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Burkina Faso : A Djibo, "des gens consomment des feuilles sauvages cueillies dans la brousse"

- Sous blocus des groupes armés, la ville burkinabè de Djibo, où au moins 8 enfants sont morts de faim lundi, est le théâtre d’un désastre humanitaire à huis clos.

Fatma Bendhaou  | 07.10.2022 - Mıse À Jour : 07.10.2022
Burkina Faso : A Djibo, "des gens consomment des feuilles sauvages cueillies dans la brousse"

Burkina Faso

AA/Ouagadougou/Dramane Traoré

Au Burkina Faso, la ville de Djibo, chef-lieu de la province du Soum dans la région du Sahel, avec une population comprise entre 250 à 280 000 habitants, est régulièrement sous blocus des groupes armés terroristes. La situation s’est encore détériorée depuis fin septembre dernier lorsqu’un convoi humanitaire sur lequel les espoirs étaient fondés a été la cible d’une embuscade : bilan 37 morts dont 27 soldats et plusieurs dizaines de camions transportant des vivres partis en fumée. La ville est, depuis, plongée dans une crise humanitaire sans précédent.

La situation humanitaire dans la ville de Djibo est "très chaotique ", a déclaré Hamadou Tamboura, membre du cadre de concertation des organisations de la société civile de la province du Soum.

"A Djibo ça ne va pas sur le terrain. Les gens ont épuisé leurs Stocks. Depuis une à deux semaines la situation est chaotique. On nous a même informés des cas de décès des personnes âgées et des enfants de faim. La situation se dégrade de jour en jour", a-t-il fait savoir dans une déclaration téléphonique à l'Agence Anadolu.

Tamboura a soutenu que : "actuellement il y a des gens qui consomment des feuilles sauvages cueillies en brousse, d'autres par contre abattent leur bétail pour se nourrir".

Face à la situation des "populations qui avaient fui leurs villages pour se réfugier à Djibo à cause de l’insécurité ont complètement décidé de partir et d’aller vers les zones d'insécurité. C'est la mort qu’ils avaient fui pour se retrouver à Djibo, mais ils continuaient de voir leurs proches mourir de faim. Donc ils repartent là où ils ont quitté", a-t-il dit avec beaucoup de regret.

Ali Boukoum, président du Conseil régional de la Jeunesse du Sahel a pour sa part expliqué que la région du Sahel dans son ensemble fait face à d’énormes difficultés en termes de satisfaction des besoins primaires.

-Situation catastrophique

Mais, "la situation est vraiment catastrophique dans les localités de Djibo, de Tin-Akoff, de Oursi et de Déou où des enfants et les personnes âgées meurent tous les jours du fait de la crise humanitaire", a-t-il dit.

"Actuellement les gens sont en train d’égorger un peu partout leurs animaux pour se nourrir. Et ça, la chance que nous avons eue, est qu’il y a un peu d’herbes pour les animaux. Si la crise persiste ça ne sera pas bon", a-t-il dit au téléphone.

La ville de Djibo accueille régulièrement de nouvelles personnes fuyant les violences dans les villages environnants. Les groupes armés terroristes, en plus des attaques contre les civils et les militaires, saccagent les points d’eau, les infrastructures sanitaires et de communication et minent les voies d’accès avec les engins explosifs improvisés.

Les opérations de ravitaillements effectuées avec le concours de l’armée se déroulent sous haute tension comme, le 25 mars dernier, quand un convoi de camions de commerçants a pu atteindre Djibo, mais deux soldats tués sur la route.

C’est le cas du dernier convoi composé de plus de 200 camions qui acheminaient des vivres sous escorte militaire vers la ville de Djibo province du Soum dans le Sahel burkinabè et qui a été la cible d’une embuscade meurtrière dans la localité de Gaskindé (Sahel).

Le bilan communiqué mercredi par l’armée est de 10 civils tués, 27 militaires tombés, 29 blessés dont 21 militaires, 07 civils et 01 Volontaire pour la défense de la patrie (VDP), 03 personnes toujours portées disparues et des dégâts matériels importants.

Dans un communiqué, l’Union des Chauffeurs Routiers du Burkina (UCRB), a invité l’ensemble de ses membres, à observer une période de recueillement, jeudi et vendredi, en la mémoire de leurs camarades lors de cette attaque.

La même source précise qu’"il nous revient que plus de 70 de nos camarades manquent à l’appel au cours de ce tragique événement".

