutumba, actifs au Sud-Kivu, s'étaient alliées à la milice Raiya Mutumboki pour joindre ses propres revendications (départ du président Kabila et reprise de zone d'exploitation minière artisanale) à celles de son allié" explique à Anadolu Josaphat Musamba, consultant indépendant en dynamiques sécuritaires, groupes armés et questions minières.


Ce chercheur précise que la certification des sites miniers a coupé aux groupes rebelles leurs importantes sources de revenus, d'où leur hostilité féroce ayant ciblé les établissements légaux, qui se sont établis sur leurs anciennes bases.

En attendant la reprise de ses activités à Namoya, conditionnée par une stabilité de la situation sécuritaire, Banro et plusieurs employés cesseront leur travail, affirment les services administratifs de la société.


Sur un autre front, le gouvernement tente de récupérer les jeunes en incitant les entreprises d’exploitation minière à recruter parmi la population locale. Mais en attendant, les combats se poursuivent et des vies humaines continuent d’être perdues…

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