Cameroun – Crise anglophone : Les principales dates d’une insurrection (Chronologie)

Cameroon
AA / Desk / Peter Kum
Voici les principales dates relatives à la crise anglophones au Cameroun, depuis son déclenchement en octobre 2016 :
11 octobre 2016 : Des dizaines d’avocats originaires des régions du Nord-ouest et du Sud-ouest du Cameroun, ont manifesté à Bamenda, chef-lieu du Nord-ouest. Ces avocats anglophones voulaient faire entendre leur désapprobation contre le manque d'une version anglaise de textes indispensables à leur travail.
Les «actes uniformes» de l'Organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA) en vigueur depuis des mois n’avaient pas été traduits en anglais comme le prévoit la constitution.
Ces avocats réclamaient également l’affectation dans les régions anglophone de magistrats maîtrisant l’anglais ; la création au sein de la Cour suprême d’une section spéciale chargée des recours contre les décisions rédigées en anglais et la création d’un département «Common Law» à l’Ecole de la magistrature.
21 novembre 2016 : Des enseignants anglophones du Nord-ouest et du Sud-ouest descendent dans les rues. «Le fond du problème, c'est le déploiement d'enseignants francophones dans des écoles anglophones».
«Le gouvernement, en raison du tribalisme et du népotisme, a même commencé à recruter des francophones pour enseigner l'anglais à des enfants anglophones. C'est scandaleux», expliquait Tassang Wilfred, le secrétaire général du syndicat des enseignants anglophones, le Cameroon Teachers’ Trade Union (CATTU), porte-parole des manifestants.
8 décembre 2016 : Le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), parti au pouvoir, organise un meeting à Bamenda, chef-lieu du Nord-ouest. La réunion est considérée par les populations comme une provocation. Des activistes posent des barricades à plusieurs coins de la ville et le cortège du Premier ministre est empêché d’accéder au lieu où était prévu le meeting.
Gendarmes et policiers sont mis à contribution. Ils essaient de démanteler les barricades. Les manifestants s’y opposent. Les affrontements sont inévitables. Bilan : deux morts et des dégâts matériels.
9 janvier 2017 : Le consortium de la société civile du Cameroun anglophone (CRCSC) fait sa première sortie en lançant l’opération ville morte et invite les populations à rester chez elles afin de faire pression sur le gouvernement Camerounais pour qu’il trouve des solutions concrètes aux revendications des avocats et enseignants anglophones. Mouvement largement suivi.
17 janvier 2017 : Le ministre de l'Administration territoriale et de la décentralisation, René Emmanuel Sadi, publie un arrêté portant interdiction de toutes activités au Cameroun contre le Southern Cameroon National Council (SCNC) et le consortium de la société civile anglophone.
Le même jour, la connexion internet a été coupée dans les régions anglophones et le président du consortium de la société civile anglophone du Cameroun, l’avocat Agbor Felix Nkongho et plusieurs autres activistes, sont arrêtés et transférés à Yaoundé.
20 janvier 2017 : Le gouvernement rend public une dizaine de textes traduits en anglais, parmi lesquels l’acte OHADA et le nouveau code pénal. Pour autant, le collectif des avocats boudent les tribunaux. Ils réclament la libération de leurs confrères arrêtés le 17 janvier.
24 janvier 2017 : Paul Biya annonce la création de la Commission nationale pour la promotion du bilinguisme et du multiculturalisme (CNPBM) et nomme pour la présider un ancien premier ministre originaire d’une région anglophone, Peter Mafany Musonge. Dans le Nord-ouest et le Sud-ouest, l’activité ne reprend pas.
20 avril 2017 : Paul Biya instruit à son ministre en charge des Télécommunications de rétablir l’Internet dans les régions anglophones.
30 août 2017 : Le Président ordonne l’arrêt des poursuites judiciaires contre 15 leaders anglophones emprisonnés depuis le 17 janvier 2017. Certains activistes ne bénéficient pas de cette grâce présidentielle.
Pour autant, dans les régions anglophones, les populations réclament la libération Mancho Bibixy, alias «BBC». Cet animateur radio est connu pour ses positions radicales contre le régime.
4 septembre 2017 : C’est le jour de la rentrée scolaire. Le gouvernement veut en faire un symbole de sa maîtrise de la situation. Les activistes anglophones pour leur part, clament que tant que les personnes emprisonnées ne sont pas libérées et l’ensemble de leurs revendications ne sont pas satisfaites, la rentrée scolaire n’aura pas lieu. Les élèves sont interdit d’y aller par le mouvement anglophone.
21 septembre 2017 : Des activistes s’attaquent à des élèves qui bravent l’interdiction d’aller à l’école. Un dispositif militaire est dressé autour des établissements scolaires. Pour leur part, les activistes décident de mettre le feu à certaines écoles. Pour démontrer leur détermination, les activistes font exploser une bombe à Bamenda et trois policiers sont blessés par l’explosion.
Le jour même, on entend parler pour la première fois d’Ambazonia, cet Etat que veulent instaurer des activistes anglophones.