Cette attaque avait suscité de vives émotions et relancé les débats autour de la capacité de l’armée burkinabè à faire face aux groupes armés terroristes qui endeuillent le pays depuis 2015.

Le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo qui dirigeait le Burkina Faso, au moment de l’attaque de ce convoi humanitaire, a été renversé vendredi par un groupe de militaires, conduit par le capitaine Ibrahim Traoré.

Damiba a reconnu lundi, dans une vidéo que cette dernière attaque et d’autres incompréhensions au sein de l’armée ont été l’élément déclencheur du coup d’Etat contre lui.

-250 mille personnes exposées à la famin

Depuis l’attaque du 26 septembre dernier, la ville de Djibo est "paralysée", a glissé un humanitaire sous le couvert d’anonymat. "La situation se complique de jours en jours. Manque de vivres, d’eau potable de produits pharmaceutiques…. de tout", a-t-il dit à l’Agence Anadolu.

Au moins huit enfants sont morts de faim, lundi à Djibo, ont alerté mardi, les organisations de la société civile de la région du Sahel.

Mardi, sur les réseaux sociaux notamment sur twitter, des citoyens burkinabè ont lancé une campagne de mobilisation en faveur du ravitaillement de la ville, sous les hashtag #PontAerienPourdjibo et #AgirPourDjibo #BurkinaFaso.

Le même jour, l’armée burkinabè a héliporté des vivres et d’autres produits alimentaires vers la ville de Djibo selon des sources concordantes.

"Depuis mardi on a parlé de ravitaillement, mais vraiment jusqu'à présent (mercredi), la population n'a rien reçu. J'ai échangé avec quelqu'un sur place - qui a pu avoir la connexion sur son téléphone - qui m'a dit qu'ils ont remarqué les va-et-vient des hélicoptères. Mais pour le moment, ils n'ont rien reçu. On a ravitaillé, mais on n’a pas encore distribué aux populations", a dit Tamboura.

Dans une note, Idrissa Badini, un autre membre de la société civile du Sahel a salué les efforts qui sont faits "pour sauver ceux qui sont encore en vie à Djibo" et invité les populations du Soum à maintenir la veille d’alerte.

"Nous vous demandons de relayer l'alerte qu'il y a plus de 250 mille âmes au 21è siècle qui sont en train de mourir de faim. À tous les niveaux, si les gens pouvaient faire quelque chose, pour essayer de ravitailler la ville. Cela allait nous soulager. On ne sait plus à quelle porte frapper", a dit Tamboura.

Ali Boukoum, lui, appelle le capitaine Ibrahim Traoré et ses hommes qui ont renversé vendredi dernier le lieuetant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba à mettre les moyens qu’il faut pour ravitailler la ville de Djibo.

"Il faut mettre tous les moyens. Il ne faut pas qu’ils écoutent ceux qui disent sur les réseaux sociaux qu’au 21è siècle on est en train de larguer de quoi manger à des populations. Les habitants qui sont dans ces localités ne jugent pas des moyens par lesquels ils sont ravitaillés. Ce qui les importe, c’est d’avoir des vivres", a-t-il plaidé.

-Ravitailler par tous les moyens

"S’il faut larguer les vivres par des hélicoptères, ou convoyer par la route, le plus important c’est d’avoir de quoi se nourrir. Il faut prendre d’autres dispositions pour accompagner les commerçants qui ont leurs marchandises à acheminer", a-t-il appelant les autorités internationales à accompagner les initiatives nationales.

Au regard de l’urgence, Tamboura a déclaré que pour lui, le premier acte que le capitaine Traoré devait poser était de chercher à ravitailler la ville de Djibo.

"Je me disais que la première des choses, avant même de faire le discours, c'était de voir dans quelle mesure, ils vont amener quelques aliments à Djibo. Après cela, ils pouvaient aller s'assoir pour discuter des questions d'attribution de pouvoir", a-t-il dit.

Bokoum a pour sa part lancé un appel aux commerçants qui bénéficient du soutien de l’armée lors de l’acheminement de leurs marchandises à faire preuve de "compassion et d’intégrité" dans la revente des produits qu’ils acheminent grâce aux convois militaires vers les différentes localités.

"C’est vrai que le transport est couteux, mais quand ils (le commerçants) arrivent ils vendent extrêmement cher les vivres", a-t-il dit indiquant que les populations ne possèdent plus d’argent pour acheter les vivres.

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