Crise en RDC: ‘’nous n’avons pas de soldats sur le sol congolais’’, dit le chef de la diplomatie rwandaise
- Au moment où Kigali est accusé de soutenir militairement les rebelles du M23 dans l’Est de la RDC et que des négociations doivent s’ouvrir mardi 18 mars en Angola

Kigali
AA / Tunis / Majdi Ismail
Le ministre rwandais des Affaires étrangères, Olivier Nduhungirehe, a déclaré que son pays n’avait pas de soldats sur le sol congolais, estimant que les rapports onusiens attestant qu’environ 4 000 soldats rwandais combattaient au côté du Mouvement du 23-Mars en République démocratique du Congo étaient ‘’fallacieux’’.
‘’Nous n’avons pas de soldats sur le sol congolais. Nous n’avons pas conquis de territoire. Le Rwanda a effectué des opérations ciblées le long de sa frontière et proportionnées à la menace qui plane sur nous’’, a insisté le chef de la diplomatie rwandaise dans une interview accordée au Monde Afrique (Le Monde) publiée samedi 15 mars.
‘’A plusieurs reprises, Félix Tshisekedi a dit qu’il voulait renverser le gouvernement rwandais. En 2022, il a qualifié le régime de ‘’diabolique’’. Un an plus tard, il a menacé de bombarder Kigali. Il s’est allié avec les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), des milices « wazalendo » et l’armée burundaise. Il y avait aussi des mercenaires européens, roumains et français. Nous avons alerté la communauté internationale sur tous ces points. Mais elle a minimisé la posture agressive du président congolais, alors que ses menaces étaient sur le point d’être mises à exécution’’, a expliqué le ministre rwandais des Affaires étrangères.
Concernant l’appui militaire de Kigali au M23, Olivier Nduhungirehe estime que les rapports rédigés par un groupe d’experts des Nations unies en ce sens ‘’sont fallacieux’’. ‘’Croyez-vous vraiment que ces experts se sont rendus physiquement sur le terrain et qu’ils ont vu les 4 000 soldats rwandais ? Pour nous, ce groupe d’experts n’est pas un acteur crédible’’, a déclaré l’officiel rwandais.
Interrogé sur la sympathie exprimée par Paul Kagame au groupe rebelle M23, le chef de la diplomatie rwandaise a déclaré : ‘’Le M23 combat les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), un mouvement composé d’anciens génocidaires [ayant participé au génocide des Tutsi en 1994] et qui est actif juste de l’autre côté de notre frontière. Ce groupe armé continue de recruter des soldats et bénéficie du soutien militaire et financier du gouvernement congolais. Qui dans le monde n’aurait pas de sympathie pour un mouvement qui lutte contre une force génocidaire ?’’
Pour ce qui est des pourparlers directs entre la RDC et le M23 annoncés par le président angolais Joao Lourenço, le ministre rwandais a fait observer que Kigali a ‘’toujours dit qu’il fallait des négociations directes entre le gouvernement congolais et le M23, afin de s’attaquer aux causes profondes de la crise’’.
Pour le Rwanda, le M23 ‘’a repris les armes pour s’opposer à la persécution et la discrimination des Congolais rwandophones et en particulier des Tutsi, alors que des membres de cette communauté ont encore récemment été lynchés et que d’autres ont été victimes de cannibalisme. Ces problèmes doivent être réglés : les rwandophones doivent pouvoir vivre en paix et en sécurité en RDC’’.
‘’Si les médiations ont toutes échoué jusqu’à présent, c’est parce que le président congolais refusait de discuter directement avec le M23’’, accuse le responsable en chef de la diplomatie rwandaise.
Au sujet des mesures de rétorsion qui peuvent être imposées à Kigali par l’Union européenne en raison du conflit dans l'Est de la RDC, Olivier Nduhungirehe a souligné que son pays ’’n’a pas peur d’être isolé’’. Et d’ajouter : ‘’Les sanctions qui ont été prises à notre encontre par certains Etats vont en réalité à l’encontre des processus de médiation africains. Ils font croire à Félix Tshisekedi qu’il suffit que des sanctions européennes soient prises pour que le conflit soit réglé. Depuis la chute de Goma, il y a eu plusieurs sommets africains et le président congolais n’y a jamais participé, il a préféré aller demander des sanctions aux Occidentaux’’.
Le chef de la diplomatie rwandaise a salué par ailleurs les ‘’bonnes relations’’ avec Paris, même s’il reconnait ‘’des divergences sur le conflit dans l’est de la RDC’’. ‘’Emmanuel Macron a tenté une médiation politique destinée à sortir de cette crise. Cette initiative est la bienvenue’’, a-t-il dit.
L'Angola, acteur majeur de la médiation régionale dans le conflit opposant la RDC aux rebelles du M23, avait annoncé mercredi, l’organisation de pourparlers de paix directs entre les deux parties à partir du 18 mars dans la capitale angolaise, Luanda. Cette initiative vise à trouver une issue pacifique au conflit qui ravage l’Est de la RDC. Cette annonce intervient après une visite récente du président congolais, Félix Antoine Tshisekedi, à Luanda, où il a rencontré le président angolais, João Lourenço, pour discuter des perspectives de paix dans l'Est de la RDC.
Ces négociations visent à mettre fin au conflit qui s’est intensifié après une percée éclair du M23 dans l’est de la RDC, qui a pris le contrôle de plusieurs villes stratégiques, notamment dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, aggravant une crise humanitaire déjà alarmante. Des milliers de personnes ont été déplacées, et les rapports sur les violations des droits humains se multiplient, suscitant l’inquiétude de la communauté internationale.
Plusieurs pourparlers antérieurs ont été organisés, mais n'ont malheureusement pas abouti à des résultats concrets, avec des violations répétées des cessez-le-feu.
Les négociations directes entre Kinshasa et le M23 sont considérées comme une étape cruciale vers une résolution pacifique du conflit dans l’Est de la RCD.
Le M23 a été créé en 2012 par des militaires dissidents de l’armée congolaise. Après une brève montée en puissance, il a été défait en 2013 par les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), appuyées par les Casques bleus de la Monusco. Cependant, le M23 a repris les armes en 2022, s’emparant de plusieurs localités dans la province du Nord-Kivu, située à la frontière du Rwanda et de l’Ouganda.
Kinshasa accuse le Rwanda de soutenir activement le M23 pour accéder aux richesses minières de la région. Ces accusations sont étayées par des rapports d’agences onusiennes, qui pointent un appui militaire rwandais au mouvement rebelle. Pour la RDC, le M23 est un groupe ‘’terroriste’’ et toute forme de négociation est catégoriquement rejetée.
Le Rwanda réfute ces allégations, affirmant que le M23 est un mouvement congolais dirigé par des Congolais, bien que ses membres parlent le kinyarwanda, la langue rwandaise. Kigali rejette également les conclusions des rapports onusiens et rappelle avoir désarmé les rebelles du M23 qui s’étaient réfugiés sur son sol en 2012-2013, avant de remettre leur arsenal aux autorités congolaises.
Pour le Rwanda, le M23 représente une menace pour sa sécurité intérieure. Kigali accuse la RDC de collaborer avec des groupes armés, notamment les miliciens Wazalendo et les Forces démocratiques de libération du Rwanda, considérés comme responsables du génocide rwandais. Ces alliances, selon Kigali, s’inscriraient dans une stratégie visant à renverser le gouvernement rwandais.
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