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Tchad - Législative 2018 : le scrutin de tous les défis

Pour organiser des élections législatives, le Tchad doit mobiliser environ 50 milliards de francs CFA, soit 100 millions de dollars

Lassaad Ben Ahmed  | 15.02.2018 - Mıse À Jour : 16.02.2018
Tchad - Législative 2018 : le scrutin de tous les défis

Chad

AA / N'djamena / Mahamat Ramadane

Au Tchad, depuis l’annonce de l’organisation des élections législatives en 2018, par le chef de l’Etat lors de son vœu de fin d’année le 31 décembre dernier, les partis politiques de la majorité et de l’opposition se mettent en ordre de bataille électorale, dans un climat de tension socio-économique sans précédent.

Avec la tension de trésorerie que traverse le pays, les remous sociaux portés par des contestations syndicales contre les mesures d’austérité du gouvernement, doublés de la crise humanitaire qui touche environ un tiers de la population du pays et la pressions des partenaires financiers comme la Banque mondiale et le FMI, tout est parti pour un scrutin législatif de multiples enjeux en 2018.

Certains observateurs de la scène politique tchadienne estiment qu’avec les multiples crises socioéconomiques que traverses le Tchad et son corollaire de mécontentement populaire, l’organisation des législatives en 2018 sera confrontée aux multiples défis, notamment politiques, économiques et techniques.

Défis économiques et financiers

D’après le politologue tchadien, Djimet Clément Bagaou, pour organiser des élections législatives, le Tchad doit mobiliser environ 50 milliards de francs CFA, soit 100 millions de dollars, pour financer le scrutin, notamment les recensements biométriques des électeurs et la mise sur pied des différents démembrements de la commission électorale et les kits biométriques.

Une somme que, selon Ousmane Koroty, expert en finance publique, le pays aura du mal à mobiliser en cette période de crise économique et financière, doublée de tension sociale tendue.
Il estime qu’en ce temps de crise, le pays doit non seulement limiter ses dépenses publiques mais aussi, commencer à régler ses dettes intérieures qui s’élèvent à 800 milliards francs CFA (1,6 milliards de dollars) et honorer ses engagements avec les partenaires internationaux, le FMI et la Banque mondiale.

D’après Ousmane Koroty, il serait difficile pour les autorités tchadiennes de demander une autre aide financière auprès des partenaires au développement pour organiser les législatives en 2018, parce que, semble-t-il, ces derniers ont déjà contribué aux efforts budgétaires du pays, à travers le financement du plan national de développement.

Enjeux techniques et juridiques

Pour organiser une élection, le gouvernement doit, au préalable, inclure une ligne budgétaire dans la loi de finances pour le financement du scrutin, même si les fonds seront mobilisés auprès des partenaires.
Mais selon certains acteurs de la scène politique, le financement de l’élection législative ne figure pas dans le budget général de l’Etat de l’année 2018.

«Une loi de finances, est une loi fondamentale, il faut au minimum six mois d’exécution avant de demander sa révision. Si les autorités veulent inclure une ligne budgétaire pour le financement des élections cette année, elles doivent attendre jusqu’en juin 2018. Ce qui signifie que, le gouvernement n’a qu’un seul semestre pour organiser le scrutin. C’est un exercice techniquement difficile à réaliser», a indiqué à anadolu, Djividi Boukar, président d’un parti politique de l’opposition.

L’autre facteur à prendre en compte, c’est l’enjeu lié au phénomène climatique. D’après le sociologue, Mbété Felix, entre la période allant du mois juin à octobre, c’est la saison pluvieuse au Tchad et elle n’est pas idéale pour l’organisation d’une élection.

Dans les secteurs ruraux, les paysans seront occupés dans les travaux champêtres et certaines régions du pays seront pratiquement inaccessibles par les voies terrestres à cause des inondations.

Une situation qui rendrait difficile les recensements des électeurs et la tenue du scrutin.

Enjeux socio-politiques

D’après certains analystes politiques, le pouvoir aurait beaucoup à perdre en organisant les élections législatives en ce moment de crise sociale. Avec les mesures d’austérité du gouvernement, très contestées par les populations, la majorité présidentielle n’aura pas le courage de convoquer un scrutin qui serait synonyme de suicide politique pour le pouvoir.

D’après le politologue Djimet Clément Bagaou, cette situation de crise sociale, portée par les contestations syndicales, ne sera pas, non plus, une opportunité politique qui favoriserait l’opposition au scrutin législatif, s’il arrive à être organisé en 2018.

Il estime que les populations et la société civile ont été déçues par l’attitude des partis politiques de l’opposition face aux mesures impopulaires du gouvernement.

«Le scrutin législatif, s’il est organisé dans cette condition de tension sociale, ça sera un échec total. Il y’aura beaucoup de cas d’abstention, les citoyens n’iront pas voter en masse, parce qu’ils sont certainement révoltés par les mesures antisociales du gouvernement, mais aussi, déçus par l’inertie de l’opposition, face à la crise», a-t-il indiqué à Anadolu.

Pression des partenaires extérieurs

Après la table-ronde des donateurs pour le Tchad, qui s'est achevée le 8 septembre 2017 à Paris et qui a permis au Tchad de lever 20 milliards de dollars de promesses de financent auprès des bailleurs internationaux, la France, premier partenaire du Tchad, a demandé au Président Idriss Deby Itno d’organiser très rapidement les élections législatives pour le renouvellement de l’actuelle législature, dont le mandat a expiré depuis deux ans.

«Les élections législatives sont un moment important dans la vie démocratique. Nous espérons à cet égard que les autorités tchadiennes, dont c’est la responsabilité exclusive, seront en mesure d’annoncer prochainement un calendrier», a déclaré à la presse le 12 septembre 2017, Agnès Romatet-Espagne, porte-parole du ministère français des Affaires étrangères.

Une déclaration qui a fait pression sur les autorités tchadiennes, en dépit de la crise sociale et économique, à renouveler très rapidement l’assemblée nationale dont le mandat a expiré.

L’opposition tchadienne, en revanche, juge que les élections législatives pourraient avoir lieu d’ici quelques mois. Mais elle exige de revoir quelques modalités pour mettre en place un nouveau code électoral juste et sincère.

«C’est triste et honteux que la demande pour la mise en place du calendrier des législatives vienne d’un pays étranger», s’indigne le chef de file de l’opposition, Saleh Kebzabo, à la presse.

Pour rappel, les élections législatives avaient été repoussées sine die en février 2017 par le chef de l’Etat, Idriss Déby Itno.

«Quand je dis que nous ne pouvons pas faire de législatives, c’est par manque de moyens. En période de vache maigre, on ne peut rien faire. Quand nous aurons des ressources, on pourra organiser des élections législatives » a-t-il indiqué à la presse.

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