Politique

Algérie: La mafia de l'argent sale à l'assaut des législatives

Nadia Chahed  | 20.03.2017 - Mıse À Jour : 20.03.2017
Algérie: La mafia de l'argent sale à l'assaut des législatives

Alger


AA/Alger/ Khedidja Baba Ahmed

Le climat à quelques semaines du scrutin du 4 mai prochain pour élire les députés de l’assemblée nationale algérienne, est des plus agité. Il l’est, non par engouement pour cette consultation comme on pourrait le penser, mais l’atmosphère est faite de protestations, de dénonciations venant de toutes parts. L’on crie de toutes parts non à la fraude annoncée et à l’entrée par effraction de l’argent sale des réseaux mafieux et des nouveaux riches dans la confection des listes de candidats.

Le pouvoir lui-même a été obligé de reconnaître qu’il y a bien eu utilisation de l’argent, occulte et fait état aujourd’hui de quelques arrestations. Ce « quelque » est un euphémisme, quand on sait que partout, dans toutes les circonscriptions électorales, ce phénomène est dénoncé et qu’il constitue aujourd’hui une pratique qui a décrédibilisé un scrutin annoncé pourtant comme allant être propre et transparent.

Les faits sont têtus, de plus, ils sont aujourd’hui donnés à voir par leur exposition instantanée sur les réseaux sociaux qui les relaient et sans qu’aucun dépositaire du pouvoir ne puisse intervenir. Il en est ainsi des rassemblements de protestation et de rejet, violents parfois, des listes concoctées souvent en vase clos. Ces protestations ne font pas naturellement ni l’ouverture des journaux publics ni les news des fins de journaux.

Les flagrants délits de Corruptions se succèdent

Il est vrai que la grogne gagne surtout le premier parti du pays, en l’occurrence le Front de Libération Nationale (FLN). C’est sans surprises, l’argent sale régnant en maître depuis une dizaine d’années, que les algériens ont appris qu’une députée du FLN, qui de plus est membre du bureau politique, chargée de la condition féminine, a été interpellée en flagrant délit de corruption. Les services de sécurité l’ont surprise à son domicile à Alger, au moment où elle ouvrait une valise contenant pas moins d’un milliard de centimes. Bénéficiant de l’immunité parlementaire, la députée aurait toutefois vu son passeport confisqué, en attendant sa présentation au juge.

Elle n’est pas la seule, et tous les jours, dans Alger et d’autres grandes villes, des faits de plus en plus graves, sont dénoncés ça et là, ce qui fait dire à certains commentateurs que l’urne des législatives du 4 mai prochain est « mise aux enchères » .

De 1 milliard de centimes, l’enchère justement monte à 10 milliards de centimes : C’est la somme qu’avance le quotidien arabophone, "Ech Chourouk" pour dénoncer un autre député, Hassen Laribi du Front pour la Justice et le Développement FJD qui aurait versé cette somme de 10 milliards de centimes pour se voir hisser comme tête de liste de l’alliance dont son parti le FJD est membre ( allié dans les élections aux partis Ennahdha et El Bina).

Le mis en cause a bien tenté de répondre au journal, niant bien sûr les faits mais sans apporter aucun argument sérieux et surtout sans porter plainte en diffamation contre le journaliste ce qu’aurait fait n’importe quel mis en cause sans raison et pour une raison aussi grave.

Quand le fils du SG du FLN est pris la main dans le sac

D’argent sale, il en fut question, par le secrétaire général du FLN lui-même, Ould Abbes. Ce dernier jurait ses grands dieux lors du lancement des candidatures de son parti que celles-ci allaient être élaborées, par la base militante, consolidées par le niveau central dans une grande transparence et qu’il allait effacer à jamais la « Chkara » terme utilisé par les algériens pour désigner l’argent occulte.

Ses militants y ont cru, jusqu’à ce qu’il soit rattrapé lui-même par une sordide histoire de Chkara révélée la semaine dernière par la presse et qui éclabousse le parti dont le président n’est autre que Abdelaziz Bouteflika qui a fait occuper le siège de secrétaire général par son ami « Ould Abbes. Que reproche-t-on au SG du FLN ? Le 1èr mars dernier, rapporte la presse, Wafi Ould Abbes, le fils de ce SG qui clamait qu’il allait faire disparaître l’argent sale des listes FLN de candidature, s’est fait arrêter, en voiture à proximité de la résidence d’Etat du Club des pins où il réside.

