Ces déplacés palestiniens qui refusent de quitter la ville de Rafah pour le Sinai, au péril de leur vie (reportage)
- Au milieu des craintes suscitées par la perspective d’une opération militaire à Rafah
Gazze
AA / Gaza / Hosni Nadim
Les Palestiniens déplacés craignent une opération militaire israélienne à Rafah, ville du sud de la bande de Gaza, qui pourrait entraîner des massacres et des crimes de génocide commis contre des civils.
Malgré ces craintes largement répandues, les Palestiniens interrogés par le correspondant d’Anadolu rejettent toute tentative de les déplacer hors de la bande de Gaza, affirment leur attachement à leurs terres et préfèrent ‘’mourir à Gaza plutôt que d'être déplacé vers le Sinaï égyptien’’.
Le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, a fait savoir mercredi qu’il avait ordonné à l’armée israélienne de préparer une opération militaire à Rafah. De son côté, le ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant, a déclaré lundi que ‘’Rafah est la prochaine cible de l’armée après Khan Younès’’.
Mercredi, le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a mis en garde le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, lors de leur rencontre au siège de la présidence dans la ‘’Muqata’a’’ à Ramallah, contre ‘’les conséquences de toute opération militaire israélienne à Rafah visant à faire pression sur les citoyens pour les forcer au déplacement’’.
Mahmoud Abbas a réitéré à cette occasion son rejet de tout ‘’déplacement forcé du peuple palestinien, que ce soit dans la bande de Gaza ou en Cisjordanie, y compris Jérusalem’’.
Depuis que l’armée d’occupation israélienne a demandé aux habitants du nord et du centre de la bande de Gaza d’évacuer leurs habitations pour gagner le sud du territoire, la ville de Rafah est devenue le dernier refuge pour Gazaouis.
Dans cette ville envahie de tentes, s’entassent près de 1,5 million de Palestiniens.
Ces dernières semaines, des organisations internationales humanitaires et de défense des droits humains ont alerté contre toute activité militaire israélienne à Rafah qui risque d’entraîner des pertes considérables en vie humaine.
Le Bureau de l’Onu pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA) a prévenu mercredi contre le risque de crimes de guerre si Israël prenait ‘’une quelconque mesure visant à étendre son invasion de Gaza à la ville densément peuplée de Rafah’’, soulignant la nécessité d’empêcher cette offensive par tous les moyens.
Le porte-parole de OCHA à Genève, Jens Laerke, a déclaré : ‘’L'intensification des hostilités à Rafah pourrait entraîner d'importantes pertes de vies civiles et nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour éviter cela’’.
Déplacement force vers le Sïnai ?! Plutôt mourir
Sur un ton martial, Raed al-Sharafa, 62 ans, déclare : ‘’plutôt mourir ici à Rafah, que d'être déplacé de force vers le Sinaï. Quand nous avons quitté notre maison et évacué vers le sud par la force, ils ont bombardé l’école Abu Bakr Al-Siddiq et mon fils a été tué’’.
Le sexagénaire au regard aigu a expliqué au correspondant d’Anadolu : ‘’J’ai été déplacé de Gaza vers Rafah, même si j’ai refusé de partir, mais j’y été forcé pour le bien de mes petits enfants qui étaient en ma compagnie, car leur père a été arrêté par l’armée israélienne’’.
’’Même s'ils me tuent, je ne quitterai pas la ville de Rafah. C'est totalement impossible et impensable et c'est le cas pour le peuple palestinien tout entier, pas seulement pour ma personne’’, a-t-il insisté.
‘’Comment pouvons-nous quitter notre terre pour le Sinaï !’’, s’est-il indigné.
Azhar Hamdi, une déplacée de Gaza, affiche la même position ferme que Raed al-Sharafa et rejette l’idée d'être déplacée vers le Sinaï, affirmant : ‘’je préfère mourir sur la terre de Gaza - cette cité palestinienne digne et rebelle - que de penser la quitter’’.
’’N'est-il pas suffisant que nous soyons déplacés à l'intérieur de nos terres ?! Nous n'acceptons pas et n'accepterons pas d’être déplacés vers le Sinaï’’, a-t-elle martelé. Et Azhar Hamdi de souligner au correspondant d’Anadolu : ‘’Ils commettent des crimes contre nous, où que nous soyons et où que nous allions, et cela les importe peu’’.
Il est surprenant que l’armée israélienne persiste à commettre des massacres et des génocides partout dans la bande de Gaza sans respecter la décision de la Cour internationale de justice ni répondre aux pressions internationales, a-t-elle relevé.
