Covid-19 : Un double coup porté à la diaspora et à l’économie algérienne (Reportage)

Algeria
AA / Alger / Hassèn Jebril
La pandémie de la Covid-19 a empêché des millions d’immigrés algériens de se rendre à leur pays pour passer les vacances d’été et a privé, par ailleurs, le trésor public d’importantes sommes en devises fortes.
Selon des estimations non-officielles, près de 7 millions d’Algériens résident à l’étranger, dont 5 millions en France seulement, quelque 150 mille en Espagne et 60 mille au Royaume-Uni.
Au mois de mars dernier, l’Algérie a fermé ses frontières terrestres, maritimes et aériennes pour lutter contre la propagation de la pandémie, et le statu quo a été maintenu avec quelques exceptions s’agissant des vols de rapatriement des Algériens bloqués à l’étranger.
Jusqu’au 3 septembre courant, l’Algérie a enregistré 46 mille 364 contaminations au virus, 32 mille 745 rétablissements et 1.556 décès liés à la pandémie.
** Frontières fermées
La Présidence algérienne avait souligné, dans un communiqué rendu public, il y a de cela quelques semaines, que les frontières terrestres, maritimes et aériennes du pays demeureront fermées à cause de la poursuite de la propagation du virus.
La compagnie aérienne « Air Algérie » a annulé, durant la période s’étalant du 19 mars jusqu’à la fin du mois de juillet dernier, 4.357 vols, soit l’équivalent de 1,07 million de sièges, dont la majorité est destinée aux immigrés. La compagnie a essuyé des pertes évaluées à 135 millions USD et devraient atteindre, d’ici la fin de l’année, 290 millions USD.
Compte tenu de la fermeture des espaces aérien et maritime de l’Algérie, les autorités ont engagé des opérations de rapatriement parmi les personnes bloquées et qui ne sont pas immigrées. Cette opération a permis, jusqu’à présent, de rapatrier près de 30 mille citoyens.
Les différents aéroports et ports algériens connaissent généralement une dynamique intense des immigrés qui rentrent dans leur pays à l’occasion des vacances d’été. Ce retour est accompagné d’une augmentation importante des prix des billets à cause de la demande considérable.
A chaque été, les immigrés de retour en Algérie, apportent dans leurs bagages, des biens et des fonds en devises étrangères, qu’il s’agisse de sommes d’argent en liquide ou de comptes en devises étrangères dans des banques locales, qui sont généralement injectés dans le marché informel des devises, qui fait florès.
Selon les estimations du gouvernement algérien, les transferts des immigrés (via les banques) s’élèvent annuellement à 2 à 3 milliards USD.
** Des impacts économiques
Samir Chaabna, député au parlement algérien représentant la diaspora en France, estime que la fermeture des frontières maritimes, aériennes et terrestres, a empêché quelque 800 mille algériens de France de retourner dans leur pays pour passer leurs vacances estivales.
Chaabna a déclara à Anadolu Agency que « le fait qu’un grand nombre d’immigrés algériens n’aient pas pu passer leurs vacances d’été dans leur pays a eu des retombées économiques et sociales ».
Au plan économique, le député a relevé que « l’Algérie a accueilli, l’année passée, quelque 800 mille immigrés établis en France, qui ont passé leurs vacances dans le pays, et ce chiffre était appelé à la hausse cette année, n’eut été la pandémie de la Covid-19 ».
Selon Chaabna, les vacances devaient être réparties en 3 parties, la première durant le mois saint du Ramadan et l’Aid al-fitr, la deuxième au courant du mois de juin et de juillet (vacances d’été) et la troisième au courant du mois d’août (Aid al-Idha).
Ainsi, a-t-il poursuivi, l’impossibilité pour la diaspora algérienne de venir passer leurs vacances en Algérie, a privé le pays de recettes substantielles en devises étrangères, qui atteindraient les 800 millions d’euros (930 millions USD), du moins pour les vacanciers en provenance de France, et ce en comptant la moyenne des dépenses, estimées à 1000 euros par personne (1.117 USD).
Parallèlement aux incidences économiques, Chaabna estime « qu’il existe des conséquences sociales, du moment que des milliers de membres de la diaspora ont été empêchés d’assister à des fêtes de mariage ou religieuses en Algérie ».
Il a ajouté que les « immigrés ont été privés de retourner dans leur pays et d’assister aux funérailles de proches, décédés à cause de la Covid-19 ou pour d’autres raisons.
** Dynamique économique
De son côté, l’activiste algérien résident à Marseille (Sud de la France), Youcef Bouabboun, a relevé que la « pandémie de la Covid-19 a eu des impacts économiques, tout particulièrement sur les immigrés et sur le pays en général ».
Dans un entretien accordé à AA, l’activiste a indiqué que la « pandémie de la Covid-19 a empêché les petits commerçants parmi les immigrés de retourner au pays, où ils créaient à chaque fois une dynamique économique à travers les biens et produits qu’ils apportent ».
La pandémie a eu également des retombées importantes sur les entreprises publiques de transport maritime et aérien, en privant le trésor public, depuis 5 mois, des devises fortes, en contrepartie des opérations de réservation des billets depuis l’étranger, selon Bouabboun.
« L’absence des immigrés cette année en Algérie a causé au ralentissement de la dynamique économique et touristique (réservations aux hôtels et des maisons sur le littoral), que connaissaient le pays chaque été », a-t-il encore dit.
Il a estimé que ce ralentissement a touché, particulièrement, des « régions, qui fournissent un grand nombre d’immigrés, telles que la Kabylie, la capitale Alger, Oran, Sétif, Batna, Jijel, Constantine et d’autres ».
** Les transferts de fonds
Pour sa part, le professeur d’économie, Abderrahmèn Ayya, estime que « le retour d’immigrés, particulièrement d’Europe, pour passer leurs vacances estivales, est plus que nécessaire, compte tenu de leur contribution à apporter les devises fortes au pays ».
Selon l’universitaire, « des centaines de milliers d’immigrés dépensent, annuellement, d’importantes sommes en devises, dans les places publiques (marché informel) ».
L’expert économique a ajouté que les devises transférées par la diaspora sont achetées par les citoyens résidents en Algérie à des fins de voyage, dès lors que les banques n’autorisent qu’un montant annuel s’élevant à 110 euros, au titre de l’allocation touristique selon la règlementation.
Le taux de change de l'euro s’établit dans les banques algériennes à 139 dinars, mais atteint sur le marché informel 200 dinars environ. De même, le taux de change du dollar américain dans les banques est estimé à 120 dinars, et sur le marché parallèle à 175 dinars.
Avec «la volatilisation des vacances estivales», selon l’expression de Ayya, l’activité des marchands de contrebande, qui prospéraient à chaque été, sera suspendue, de même que les compagnies de transport maritime et aérien seront largement affectées, dès lors que les vacances estivales représentaient une occasion en or pour ces compagnies pour engranger des recettes importantes ».
*Traduit de l’Arabe par Hatem Kattou
Seulement une partie des dépêches, que l'Agence Anadolu diffuse à ses abonnés via le Système de Diffusion interne (HAS), est diffusée sur le site de l'AA, de manière résumée. Contactez-nous s'il vous plaît pour vous abonner.