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RDC: La très haute cheminée de Lubumbashi, capitale du cuivre, veut prendre sa retraite

- Elle fêtera ses 106 ans cette année, mesure 154 mètres, ne fume plus depuis deux décennies, et semble sur le point de s'incliner

Slim Jerbia  | 15.06.2017 - Mıse À Jour : 16.06.2017
RDC: La très haute cheminée de Lubumbashi, capitale du cuivre, veut prendre sa retraite

Congo

AA/ Lubumbashi/Didier Makal

Elle fêtera ses 106 ans cette année, mesure 154 mètres, ne fume plus depuis deux décennies, et semble vouloir prendre sa retraite.

La très haute cheminée de Lubumbashi capitale cuprifère du Sud-est de la République démocratique du Congo, véritable symbole de l’exploitation minière, est sur le point de s’incliner.

Pour celui qui veut lui rendre visite, le constat est sans appel. La cheminée va mal. A l’entrée du chemin qui nous mène à elle, le ciel semble s’être rembruni. Le grillage autour, est lui aussi fatigué.

Le concierge est adossé à la guérite dont la peinture que l’on devine anciennement blanche, s’écaille peu à peu. « Vous êtes aux Usines de Lubumbashi, à la Gécamines (Générale des carrières et des mines, considérée comme « la reine du cuivre et du cobalt congolais) la gloire grisonnante de l’économie de la RDC ! », nous lance-t-il dans un geste théâtral.

Un peu plus loin, une allée s’ouvre sur des morceaux de ferrailles, des carcasses d’automobiles et de camions. Cette allée nous mène aux bâtiments qui servent de direction. De part et d’autre, le terril couvre la terre. Il culmine jusqu’à une centaine de mètres, jouxtant l’imposante cheminée et dépassant les blocs d’usines grisâtres.

La cheminée elle, porte une large cicatrice sur l’ensemble de son flanc sud-est. Une « égratignure », pour ceux qui la regarde de loin. « Le danger n’est pas imminent », rassure Jean-Pierre Ilunga Ngwej, chef de cabinet du maire de la ville.

Et de poursuivre dans un murmure :« Mais ce qui est sûr, c’est qu’elle devra bien s’écrouler un jour où l’autre ».
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Une éventualité qui attriste l’expert du tourisme katangais (province dont relève la ville de Lubumbashi) et professeur à l’Université de Lubumbashi Isaac Sumba. « Si on perdait la cheminée, Lubumbashi ne serait plus Lubumbashi. La ville perdrait son principal repère et il faudrait en chercher de nouveau », explique-t-il à Anadolu.

« Lorsqu’on frappe cette cheminée sur la monnaie nationale, cela veut bien dire qu’il s’agit d’un patrimoine national. C’est notre histoire. On peut d’ailleurs désormais parler de la mise en tourisme de la Gécamines », soutient le professeur.

L’arrêt progressif, puis définitif des Usines de Lubumbashi, entre 1994 et 1996, a provoqué le gonflement de la partie intérieure de la cheminée. « Sans chauffage, les briques et le ciment ont éclaté après avoir gonflé », la cheminée n’étant pas protégée contre les intempéries, explique un technicien de la Gécamines ayant préféré garder l’anonymat.
L’évolution de la technologie n’a d’ailleurs pas joué en sa faveur, poursuit le technicien.

« La puro-métallurgie est un procédé ancien, devenu plus encombrant et coûteux alors qu’on s’est rendu compte qu’on pouvait produire moins cher grâce à de nouveaux procédés », explique-t-il.

Même si la cheminée s’est arrêtée de fumer, elle n’a pas perdu de sa superbe pour autant. En 1997, Laurent-Désiré Kabila, devenu président de la RDC après avoir renversé le maréchal Mobutu, imprime cette cheminée ainsi que la montagne de terril qu’elle juxtapose sur le billet de 1 Franc congolais, ce qui équivaut alors à l’époque à 100 dollars américains. C’est la grande entrée de la cheminée dans le patrimoine culturel congolais.

Pourtant, celle qui fut autrefois dorlotée, se verra dépérir avec le déclin de la Gécamines et la multiplication de sociétés privées, cette dernière décennie. La Gécamines ne pourrait consentir d’énormes dépenses pour sauver un monument. Pourtant, malgré sa situation économique morose, la Gécamines « n’est pas complètement morte » pour ne pouvoir « un tant soit peu réparer ces fissures qui sont en train de naître », estime le chef du cabinet du maire de Lubumbashi. Mais c’est pourtant là tout le problème.

En 1997, une entreprise sud-africaine estimait le coût de la réhabilitation à 2 millions de dollars. « Trop cher », commente Pascal Makal de la Division de la Communication de l’entreprise, interrogé par Anadolu. D’autant plus que la Gécamines traversait à ce moment-là la pire de ses crises et qu’elle fut obligée de fermer ses unités non liées aux mines : la Gécamines exploitation tournée vers l’agriculture, par exemple, rappelle Makal.

Conscientes des dangers encourus si une telle cheminée s’effondrait, les autorités locales, elles, regardent de loin, et ne préfèrent pas s’exprimer sur le sujet.

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