Massacres et crimes de génocide
Hadj Ibrahim Aouad, 63 ans, a affirmé que ‘’si l’armée israélienne pénètre dans la ville de Rafah, elle va perpétrer des massacres et des crimes de génocide contre des civils innocents’’.
‘’Nous entendons dire que l'armée israélienne menace de lancer une opération militaire à Rafah après que nous ayons été déplacés du nord’’, a affirmé Haj Aouad au correspondant d'Anadolu.
‘’Où devrions-nous aller ? Il ne nous reste plus beaucoup de temps à vivre, et il vaut mieux que nous mourrions ici dans notre pays’’, a-t-il dit, refusant catégoriquement l'idée de déplacer les Palestiniens vers la péninsule du Sinaï, dans le nord-est de l'Égypte.
Depuis que l’armée d’occupation israélienne a demandé aux habitants du nord et du centre de la bande de Gaza d’évacuer leurs habitations pour gagner le sud du territoire, la ville de Rafah est devenue le dernier refuge pour les Gazaouis.
Dans cette ville envahie de tentes, s’entassent près de 1,5 million de Palestiniens. Avant le conflit, Rafah comptait environ 300 000 habitants. Des dizaines de milliers de personnes ont afflué ces derniers jours vers la ville, notamment à la suite à l'escalade des opérations militaires israéliennes à Khan Younès.
Depuis le 22 janvier, l'armée israélienne a lancé une série de raids aériens et des frappes d'artillerie sur Khan Younès et à proximité de ses hôpitaux, tandis que les blindés israéliens poursuivent leur progression vers le sud et l’ouest de la ville, provoquant le déplacement de milliers de Palestiniens.
Depuis le 7 octobre 2023, l’armée israélienne mène une guerre sans répit dans la bande de Gaza, avec le soutien de Washington, qui a tué 28 340 personnes tuées, Palestiniens, en majorité des femmes et des enfants, et blessé 67 984 autres, selon le dernier bilan communiqué lundi par le ministère de la santé de Gaza.
Le conflit a provoqué également ‘’des destructions massives et une catastrophe humanitaire sans précédent’’, selon l’Onu.
La Palestinienne Wafa Ahmed (58 ans) rejette aussi l'idée d'un déplacement vers le Sinaï ou tout autre endroit en dehors des territoires palestiniens.
Wafa Ahmed, une femme déplacée de la ville de Gaza, a déclaré au correspondant d'Anadolu : ‘’La situation à Rafah est devenue très difficile, après que l'armée israélienne a intensifié ses raids ces derniers jours’’.
Elle craint que des massacres et des crimes de génocide ne soient commis contre les habitants et les personnes déplacées qui remplissent les rues de la ville. Elle a également évoqué son déplacement forcé au début de la guerre vers le petit village d'al-Zawaida, dans le centre de la bande de Gaza, avant de rallier la ville de Rafah.
Qusay Abdel Latif, une jeune palestinien de 19 ans, partage le même avis que les autres déplacés qui se sont confiés au correspondant d’Anadolu. Il a, en ce sens, exprimé ses craintes face à la perspective d'une opération militaire israélienne à Rafah, compte tenu de la densité de population sans précédent dans cette ville.
‘’La ville de Rafah est complètement remplie de personnes déplacées, il n’y a plus moyen de poser un pied par terre et il ne reste aucun endroit sûr dans la bande de Gaza’’, a déclaré le jeune palestinien.
Il a exprimé son rejet de l'idée d'un déplacement vers le Sinaï, se disant ‘’sidéré’’ par le silence du monde entier concernant les opérations de déplacement forcé ordonnées par Israël contre le peuple palestinien.
Les déplacés sont répartis dans les camps, les centres d'hébergement, les rues, les artères, les places publiques et les parcs de Rafah, à la recherche d’un abri pour fuir les bombardements.
Pour sa part, la palestinienne Inchirah Hamad se demande comment l'armée israélienne peut-elle mener son opération militaire à Rafah compte tenu de la densité de population dans la ville.
La femme déplacée de la ville de Beit Hanoun, dans le nord de la bande de Gaza, a exprimé son refus d’être déplacée en dehors de la bande de Gaza. Et d’ajouter que si l'armée mène son opération militaire, elle risque de perpétrer des massacres et de tuer un grand nombre de personnes. Inchirah Hamad a exprimé son étonnement quant au refus d'Israël d’autoriser le retour des déplacés vers le nord de la bande de Gaza.
La native de Beit Hanoun préfère mourir dans la bande de Gaza plutôt que d’être déplacée vers le Sinaï ou ailleurs.
‘’Que ferions-nous dans un pays qui n’est pas le nôtre, qui n'est pas notre patrie ?!’’, s’est-elle interrogée.
*Traduit de l’arabe par Majdi Ismail