Afrique

Il y a 32 ans, reddition du général Manuel Noriega...

Flashback sur celui qui symbolisait parfaitement les contradictions nées de la Guerre froide en Amérique latine.

Ekip  | 03.01.2022 - Mıse À Jour : 04.01.2022
Il y a 32 ans, reddition du général Manuel Noriega...

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AA / Mohamed Badine El Yattioui

Le 3 janvier 1990, le "règne" du général Noriega prit fin. Flashback sur celui qui symbolisait parfaitement les contradictions nées de la Guerre froide en Amérique latine.

Longtemps soutenu par la CIA (Agence américaine des renseignements), Manuel Noriega finira par être lâché par les Etats-Unis, qui envahissent le Panama en décembre 1989, pour l’arrêter le 3 janvier 1990. Le général a été emprisonné aux Etats-Unis puis en France.

Formé au Pérou et au sein de "l’École des Amériques", il est repéré puis recruté par la CIA. Cette école avait pour but de former des militaires anti-communistes, dans un contexte très particulier qui fut celui de la Guerre froide. La première puissance mondiale a alors considéré que l’Amérique latine était sa chasse gardée « gelant » la démocratisation de l’Amérique latine.

L’argument avancé était d’empêcher la constitution d’un régime d’inspiration communiste et d’un risque éventuel de contagion (du fait de la prise de pouvoir par les castristes à Cuba en 1959).

Tant que l’URSS existait, l’Amérique latine était très importante sur le plan diplomatique et militaire pour les Etats Unis, d´où leur stratégie de « containment », ou d’endiguement, de la menace communiste.

Selon Lesley Gill, professeure d'anthropologie à l'Université Vanderbilt dans le Tennessee (Etats-Unis) et spécialiste du sujet, “la pénétration des États-Unis dans le système militaire de tous les pays afin que ceux-ci deviennent dépendants”.

En 1968, il participe au coup d’État contre le président panaméen Arnulfo Arias, en soutenant le général Omar Torrijos. Il devient le chef des services de renseignement puis leader de l'armée.

Il devient, de facto, l’homme le plus puissant de son pays car indispensable pour Washington.

Alain Rouquié, universitaire de renom concernant l'Amérique latine et qui fut ambassadeur de France au Salvador, au Mexique et au Brésil a écrit que la « diplomatie du relais militaire » a pu servir comme « substitut à l'intervention directe des États-Unis ».

La lutte contre les régimes communistes à Cuba et au Nicaragua est une priorité pour la première puissance mondiale.

Manuel Noriega, qui a compris les enjeux géopolitiques, comprend également comment faire fortune de façon illicite. En protégeant Pablo Escobar et son fameux cartel de Medellin (Colombie), par exemple, et en lui permettant de blanchir son argent au Panama, Noriega s´enrichit considérablement.

Dans les années 1980, Escobar inonde les États-Unis avec sa cocaïne.

Le général Noriega en profite aussi pour vendre des milliers de passeports panaméens aux services de renseignement cubains, ce qui est assez surprenant et paradoxal quand on connait l'affrontement terrible entre Fidel Castro et les Etats-Unis.

L'universitaire américain Richard Koster et l'intellectuel panaméen Guillermo Sanchez Borbon publient un livre en 1990 intitulé "In the Time of the Tyrants" et révèlent que le général vendit au leader cubain des passeports panaméens au prix de 5000 dollars la pièce. Les gains illicites auraient atteint 772 millions de dollars.

Sans jamais devenir Président, le commandant en chef des forces armées fait du Panama une plaque tournante du trafic de drogue et du blanchiment d’argent.

N´ayant pas anticipé les bouleversements géostratégiques engendrés par la chute du Mur de Berlin, il ne se rend pas compte qu´il n´était plus utile pour les États-Unis, mais plutôt encombrant.

La signature d’accords de défense bilatéraux avec de nombreux pays et la fourniture d’armes ont permis à Washington de développer des actions militaires en Amérique latine et de s’y implanter durablement.

Au départ motivé, pendant la Guerre Froide, par la lutte contre les mouvements révolutionnaires pro-cubains et pro-soviétiques, la présence américaine est, depuis la chute du Mur de Berlin, motivée officiellement par la lutte contre le trafic de drogue.

D’ailleurs, cette présence des États-Unis sert, surtout, à assurer la promotion stratégique de leurs intérêts économiques.

Bogota avec le Plan Colombie, en 1999, et Mexico, avec l´Initiative Merida en 2008, en savent quelque chose.

Pourtant, pour revenir au cas panaméen, dès 1986, le Sénat américain approuve (à une quasi-unanimité) une résolution appelant le Panama à retirer Manuel Noriega des Forces panaméennes de défense, du fait d'une enquête pour corruption, fraude, meurtre et trafic de drogue.

Puis, en 1988, des juges de Floride l'accusent d'avoir transformé son pays en plaque tournante de trafic de cocaïne. Le puissant général organise, en réponse, de grandes manifestations anti-américaines et deux coups d'Etat manqués.

En décembre 1989, l'armée panaméenne tue un soldat américain, en blesse un deuxième et en agresse un troisième.

Le 20 décembre 1989, le président George H. Bush (ancien directeur de la CIA qui le connaissait donc bien) déclare que "les menaces imprudentes du général Noriega contre les Américains au Panama ont créé un danger immédiat pour les 35 000 citoyens américains sur place. C'est pourquoi j'ai chargé nos forces armées de protéger la vie des citoyens américains au Panama et de traduire le général Noriega en justice aux États-Unis".

L’opération "Juste Cause" est lancée contre Manuel Noriega, elle fut la plus grosse opération militaire américaine depuis la guerre du Vietnam, avec 27 000 soldats. Lâché par ses plus proches soutiens, il se réfugie à l'ambassade du Vatican, avant de se rendre, le 3 janvier 1990.

Il meurt en 2017, à l’âge de 83 ans, dans son pays après avoir passé plus de vingt-cinq ans en prison entre les Etats-Unis (pour trafic de drogue), la France (pour blanchiment d’argent) et le Panama (trois condamnations pour la disparition et l’assassinat d’opposants).

Il présenta ses excuses, en 2015, à « quiconque se serait senti offensé, affecté, affaibli ou humilié par mes actions ».

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