Afrique

L’AFD nourrit des «ambitions nouvelles» pour la Tunisie et pour l’Afrique

L’AFD envisage de consacrer 1,2 milliard d’euros à la Tunisie sur cinq ans et 9 milliards d’euros à l’Afrique chaque année, avec une option pour le climat et les énergies renouvelables

Esma Ben Said  | 09.10.2017 - Mıse À Jour : 10.10.2017
L’AFD nourrit des «ambitions nouvelles» pour la Tunisie et pour l’Afrique

Tunis

AA/Tunis/Bouazza Ben Bouazza

Principal outil de la politique de coopération de la France, l’Agence française de développement (AFD) veut se fixer, de concert avec ses partenaires tunisiens, des «ambitions nouvelles» pour accompagner la Tunisie dans sa transition au plan économique et social, déclare dans une interview exclusive à l’agence Anadolu, la directrice Méditerranée, Moyen-Orient à l’AFD.


Marie-Hélène Loison, qui supervise l’ensemble de l’activité de l’Agence dans la région qui s'étale du Maroc jusqu’à la Turquie, incluant l’ensemble des pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, a tout d’abord précisé que l’enveloppe de 1,2 milliard d’euros annoncée par le premier ministre français Edouard Philippe, lors de son intervention aux «Rencontres Africa 2017» à Tunis, couvre une période de cinq ans allant jusqu’à 2020.

La Tunisie est considérée comme l’un des principaux bénéficiaires des programmes de coopération mis en œuvre par l’AFD, sachant que pour l’ensemble de l’Afrique, elle alloue environ 9 milliards d’euros par an.

L’enveloppe consacrée à la Tunisie représente une augmentation par rapport à la période précédente puisqu’en moyenne, 250 millions d’euros (ME) de financements annuels y seront alloués, contre 150 à 200 ME par an précédemment.

«Les chiffres sont, certes, importants puisqu’il y a des financements en augmentation, mais ce qui est plus important, c’est qu’on souhaite avec le gouvernement et avec tous nos partenaires tunisiens se fixer des ambitions nouvelles», souligne Mme Loison.

Soutenir le processus de transition en Tunisie

Comme pour justifier ce statut de «partenaire privilégié», la jeune dirigeante de l’AFD explique : «La Tunisie est, à l’évidence, dans un processus de transformation très important, suite à la transition politique. On est face à des enjeux économiques et sociaux très importants.

«Donc, notre souhait, c’est de travailler avec nos partenaires tunisiens (ensemble) pour accompagner cette transition au plan économique et social».

Elle rappelle, dans ce contexte, le protocole d’accord signé avec les partenaires tunisiens, notamment avec le ministre de la Coopération et du développement, en fin d’année dernière, «qui définissait non seulement ces nouveaux financements, mais également les nouvelles ambitions sur lesquelles on souhaitait travailler ensemble et qui recouperaient tous les sujets de la transition énergétique, vers une trajectoire bas carbone».

«C’est des sujets sur lesquels on continue de travailler avec le ministère de l’Energie, avec la STEG (Société tunisienne d’électricité et de gaz) et les autres autorités tunisiennes. On travaille également sur les inégalités, d’une façon générale, notamment sur le développement des régions défavorisées ainsi que sur les réformes, dont celles relatives à la gouvernance de l’administration et des entreprises publiques», note-t-elle.


Maîtrisant manifestement son sujet, elle ajoute : «de la sorte, on a beaucoup de sujets nouveaux sur lesquels on travaille et qui portent sur les secteurs, sociaux, la santé, l’éducation et qui, en plus des financements qu’ils requièrent, sont des points importants à souligner dans les ambitions qu’on se fixe en Tunisie».

Des projets concrets ; Priorité, les régions défavorisées

En réponse à une question d’Anadolu, elle cite des projets sur lesquels des accords ont été déjà signés, jeudi dernier, à l’occasion de la visite de M. Edouard Philippe en Tunisie, la première qu’il effectue hors de l’Union européenne depuis sa prise de fonction.

«C’est des projets concrets. Il y a d’abord un premier projet financé par une enveloppe d’environ 60 millions d’euros et qui vise à financer la modernisation des exploitations agricoles. Concrètement, cela signifie qu’on va aider l’Etat tunisien à renforcer son système d’aide pour soutenir les investissements dans ce secteur», articule-t-elle.

Elle détaille : «en plus de cet aspect financier, il y a une partie accompagnement, puisqu’il s’agit non seulement de financer des investissements, mais également d’offrir des services de formation et de conseil à ces exploitations agricoles pour les aider à mieux utiliser les ressources en eau, à changer leurs pratiques agricoles, notamment face aux changements climatiques qui ont un impact important sur l’agriculture tunisienne et, donc, à pouvoir mieux faire face à ces changements qui risquent d’affecter sérieusement ces exploitations. Ce projet cible les zones rurales dans les régions défavorisées qui sont dispersées sur tout le territoire du pays».

