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Un an de crise au Burundi: 8 hauts gradés de l'armée assassinés dont des "symboles" Hutu et Tutsi

Esma Ben Said  | 28.04.2016 - Mıse À Jour : 29.04.2016
Un an de crise au Burundi: 8 hauts gradés de l'armée assassinés dont des "symboles" Hutu et Tutsi

Burundi

AA/Bujumbura/Jean Bosco Nzosoba/Yvan Rukundo

La crise socio-politique qui secoue le Burundi depuis une année, a été marquée par plusieurs centaines de morts, dont celle de huit hauts gradés de l’armée, quatre appartenant à l’ethnie tutsi et quatre autres à l’ethnie hutu.

Si aucun assassinat n’a été revendiqué, pour Jérémie Minani, porte-parole du Cnared (Conseil National pour le respect de l'Accord d'Arusha pour la Paix et la Réconciliation au Burundi et de l'Etat de droit), nul doute, "c'est le régime illégal de Pierre Nkurunziza qui est derrière tous ces assassinats".

"Preuve en est, dit-il, le régime refuse le déploiement d'experts et observateurs internationaux et d’une force de protection de la population et, pire encore, continue à crier que la situation sécuritaire est globalement bonne alors que même des membres du régime sont visés par les attentats."

"La réalité est que le pouvoir est le planificateur de ces actes de violences qu'il impute à l'opposition afin de justifier une répression aveugle des membres et sympathisants de l'opposition d'une part, et de discréditer les opposants que le régime appelle des terroristes d'autre part", estime-t-il.

Du côté du pouvoir, Willy Nyamitwe, conseiller principal en communication à la présidence assure à Anadolu que "ceux qui commettent ces crimes veulent diviser le corps de défense mais se heurteront toujours à sa cohésion et à son unité".

L'armée burundaise est née de la difficile fusion, en 2003, de l’ancienne armée régulière à dominance tutsie (forces armées burundaise, Fab) et des anciens rebelles issus de la galaxie de partis et mouvements armés, Pmpa, qui, dix ans durant, sapaient le pouvoir de Bujumbura après l’assassinat en octobre 1993, de Melchior Ndadaye, premier président démocratiquement élu et issu de l’ethnie majoritaire hutue.

Voici la chronologie des assassinats :

2 août 2015: Le lieutenant-Général Adolphe Nshimirimana, hutu, ancien chef du service national des renseignements (SNR) et bras droit de Pierre Nkurunziza meurt dans un attentat à la roquette à Kamenge, son fief de la capitale burundaise. Cet assassinat est «un coup dur» pour le régime.

«Le Burundi vient de perdre un de ses vaillants hommes», déclarait, le soir même de l’assassinat, le président Pierre Nkurunziza dans un communiqué radiodiffusé. Le parti au pouvoir (CNDD-FDD) n’hésite pas à pointer du doigt les putschistes et les manifestants d’être les planificateurs et les exécutants de cet assassinat. Du côté de l’opposition et de la société civile, on considère le général Nshimirimana comme étant le principal artisan de la répression des «anti-troisième mandat» de Nkurunziza.

Pour avoir conduit le mouvement rebelle CNDD-FDD, du maquis au pouvoir en l’espace de dix ans, le général Adolphe Nshimirimana était tout un symbole pour la communauté ethnique majoritaire hutu.

15 août 2015: Jean Bikomagu, un colonel de l’ethnie Tutsi en retraite et ex-chef d’Etat-major de 1993 jusque dans les années 2005, est assassiné devant son domicile dans le quartier huppé de Kabondo, au centre de Bujumbura.

Bikomagu était une icône pour la minorité ethnique tutsie, au pouvoir depuis l’indépendance (1962) jusqu’aux premières élections démocratiques (1993) qui ont porté au sommet de l’état Melchior Ndadaye, et dont l’assassinat, trois mois plus tard, aura déclenché une guerre civile de dix ans entre l’armée tutsie incarnée par le colonel Jean Bikomagu et la rébellion hutue incarnée par le Lieutenant-Général Adolphe Nshimirimana.

Selon certains observateurs, l’assassinat de Bikomagu serait une vengeance faite à l’assassinat de Nshimirimana. Après la mort de ce dernier, certains jeunes du parti au pouvoir ont "juré par tous les cieux qu’ils se vengeraient".

L’élimination de ces deux figures symboliques sera progressivement suivie par d’autres assassinats ciblés au sein de l’armée.

29 novembre 2015, le major Salvator Katihabwa (tutsi) est tué dans le quartier de Kibenga au sud de Bujumbura alors qu’il était dans un bar appartenant au mari de la vice-présidente du sénat (membre très influent du parti au pouvoir). Ce dernier a été grièvement blessé. D’après les proches du major, il s’agit d’un «crime politique» visant le CNDD-FDD.

22 mars 2016: après une période d’accalmie, le colonel Darius Ikurakure (hutu), commandant du bataillon génie de combat de Muzinda est assassiné à 25 km de Bujumbura vers le nord-ouest du pays. Cet ex-rebelle avait été régulièrement cité dans la répression des manifestants dans les quartiers contestataires de Bujumbura comme Cibitoke et Mutakura au nord de la mairie de Bujumbura. Il est tué par balles alors qu’il se trouvait dans les enceintes de l’Etat-major de l’armée burundaise.

Le même jour, le major Didier Muhimpundu, issu de la communauté ethnique tutsi, directeur adjoint du service santé à l’Etat-major de l’armée burundaise, a été assassiné dans un bar à Bujumbura.

8 avril 2016: le capitaine médecin Elie Mugabonuwundi , hutu et ancien de l’armée régulière, est tué par balles par trois hommes armés à son domicile à Kamenge, au Nord de Bujumbura. Il était radiologue à l’hôpital Militaire de Kamenge.

20 avril 2016: le colonel Emmanuel Buzubona, hutu et ancien rebelle du mouvement Cndd-Fdd (parti au pouvoir) est tué par des grenades dans le quartier Bukirasazi, zone Kinama, commune Ntahangwa alors qu’il rentrait à son domicile. Les proches n’ont indexé les jeunes militants du parti au pouvoir, car, motivent-ils, ce haut gradé de l’armée burundaise ne tolérait pas leur comportement brutal envers la population.

Des sources de l’armée burundaise disent que cet officier, soupçonné d’être de mèche avec les putschistes, avait été arrêté et emprisonné au SNR, et puis relâché.

25 avril 2016: Le général tutsi Athanase Kararuza, conseiller du 1er vice-président burundais en matière de sécurité, a été tué avec son épouse et son garde du corps dans une attaque menée à Bujumbura par des hommes non identifiés alors qu’il était en train de déposer sa fille devant son lycée dans le quartier de Gihosha (nord-est de la capitale). Il était originaire de la région de Mugamba (ijenda) réputée opposée au 3eme mandat de Pierre Nkurunziza.


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