Afrique

Abdoulaye Hissen à l’agence Anadolu : « Nous avons pris les armes pour que la communauté internationale nous écoute »

- Leader de l'ex-Séléka et dirigeant du (FPRC), Abdoulaye Hissen est une carte maîtresse dans l’échiquier politique de la Centrafrique. L’agence Anadolu l’a rencontré à Bangui pour une interview exclusive

Fatma Bendhaou  | 27.12.2020 - Mıse À Jour : 27.12.2020
Abdoulaye Hissen à l’agence Anadolu : « Nous avons pris les armes pour que la communauté internationale nous écoute »

Bangui

AA/ Bangui

A quelques heures d’un double scrutin à haut risque, dans une Centrafrique déchirée par les affrontements armés et les tiraillements politiques, Abdoulaye Hissen se confie à Anadolu.

Pourquoi vous avez décidé de prendre les armes ?

La raison essentielle de notre prise des armes est l’exclusion. C’est toute une région qui a été exclue et marginalisée. Nous n’avons rien… Nous sommes coupés de tout, même de la capitale, où pendant certaines périodes, nous n’y avions pas accès. Nous les jeunes du Nord, nous nous sommes révoltés… Nous n’avons pas pris les armes comme des rebelles, comme tout le monde laisse croire… C’est la révolution des Nordistes… Le grand Nord était à la merci de la nature, sans eau potable, sans écoles, sans routes, sans structures médicales pour accueillir toutes ces femmes qui accouchent en plein air sous les arbres. Vous imaginez que cela puisse avoir lieu au 21 ème siècle. Nous avons alors décidé de prendre les armes pour que nous soyons écoutés. Nous avons tiré une sonnette d’alarme pour que, justement, la communauté internationale nous écoute.

Peut-on toujours parler de l’Accord de khartoum ?

L’Accord de Khartoum existe, mais ses conditions et ses préalables n’ont pas été respectés, ce qui nous a amené à ce que nous vivons aujourd’hui. La communauté internationale appelle toujours à aller de l’avant selon ce qui a été convenu à Khartoum, donc personne ne peut ignorer cet Accord. La communauté internationale, notamment l’Union africaine et la MINUSCA, était le garant de la mise en œuvre l’Accord de Khartoum et devrait aider et faire avancer les choses dans ce sens, mais il faut souligner que cette communauté internationale n’a rien compris au système de la politique centrafricaine. Je le dis haut et fort, sans crainte. La solution par la force a échoué, il faut qu’on cherche un compromis qui soit accepté par toutes les parties. Si aujourd’hui, à la veille des élections, on entend toujours des coups de feu, c’est que la communauté internationale n’a pas pris ses responsabilités. Les partis politiques n’ont eu de cesse de crier leur volonté de chercher une assise pour résoudre tous les problèmes. Il y a des problèmes dans l’arrière-pays qu’il faut régler avant d’aller aux élections, mais la communauté internationale qui considère que nos jeunes sont des vauriens, a dit non. Et ce sont ces jeunes qui aujourd’hui mettent la communauté internationale, avec tous ses moyens, dans l’embarras. Chacun a sa façon de voir les choses, moi ce que je veux, c’est que la communauté internationale prenne la situation en main et réussisse à stabiliser ce pays. Si nous, Centrafricains, avions des solutions, nous n’aurions pas fait appel à la communauté internationale.

Quel jugement portez-vous sur ces élections du 27 décembre ?

Vous voulez qu’on parle d’élections ou de guerre ? Parce que d’un côté il y a une campagne électorale mais d’un autre il y a une guerre. C’est la confusion totale. On ne sait même pas qui fait quoi. Donc j’estime que je ne suis pas en mesure de porter un jugement. Ceci me dépasse. Chez nous on dit : on ne suit pas deux lièvres à la fois… Soit on fait la guerre, soit on fait la paix, ce n’est pas possible de faire les deux à la fois. Partout dans le monde, il y a eu des problèmes qui finissent par se régler. Pourquoi ceux de la Centrafrique ne se règlent pas ? Je me pose personnellement cette question. 

Comment évaluez-vous le rôle de la communauté internationale ?

Nous avons un document capital qui a été signé par 14 groupes armés où ils demandent la tenue de concertations avant les élections. C’était un mémorandum destiné à la communauté internationale. Trois grandes institutions étaient là : l’Union africaine, les Nations unies et la CEEAC (Communauté économique des États de l'Afrique centrale). Le document a été déposé à eux. Quand j’ai parlé au premier ministre, chef du gouvernement, il m’a dit vous avez émis vos revendications à la communauté internationale pas au gouvernement. Ces trois institutions ont leurs représentants ici. Quand on leur a posé la question sur le document qu’on leur a remis et qu’ils ont jeté dans les tiroirs, personne ne nous a donné de réponse. Moi personnellement je ne suis pas surpris parce que je m’attendais à ceci. Moi j’avais émis trois documents, un communiqué de presse et deux déclarations pour dire que l’exclusion posera toujours problème. Appelez tous les Centrafricains aux urnes sans exclusion et on va applaudir celui qui gagnera. J’ai donné des instructions pour que chaque partie puisse mener sa campagne librement. Les consignes ont été respectées dans nos zones, mais ceci n’a pas été le cas dans d’autres zones. La communauté internationale nous demande d’aller coûte que coûte aux élections… En même temps une grande partie des protagonistes dit que c’est impossible. C’est l’impasse.

Aujourd’hui, on vous voit circuler librement à Bangui presque sans dispositif de sécurité, alors que vous êtes sujet à des sanctions et certaines parties peuvent vous prendre pour cible. N’avez-vous pas peur ?

Moi je n’ai pas volé un centime. J’ai été ministre de la Jeunesse et du sport et de la Culture, j’ai dépensé mon propre argent. J’ai investi dans ces départements. Je n’ai pas volé l’argent de l’Etat. Ma conscience est tranquille. Ceux qui ont peur, ce sont ceux qui ont volé ou qui ont quelque chose à se reprocher. Moi je n’ai peur de rien. Je n’ai rien à me reprocher. Je défends l’intérêt de la population centrafricaine, spécialement les Nordistes qui sont marginalisés. 

Quel regard portez-vous sur le rapprochement et le partenariat entre la Centrafrique et la Russie ?

C’est une question de souveraineté. Notre pays est souverain. Un président de la république a le droit de choisir ses amis. Si le président de la république le professeur Faustin- Archange Touadèra a choisi les Russes comme amis et alliés, pourquoi je m’y opposerai ?

Etes-vous optimistes pour l’avenir de la RCA ?

Oui je suis optimiste pour l’avenir de la RCA, à condition qu’on ne soit pas divisé et que la politique centrafricaine se concentre sur la construction et le développement. Si on reste dans le même esprit d’exclusion, j’aurai tendance à être pessimiste. Le pays a tous les atouts pour se remettre debout et tous les moyens pour donner à manger à ses fils et ses filles.

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