Pour le mener à terme, un financement est donc accordé à la Tunisie sous forme de prêt et, à côté, il y a une subvention qui permettra de financer le déploiement de tout ce dispositif de conseil et de formation. «L’enveloppe qui y est consacrée est assez importante puisqu’elle s’élève à 10 millions d’euros, un don financé par l’Union européenne».

Parallèlement, l’AFD a signé avec deux banques tunisiennes, Amen Bank et Union internationale de banques (UIB ), «des lignes de crédit destinées à financer, pour la première, le secteur de la microfinance, notamment pour permettre aux institutions de la microfinance de déployer des produits qui visent des populations ou des gouvernorats particulièrement défavorisés et dans le cas de l’UIB, des crédits pour financer des investissements dans le secteur des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique. Là aussi, il y a une enveloppe d’assistance technique en parallèle, qui permet à la banque de pouvoir améliorer sa méthodologie d’analyse de ce type de projets».

Interrogée sur le projet de construction d’un hôpital de Gafsa, dans le Centre-ouest du pays, Loison a tenu à préciser que ce projet, suivi par un comité de pilotage, n’est pas financé par l’AFD, mais entre dans le cadre d’un programme de conversion de dette.

En revanche, l’AFD travaille sur le financement d’un hôpital à Sidi Bouzid, une autre région défavorisée du centre du pays. «Actuellement, nous sommes à la phase d’étude. Et une fois que le contrat de prêt est signé, les travaux pourront démarrer».

Au niveau continental, l’Afrique représente la moitié de l’activité de l’AFD. Elle y investit à peu près 9 milliards d’euros par an.

«Sur l’ensemble du continent africain, c’est comme dans le cas de la Tunisie : il y a, à la fois des ambitions qu’on peut chiffrer en termes de volume de financements qu’on veut consacrer à ce continent. Mais, surtout, il y a une ambition très importante sur le déploiement des énergies renouvelables. Il s’agit aussi de travailler particulièrement sur les sujets d’adaptation aux changements climatiques sur l’ensemble du continent, à l’instar de ce qui est prévu en Tunisie. C’est-à-dire l’adaptation de l’agriculture, à la conception d’une infrastructure résiliente face aux changements climatiques, les tornades, les inondations …etc ».

Même son de cloche en Tunisie, où le gouvernement de Youssef Chahed a opéré un déploiement vigoureux en direction de l’Afrique devenu désormais un axe prioritaire en terme de coopération, à côté de l’Europe son partenaire traditionnel. En témoignent, la multiplication des visites de hauts responsables et de missions d’hommes d’affaires dans plusieurs pays africains, l’ouverture de nouvelles lignes aériennes et maritimes et de nouvelles représentations diplomatiques dans des capitales africaines et l’adhésion à la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) et bientôt à la COMESA (Marché commun de l’Afrique Orientale et Australe).

Renforcer l’intégration régionale

«Donc, pour l’Afrique, tout ce relève des changements climatiques et des énergies renouvelables, fait partie des sujets sur lesquels l’AFD entend travailler».
Dans son action continentale, elle relève «une nouveauté qui résonne bien, du reste, avec les «Rencontres Africa» de la semaine dernière (organisées simultanément à Abidjan, Nairobi et Tunis), c’est que l’AFD souhaite projeter une vision du continent africain dans son ensemble».

Elle explaique : «car souvent quand on parle de l’Afrique, les gens ont tendance à penser à l’Afrique subsaharienne. En réalité, le continent africain c’est un ensemble qui comporte l’Afrique du Nord et l’Afrique subsaharienne, alors qu’en fait, il n’y a pas une frontière saharienne qui couperait l’Afrique en deux. Il y a un continent à l’intérieur duquel il y a une diversité de pays et de régions, où il y a des dynamiques très différentes. Nous, ce qu’on souhaite faire, c’est à la fois bien travailler avec ces dynamiques régionales avec les acteurs régionaux et, d’un autre côté, réfléchir à ce qu’on peut faire pour renforcer l’intégration régionale en termes de flux et d’échanges ou travailler sur des projets qui sont à la frontières de deux pays ou de deux régions».

«On veut faire en sorte que le Sahara ne soit pas considéré comme la frontière sud du Maghreb ou la frontière nord du Sahel, mais bien un espace d’échanges économiques et humains qui ne soient pas illicites, et ce, dans le cadre d’une vision intégrée des problématiques régionales», résume-t-elle.

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