22 septembre 2017 : Les rues des villes du Nord-ouest et du Sud-ouest sont noires de monde, des milliers de personnes manifestent pour exiger la libération des activistes anglophones arrêtés et pour la première fois, l’on entend dans la foule des manifestants crier pour l’indépendance de l’Ambazonia. Des drapeaux bleu et blanc de la présumée Ambazonia sont brandis.
Le gouvernement déploie l’armée pour stopper les manifestants. Les militaires font usage de leurs armes sur la foule qui brandissaient outre des drapeaux, des rameaux d’arbres. Au lendemain de cette manifestation, le porte-parole du Gouvernement, Issa Tchiroma a reconnu sept morts dans des rangs des civils.
Le même jour, une bombe explose à Douala, capitale économique du Cameroun. Le gouvernement dénonce un attentat terroriste.
30 septembre 2017 : Les populations des régions anglophones font le grand ménage dans les rues et hissent le drapeau «d’Ambazonia» devant des édifices publics en préparation de l’indépendance.
A Yaoundé, les réunions de crise se multiplient. L’atmosphère est à couper le souffle. Des hélicoptères de combat survolent les villes, des véhicules blindés bouchent les entrées, des activistes sont traqués jusque dans les broussailles.
Plusieurs témoignages font état de mouvements de personnes qui quittaient déjà les villes de Bamenda, Buea ou Kumba pour se réfugier dans la partie francophone du pays.
1er octobre 2017 : Cette date symbolique de réunification du Cameroun a été choisie pour organiser plusieurs manifestations dans les régions anglophones, malgré les mesures de sécurité.
Les manifestants ont été dispersés à coups de gaz lacrymogènes et à balles réelles. D’après Amnesty International, «plus de 20 personnes ont été illégalement abattues par les forces de sécurité».
Le gouvernement camerounais avait officiellement reconnu une dizaine de morts. Dans un communiqué, le Réseau des défenseurs des droits humains en Afrique Centrale (Redhac) dressait un bilan d’au moins cent manifestants décédés suite aux «tirs à balles réelles des forces de défense et de sécurité et par suffocation de gaz lacrymogène absorbé en grande quantité».
Au soir du 1er octobre 2017, le dirigeant sécessionniste Sisiku Ayuk Tabe, a prononcé un discours dans la télévision de propagande des séparatistes, la SCNBS, pour féliciter les activistes de leur bravoure.
Le même jour, aux premières heures de la matinée, la prison de Kumbo, est attaquée et incendiée. Cinq prisonniers sont abattus selon le porte-parole du Gouvernement.
2 octobre 2017 : Les sécessionnistes comptaient leurs morts, des blessés prenaient le chemin de l’hôpital et plusieurs personnes essayaient de traverser la frontière pour le Nigéria voisin. Plusieurs personnes étaient interpellées et entassées dans des prisons.
Préoccupée par les actes de violence dans ces régions, la communauté internationale (ONU, la Francophonie, l’Union Africaine, ..), demande au régime de Yaoundé d’engager «un dialogue inclusif» avec les activistes anglophones.
15-24 octobre 2017 : Sur instruction du président Paul Biya, depuis l'Europe lors d'une visite privé, le Premier ministre du Cameroun, Yang Philémon conduit une mission gouvernementale dans les régions anglophones pour dialoguer avec les populations. Mais les délégués ont été refoulés dans plusieurs localités.
Dans un communiqué publié le samedi 14 octobre, Felix Agbor Nkongho, l’un des leaders de la contestation anglophone condamnait et rejetait cette démarche du gouvernement.
19 octobre 2017 : L’International Crisis Group (ICG) tire la sonnette d’alarme, concernant la crise anglophone au Cameroun, via un rapport, mettant en grade les autorités camerounaises contre une insurrection armée dans les régions anglophones.
8 novembre 2017 : Couvre-feu décrété suite à une attaque, par des activistes «lourdement armés» contre les forces camerounaises à Bamenda (Nord-oues), faisant deux morts parmi les soldats.
24 novembre 2017 : Les séparatistes anglophones ont franchi un nouveau pas en annonçant une composition gouvernementale propre aux régions anglophones du Nord-ouest et du Sud-ouest, ce qu’ils ont qualifié de : «l'Ambazonie ». Deux jours après, le gouvernement réagit en insistant sur l’unité territoriale du pays.
28 novembre 2017 : Une attaque aux armes légères fait quatre morts parmi les soldats dans un village du Sud-ouest. Cette attaque intervient un jour après la publication d’une vidéo par les troupes armées se réclamant d’Ambazonia.
Dans cette vidéo devenue virale, largement diffusée par des membres de ces forces, on y voit le «Général» Ayaba Lucas Cho, chef militaire des séparatistes, en train de visiter des troupes dans une localité dans la région anglophone du Sud-ouest.
29 novembre 2017 : Une nouvelle attaque dans la localité Otu, Sud-ouest, près de la frontière avec le Nigéria fait deux morts parmi les policiers. Le gouvernement promet de riposter.
1er décembre 2017 : Une réunion d'urgence des généraux et des forces armées camerounaises est convoquée par le président Paul Biya. A la suite de cette réunion, un déploiement militaire a été décidé dans les régions anglophones.
Sisuku Ayuk Tabe, président autoproclamé des régions anglophones déclare depuis le Nigéria être prêt à tout pour se séparer du Cameroun.