Politique, Analyse

Maroc: Nasser Zefzafi, le rifain qui voulait défier la Royauté

Figure de proue de l’ « Hirak » -mouvance contestataire qui agite la région du Rif- Zefzafi a été placé en détention provisoire pour «atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat »

Slim Jerbia  | 09.06.2017 - Mıse À Jour : 10.06.2017
Maroc: Nasser Zefzafi, le rifain qui voulait défier la Royauté

France

, AA/Esma Ben Said

Nasser Zefzafi. Un nom qui est aujourd’hui dans toutes les bouches. Lui qui n'était qu'un simple citoyen anonyme il y a sept mois encore, est devenu au fil du temps, le leader de la contestation populaire qui agite la région du Rif, dans le nord du Maroc.


Celui qui se veut « le porte-parole des pauvres » a cependant été arrêté le 29 mai dernier, trois jours après avoir interrompu le prêche d’un imam hostile au « Hirak » (la Mouvance), mouvement dont il a pris la tête et qui est né le 28 octobre 2016, après que Mouhcine Fikri, vendeur de poissons, est mort broyé dans une benne à ordures en tentant de récupérer sa marchandise saisie par la police.

Le leader âgé de 39 ans et certains de ses acolytes ont depuis été incarcérés à Casablanca avant d’être placés en détention provisoire.

Selon le Parquet, ils sont accusés d’ « atteinte à la sûreté intérieure de l'Etat, tentative d'atteinte à l'intégrité territoriale du pays (séparatisme) et perception de fonds de l’étranger à cette fin, incendie volontaire, tentative d'homicide volontaire et incitation à la haine envers les symboles de l’Etat… » et risquent plusieurs années de prison ferme.

Très soutenu sur les réseaux sociaux, davantage encore depuis son arrestation, Nasser Zefzafi, suscite l’admiration des jeunes du Nord, qui voient en lui la figure de proue du mouvement « Hirak », mais s’est également fait de nombreux ennemis.

Ces sept derniers mois, Zefzafi, qui fut, par le passé, tour à tour serveur, videur de boîte de nuit, ou encore patron d’une petite boutique de téléphonie qui a fait finalement faillite, s’est illustré dans ses prises de positions politiques depuis le décès de Fikri, véritable onde de choc dans le Rif, région enclavée et particulièrement marginalisée et où des cas de suicides liés aux conditions de vie difficile ont d’ailleurs été enregistrés ces dernières années, selon la presse marocaine.

Zefzafi assure parler « au nom des pauvres » et dénonce dans des discours tenus durant plusieurs nuits devant plusieurs centaines de personnes dans le centre-ville d’Al Hoceima (province contestataire du Rif qui abrite quelques 56 mille habitants), la « marginalisation » de sa région « la corruption » du gouvernement, ainsi que les « mafias » locales.

Des discours qui ont vite conquis les jeunes d’Al-Hoceima, province où le taux de chômage atteint les 16,3% (plus élevé que la moyenne régionale qui est de 14,9%), d’après des données officielles.

« Nasser a du charisme. Il parle vite et fort et il dit tout, on a tous envie de l’écouter. Je l’ai d’abord découvert via des vidéos Facebook où il réclamait l’égalité sociale et je me suis aussitôt retrouvé dans ses propos », commente à Anadolu, Mourad B. 26 ans, sans emploi.

Hicham, étudiant âgé de 22 ans, surenchérit « Zefzafi connait la misère de la région. Il connait nos souffrances, il sait de quoi il parle et c’est parce qu’il dérange le gouvernement par sa vérité, qu’il a été arrêté ».

Des discours engagés et acclamés par plusieurs centaines de citoyens, donc, mais qui font pourtant l’objet de controverse.

Zefzafi, un profil qui dérange

Ses détracteurs accusent en effet Zefzafi de tenir, entre autres, des propos « contradictoires et trop agressifs » envers ceux qui ne partagent pas ses discours.

Le mandat d'arrêt diffusé contre le jeune leader à la suite de son irruption dans une mosquée, révèle d’ailleurs que Zefzafi est accusé d'avoir « insulté le prédicateur » (qu’il aurait qualifié de « charlatan » selon la presse locale) qui s'opposait à la Mouvance dans son prêche.

Le site marocain Telquel, peint un autre personnage certes « étonnant et détonnant », mais aussi «ultra-conservateur» qui s’en est pris au festival de musique Mawazine (plus grand festival du continent africain qui s’est tenu du 12 au 20 Mai 2017).


Zefzafi aurait ainsi critiqué « les habits dénudés, les corps nus, (retransmis) sur des chaînes officielles, d’un pays qui se prend pour un pays musulman », rapporte le média marocain.


L’Association marocaine des droits humains, citée récemment par Le Monde, qualifie pour sa part, le « Hirak » de mouvement « sectaire, tribal et passéiste » tandis que le journal Maroc Hebdo affirme que Zefzafi a des velléités séparatistes.

Des accusations qui n’ont pas encore été prouvées et que récuse fermement le concerné. Zefzafi avait notamment affirmé au média marocain Lesiteinfo, « ne vouloir nourrir aucune révolution ».

Tandis que Zefzafi est désormais incarcéré à la prison de Aïn Sbaa, à Casablanca, la colère du Rif ne semble pas prête de s’éteindre et les arrestations risquent de se multiplier.

Justifiant la vague d’arrestations qui a décapité la Mouvance, le ministre marocain de l’Intérieur Abdelouafi Laftit, a d’ailleurs déclaré, mardi, devant le Parlement, que «L’État n’a d’autre choix que de faire respecter la loi».

Et d’ajouter : « L’État est mobilisé pour répondre aux revendications sociales et économiques de la population ». Des propos qui ne semblent toutefois pas apaiser les jeunes de la région.

Des heurts ont ainsi brièvement opposés jeudi soir des manifestants et des policiers à Al-Hoceima, selon des témoins oculaires qui assurent que « le mouvement ne faiblira pas tant qu’il n’y aura pas satisfaction totale ».

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