La fouille du véhicule a permis aux gendarmes de récupérer des listes de candidats aux législatives (que fait cette liste chez le fils du SG ?) et beaucoup d’argent. Après une longue audition à la gendarmerie et une perquisition dans son domicile, d’autres listes y ont été trouvées et un total de 60 millions de dinars et 20 mille euros ont été récupérés chez lui par la brigade de gendarmerie.

Beaucoup d’observateurs ont vite fait le lien entre ces listes , l’argent aux mains du fils du SG du FLN et le retour magique, en bonne place sur les listes de candidatures FLN d’actuels députés, hommes d’affaires brumeux, alors qu’ils avaient été justement enlevés trois jours auparavant, parce que l’argent qu’ils ne se gênaient pas de porter fièrement à la boutonnière de leurs costards était connu de tous, un argent et une richesse mal acquis.

Ces faits très graves ont été rapportés par la presse. Certains journalistes n’ont pas manqué d’interpeller le 13 mars dernier, le SG pour confirmer ou infirmer ces informations. Sans nier ces faits et d’un revers de manche, il s’est déclaré confiant en la justice de « son pays ». Pour celle-ci, faut-il le préciser, le fils du SG n’est pas encore coupable et n’est pas, pour l’heure, inculpé. L’on est juste dans une enquête préliminaire nous dit-on. Cette enquête sera-t-elle menée jusqu’au bout ? Rien n’est moins sûr.

Une autorité indépendante de surveillance qui ne peut rien

Face à cette sinistre situation du politique gangrené par l’argent, et dont les auteurs échappent pour la plupart à la justice, Abdelwahab Derbal, le président de la Haute Instance Indépendante de surveillance des élections, installé par le président Bouteflika dans cette fonction pour garantir l’honnêteté du scrutin du 4 mai , n’a pu échapper aux tirs groupés qui ont eu pour cible son institution chargée aussi de surveiller et prendre en charge ces dérives et les faire sanctionner par la justice. L’intéressé avoue que l’opération de collecte des signatures a effectivement été émaillée par un marchandage.

Néanmoins, pour lui, ces marchandages ne sont le fait que de fonctionnaires. Autrement dit, les responsables à un niveau plus élevé et ailleurs que dans l’administration ne sont pas concernés. Minimisant toujours cette pratique, il évoque « deux ou trois cas dont des fonctionnaires qui ont été appréhendés avec des preuves de leur implication. Ils sont incarcérés, ajoute-t-il.

Mais alors quid de tout le reste ? Sachant toutefois que ce que dénoncent notamment les partis de l’opposition sur le pourrissement par l’argent de tous les scrutins et sachant aussi que d’autres affaires peuvent encore surgir, M.Derbal ajoute « qu’il faut bâtir les fondations d’une élection transparente » et conseille de « prendre le temps nécessaire pour aboutir » !

Les citoyens algériens ont trop attendu et désespèrent de voir enfin un jour, un scrutin, une consultation enfin transparente.

Le recours des candidats à l’argent sale pour figurer sur les listes de candidature et en bonne place, a été dénoncé d’ailleurs très fortement cette dernière semaine par le parti RCD (Rassemblement pour la Culture et la démocratie Démocratique, par le Parti des Travailleurs et par le Front des Forces Socialistes qui prendront part à ces élections.

Tous s’élèvent contre ces pratiques « conduites par des réseaux administratifs mafieux selon le FFS, le plus vieux parti de l’opposition, qui considère que ces réseaux « ont joué un rôle dans la détermination des listes, voire dans la détermination du champs politique qui sert leurs intérêts, jouissant d’une liberté pour exécuter leur plan en l’absence d’un Etat de droit ».

Et beaucoup de citoyens de s’interroger : sachant tout cela ; sachant le trafic d’ores et déjà organisé et sachant enfin que les résultats seront à la mesure et en proportion de tout l’argent mis pour le blanchir ou pour gagner l’immunité tant recherchée par les mafieux acheteurs pour se prémunir de toute implication judiciaire, pourquoi ces partis de l’opposition participent-ils quant même à ces élections déjà gagnées par l’argent sale ?


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