Afrique

Tunisie : Pas de vacances pour les petits ?

- Durant les vacances d'été, de nombreux parents inscrivent leur progéniture à des cours de soutien les privant souvent d'un repos pourtant bien mérité

Hatem Kattou  | 25.07.2017 - Mıse À Jour : 30.07.2017
Tunisie : Pas de vacances pour les petits ?

Tunis

AA/Tunis/ Afef Toumi

L’année scolaire est à peine achevée que plusieurs centaines d’enfants à travers la Tunisie, doivent déjà replonger dans leurs cahiers. Les vacances d’été ? Un terme à bannir, pour de nombreux parents qui inscrivent leurs enfants à des cours de soutien scolaire tous azimuts « pour mieux préparer la rentrée », disent-ils.

- Des vacances en demi-teinte pour les enfants

Depuis la mi-juin, soit quelques semaines à peine après l’achèvement de l’année scolaire, les parents se bousculent pour inscrire leurs jeunes enfants dans des clubs de langues, d’informatique, ou encore des cours de soutien en mathématiques, confirme Mehrezia, directrice de l’un de ces clubs situé dans la province de l’Ariana (Grand Tunis).

Rencontrée par Anadolu, la directrice explique qu’elle accueille, en nombre, des enfants de 5 à 12 ans pendant toutes les vacances.

« Nous avons reçu près de 250 demandes d’inscription entre le mois de mars et le mois de mai. Pour certains parents, il est essentiel que leurs enfants suivent ces cours durant tout l’été», renseigne-t-elle.

Dans son «club », poursuit-elle, « il y a des cours de langues (arabe, français, anglais) des cours de soutien dans les matières scientifiques ainsi que des cours de peinture ».

« Chaque session dure quatre semaines et s’adresse à trois groupes d’élèves, répartis selon les tranches d’âge », précise la directrice.

Et d’ajouter :« On se calque sur le programme du ministère de l’Education pour que l’élève ait déjà une idée sur ce qu’il apprendra l’année prochaine et qu’il ne soit pas trop déboussolé ».

Mis à part les centres qui fournissent ces services aux élèves, des particuliers reçoivent chez eux des groupes d’élèves durant l’été.

Amina, une jeune femme de 32 ans, de formation scientifique, reçoit chaque jour « des élèves de l’enseignement de base (primaire et collège) pour leur donner des cours de mathématiques, de sciences physiques et de sciences naturelles, en adéquation avec le programme officiel ».

Aujourd’hui, Amina dispense des cours à de jeunes filles âgées de 10 et 14 ans. Leur mère Soukeïna, explique inscrire ses filles à des cours particuliers chaque année.

« J’ai toujours cette habitude d’organiser le temps de mes filles pendant les vacances de manière à ce qu’elles gardent le rythme de l’école et profitent, dans le même temps, des vacances, bien que leur père ne soit pas d’accord et préfère qu’elles en profitent pleinement », confie-t-elle à Anadolu.

Adam passe l’année prochaine le concours national de la 9ème année de base (collège), et lui aussi, ne profitera pas de son été. Il travaille dur depuis le début du mois de juillet et vise à achever tout le programme de la neuvième année, avant la rentrée de 2017.

« C’est moi qui ai choisi de prendre des cours pour me préparer comme il le faut, je vise une très bonne moyenne au concours qui me permettra de m’orienter vers le lycée pilote (pour les élèves les plus brillants) », précise le jeune garçon.

Contrairement à Adam, Firas,lui, ne semble pas apprécier l’idée de prendre des cours pendant l’été, mais, poussé par ses parents, il vient un jour sur deux chez Amina, dans le groupe des élèves de la sixième année primaire, qui passent, eux aussi, un concours national pour pouvoir intégrer le collège pilote.

« Je viens ici parce que papa et maman m’y obligent, quand j’aurai des enfants je ne leur imposerai pas cette torture ! », s’exclame le jeune garçon âgé de 11 ans pour qui « le concept de collège et lycée pilote importe peu ».

« Je préfère me défouler et me reposer pendant l’été et redémarrer en forme à la rentrée plutôt que m’épuiser dès maintenant » ajoute-t-il.

Firas n’est pas le seul à être démotivé durant ses « vacances ». Pour Iyad, celles-ci s’apparentent à « deux mois de prison », dit-il à Anadolu.

« Au lieu de me baigner et de voir mes amis, je me mets, 4 jours par semaine, à prendre des cours. Et le pire, quand je rentre à la maison, je dois encore travailler des séries entières d’exercice. C’est l’enfer ! », lance-t-il encore.

Hormis quelques exceptions, la plupart des enfants interrogés se montrent contre l’idée de préparer le programme scolaire durant les vacances d’été, et préfèreraient davantage se détendre.


- Les cours de soutien, un budget conséquent pour les parents

Surtout que les cours de soutien représentent un budget très important pour les parents; A Tunis, la capitale, le coût moyen, de quatre séances par matière, est de 60 dinars (près de 25 dollars). Cependant, le tarif n’est jamais fixe, étant donné qu’il varie selon les enseignants, les matières et les niveaux. Il peut ainsi atteindre 70 dinars (28 dollars) par élève pour quatre séances, renseigne le professeur de mathématiques, Moez, qui dispense des cours à la Goulette (Banlieue Nord de Tunis).

Tandis que dans la région de Msaken, relevant de la province de Sousse (côte), la moyenne des prix varie de 25 à 40 dinars (10 à 16 dollars), pour les élèves de l’enseignement de base, précise à Anadolu, Mahdi, également professeur de mathématiques.

Les parents, eux, se sacrifient pour fournir la somme nécessaire, juste pour que leurs enfants « aient un bon niveau », autant dans les matières scientifiques que littéraires.

D’ailleurs, Ines, mère de deux enfants au collège, avoue avoir consacré plus de 500 dinars (200 dollars) chaque mois, durant toute l’année scolaire, pour les cours particuliers de ses deux enfants. Dans un pays où le salaire moyen s'élève à 346 $ par mois, il s'agit d'un budget particulièrement conséquent.


- Un investissement qui n'en vaut pas forcément le coût

Selon la psychologue, Raja Ziadi, interrogée par Anadolu, la dispense de cours durant les vacances scolaires n’est pas forcément une très bonne idée.

« Le premier motif de consultations de l’enfant âgé de plus de 6 ans, dans les services psychiatriques, psychologiques ou encore psychopédagogiques, est l'échec ou les difficultés scolaires », a-t-elle dit.

Pour la spécialiste, les troubles que peuvent développer les enfants sont principalement liés à l'importance que les parents accordent à la scolarisation de leurs enfants mais aussi en raison de la pression sociale que ces parents subissent.

« L'enfant est parfois privé de ses vacances pour rattraper un retard ou encore se perfectionner au niveau de ses études. Ce sentiment de frustration vient donc s'ajouter au stress associé mentalement à l'école. L'élève n'a plus donc la possibilité de se ressourcer », poursuit-elle.

La psychologue explique, que, par conséquent, des phénomènes pathologiques tel qu'une phobie scolaire peuvent être observés à la rentrée.

« Il ne faut pas oublier que les enfants apprennent aussi en jouant et développent ainsi d'autres formes d'intelligence, qu'un parcours scolaire standard ne peut pas forcément apporter », finit-elle.

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