Conflit en RDC : au Sénat, la Diplomatie française mise en cause
– Le Sénat français a débattu de la situation sécuritaire en République démocratique du Congo, mettant en lumière des divergences sur la réponse à adopter face aux violences.

Ile-de-France
AA / Paris / Ümit Dönmez
Le Sénat français a tenu, mercredi 29 janvier, un débat tendu sur la crise sécuritaire dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC), où le groupe rebelle du M23, soutenu par l'armée rwandaise selon Paris et Kinshasa, mène une offensive. Les échanges ont mis en évidence une ligne de fracture entre le gouvernement français, qui mise sur la diplomatie, et certains parlementaires réclamant des sanctions plus fermes contre le Rwanda et l’Ouganda.
Interpellé par le sénateur Christophe-André Frassa (Les Républicains), le ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a réitéré la position officielle de la France : une condamnation sans ambiguïté des actions du M23 et de ses soutiens. "La France condamne fermement l'offensive menée par le M23 et soutenue par les forces armées rwandaises", a-t-il déclaré, dénonçant une attaque contre "l'intégrité territoriale et la souveraineté congolaise".
Le ministre a souligné que Paris s'efforçait de mobiliser la communauté internationale, rappelant que la France avait soutenu la demande de la RDC d’organiser deux réunions d’urgence au Conseil de sécurité de l’ONU et porté une déclaration condamnant le M23. Il a également insisté sur l'engagement français au sein de l'Union européenne, affirmant que Bruxelles, sous impulsion française, avait appelé à un cessez-le-feu immédiat.
Toutefois, cette approche a été jugée insuffisante par Christophe-André Frassa, qui a dénoncé l’inaction de la communauté internationale et le manque de mesures concrètes contre les États accusés de soutenir le M23. "On condamne, on condamne, mais il manque l’essentiel", a-t-il martelé. Il a notamment pointé du doigt le financement par l'Union européenne, à hauteur de 20 millions d’euros, de l'armée rwandaise pour son intervention au Mozambique, dénonçant l'absence de garanties empêchant ces fonds de profiter aux "opérations du Rwanda en RDC".
Le sénateur a également évoqué les enjeux économiques sous-jacents au conflit, accusant Kigali d’exploiter les richesses minières congolaises, en particulier le coltan, un minerai stratégique utilisé dans les technologies modernes. "Le Rwanda est un exportateur de coltan, alors qu’il n’y en a pas un gramme sur son sol. 60 à 80 % des réserves mondiales de coltan se trouvent, comme par hasard, à l'est de la RDC", a-t-il souligné.
Il a appelé la France à aller plus loin en initiant des sanctions contre Kigali et Kampala : "Ce serait l'honneur de la France d’être à la tête de demandes de sanctions contre l'Ouganda et contre le Rwanda."
Le conflit en RDC ne se limite pas à un affrontement entre le M23 et Kinshasa. Il s’inscrit dans un contexte régional complexe, où la RDC et le Rwanda s’accusent mutuellement de déstabilisation. Dans une adresse à la nation, ce mercredi soir, le président congolais, Félix Tshisekedi, a promis une "riposte vigoureuse" et dénoncé l’inaction de la communauté internationale face à ce qu’il qualifie de "crimes de guerre". "Votre silence et votre inaction (...) constituent un affront non seulement à la RDC, mais également aux valeurs universelles de justice et de paix", a-t-il déclaré dans son allocution télévisée.
De son côté, le Rwanda rejette les accusations de soutien au M23 et estime que le mouvement rebelle est un problème interne à la RDC. Kigali affirme que la RDC collabore avec des groupes armés hostiles au Rwanda, notamment les FDLR, une milice composée, selon le Rwanda, d’anciens génocidaires hutus réfugiés en RDC depuis 1994.
Pour rappel le Mouvement du 23 Mars (M23) a été créé en 2012 par des militaires dissidents de l’armée congolaise. Après une brève montée en puissance, il a été défait en 2013 par les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), appuyées par les Casques bleus de la MONUSCO. Cependant, le M23 a repris les armes en 2022, s’emparant de plusieurs localités dans la province du Nord-Kivu, et récemment de Goma, située à la frontière du Rwanda et de l’Ouganda.
Kinshasa accuse le Rwanda de soutenir activement le M23 pour accéder aux richesses minières de la région. Ces accusations sont étayées par des rapports d’agences onusiennes, qui pointent un appui militaire rwandais au mouvement rebelle. Pour la RDC, le M23 est un groupe "terroriste" et toute forme de négociation est catégoriquement rejetée.
Le Rwanda réfute ces allégations, affirmant que le M23 est un mouvement congolais dirigé par des Congolais. Kigali rejette également les conclusions des rapports onusiens et rappelle avoir désarmé les rebelles du M23 qui s’étaient réfugiés sur son sol en 2012-2013, avant de remettre leur arsenal aux autorités congolaises.
Pour le Rwanda, le M23 représente selon le chef de la diplomatie ‘’une menace pour sa sécurité intérieure". Kigali accuse la RDC de collaborer avec des groupes armés, notamment les miliciens Wazalendo et les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), considérés comme responsables du génocide rwandais. Ces alliances, selon Kigali, s’inscriraient dans une stratégie visant à renverser le gouvernement rwandais.