Haïti : une pauvreté due à une dette indue envers la France, selon le New-York Times
- « Haïti est le seul pays au monde où des générations de descendants d’esclaves ont versé des réparations aux héritiers de leurs anciens maîtres », s’insurge encore le journal.
France
AA / Paris / Fatih KARAKAYA
La France a extorqué des milliards de dollars à Haïti, 21 ans après son indépendance, révèle, dimanche, le New-York Times.
En effet, selon une enquête menée par six journalistes du média américain pendant un an, la France avait exigé des millions de francs en 1825 soit vingt et un ans après l'indépendance de l'archipel et a obligé le pays a contracter un prêt pour rembourser cette dette.
Selon cette enquête, vingt-cinq ans après avoir obtenu son indépendance de la France, les Haïtiens voient débarquer « une escadre française porteuse d’un ultimatum du roi Charles X ».
Ainsi, « cet ultimatum exige la somme de 150 millions de francs à leurs anciens maitres », explique le NYT, estimant que « cette somme est démesurée au regard des moyens ».
D’après les données de l’époque, la richesse totale du Haïti ne fait qu’un peu plus de 5 millions de francs. Malgré l’absurdité de la situation, les Haïtiens n’ont d’autre choix que d’accepter « sous la menace ».
-- Le prix de l’indépendance
Ces 150 millions de francs servent à reconnaître « l’indépendance du Haïti », explique NYT qui s’étonne aussi que Charles X soit présenté comme « le véritable libérateur du peuple haïtien ».
Accédant à des relevés bancaires et des registres, le NYT démontre que Haïti a accepté de payer 30 millions de francs par an pendant cinq ans.
« Haïti est le seul pays au monde où des générations de descendants d’esclaves ont versé des réparations aux héritiers de leurs anciens maîtres », s’insurge encore le journal.
Malgré l’accord, comme l’explique le journal, Haïti est incapable de payer ces sommes qui dépassent largement ses revenus.
En contrepartie, « la France oblige alors Haïti à souscrire à un emprunt bancaire pour couvrir le premier paiement », détaille encore le média américain qui démontre aussi « la double dette d’Haïti à cause des intérêts et des commissions appliqués à l’emprunt.
-- 560 millions de dollars
Toujours selon le journal, la France accepte de réduire la dette à 90 millions de francs mais avec les intérêts et les commissions, le pays a déjà payé plus de 112 millions de francs. D’après les experts consultés par le NYT, ce montant est l’équivalent de « 560 millions de dollars, aujourd’hui ».
Mais, d’après les calculs du journal, si le pays avait conservé cette somme « il se serait enrichi de 21 milliards de dollars », une somme déjà jugée largement en dessous de la réalité.
En tenant de la possibilité de croissance, le journal estime à « 115 milliards de dollars de richesse perdue pour Haïti ».
D’ailleurs pour forcer les Haïtiens à rembourser la dette, la France fonde alors la Banque Nationale d’Haïti qui n’a « de national que son nom », précise encore le média. Après la fondation de cette banque, « le Trésor Public d’Haïti est aux mains d’une banque française », regrette encore le NYT.
-- Demande de réparation
Mais ce qui est encore plus étonnant dans l’enquête de New York Times, c’est le comportement de la France face aux demandes de réparation.
En effet, à partir de 2003, le président haïtien de l’époque, Jean-Bertrand Aristide demande des réparations financières à la France.
« Les conséquences furent immédiates, et durables. Une dizaine de personnalités politiques françaises et haïtiennes ont décrit lors d’interviews comment la France a agi rapidement et résolument pour étouffer la demande de restitution, puis a soutenu les opposants de M. Aristide, avant de le chasser du pouvoir avec l’aide des États-Unis », explique encore le journal.
Pour affirmer une telle accusation, le NYT s’appuie sur les déclarations de l’ambassadeur de la France.
« Mais Thierry Burkard, ambassadeur de France en Haïti à l’époque du départ du président haïtien, admet aujourd’hui que les deux pays ont bien orchestré [un coup] contre M. Aristide. Quant au lien entre sa brusque éviction du pouvoir et la demande de restitution, Burkard reconnaît que [c’est probablement ça aussi un peu] », raconte le journal.
En effet, après avoir réclamé un peu plus de 21 milliards de dollars à la France, Aristide a été chassé par l’opposition.
« Quelques semaines après le départ de M. Aristide, Gérard Latortue, nommé chef du gouvernement haïtien par intérim avec le soutien des puissances occidentales, rencontre le président Jacques Chirac et, dans la cour du palais de l’Elysée, déclare aux journalistes qu’il a renoncé à la demande de restitution », précise encore le journal.
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