Kémi Seba : « L’intérêt de la Turquie pour l’Afrique est un partenariat gagnant-gagnant »
- L'Agence Anadolu a rencontré le président de l'ONG "Urgences Panafricanistes" à Istanbul
Istanbul
AA/Istanbul
Le combat de Kémi Séba, depuis 20 ans est « de défendre le rapprochement des peuples tout en soutenant l’indépendance totale de l’Afrique ».
Si les détracteurs de Kemi Seba, président de l'ONG "Urgences Panafricanistes", sont nombreux c’est que son combat dérange au plus haut niveau dans le contexte des tensions que subit la France en Afrique et particulièrement au Mali où Kémi Séba s’est rendu récemment et alors que la présence de la France dans la région du Sahel est de plus en plus controversée.
Kémi Séba, figure de proue du panafricanisme moderne, célèbre pour son activisme anticolonialiste déclare approuver le principe « gagnant-gagnant » d’Erdogan sur l’Afrique, dans un entretien accordé à l'Agence Anadolu.
Ce militant de 40 ans, né à Strasbourg, bête noire des gouvernements français successifs, souvent comparé à Malcolm X par ceux qui le connaissent de longue date et suivent ses nombreux combats, est actuellement en visite à Istanbul dans le cadre des activités de son ONG « Urgences Panafricanistes » dont il est président, à l’occasion du forum économique Turquie-Afrique organisé à Istanbul les 21 et 22 octobre, où il va rencontrer la communauté Africaine et échanger avec des acteurs locaux.
[Vidéo] Kémi Seba : L'#Afrique a besoin de partenaires comme la #Turquie ⏩ https://t.co/itB7HRBAwD pic.twitter.com/Nfn5a2j6y9
— ANADOLU AGENCY (FR) (@aa_french) October 21, 2021
Le départ
Considérant qu’il n’était plus possible de mener sereinement ses combats de manière libre en France après avoir été arrêté pour ses idées et dans la logique de son combat politique, Kémi Séba s’installe au Sénégal en 2011. En 2015 il fonde l’ONG « Urgences Panafricanistes » pour non seulement apporter un soutien humanitaire à différents pays d’Afrique (1) (2) mais pour porter son message de lutte « contre le néocolonialisme français » dont il fustige notamment l’hypocrisie humanitaire en Afrique. Il fustige également le franc CFA et organise régulièrement des conférences politiques ou des manifestations controversées sur ce sujet sensible dans l'ensemble des pays d'Afrique francophone qui sont perçus comme des provocations, ce qui le conduira à quitter le Sénégal pour le Bénin en 2017.
Visite en Turquie
Actuellement en visite à Istanbul, le président de l’ONG « Urgences Panafricaniste » a expliqué à Anadolu que sa présence en Turquie est une démarche de « restructuration du monde multipolaire ». Il estime que « la seule façon de mettre fin à l’hégémonie occidentale » est de « diversifier les rencontres et les échanges avec les nations qui ont souffert ou souffrent de l’oppression et de l’oligarchie occidentale.»
Il explique que son ONG est « présente partout, en Amérique du Sud ou encore en Asie, en Europe de l’Est ou encore au Moyen-Orient » et qu’il était donc « tout à fait normal » pour lui « de venir en Turquie. ». Il est persuadé, « eu égard à la politique étrangère des autorités turques actuelles, qu’il y a matière à discuter de coopération entre la Turquie et l’Afrique, tout en insistant sur l’absolue nécessité du respect de la souveraineté des populations africaines ».
Le fait que le Président turc insiste lui-même beaucoup sur ce point dans ses propres discours semble donc avoir convaincu l’activiste le plus célèbre d’Afrique, de mieux connaître la Turquie à travers des rencontres à Istanbul avec la communauté africaine et la population turque et faire connaître ses propres combats.
Kémi Séba insiste sur le fait qu’il n’est pas question de brader les ressources de l’Afrique mais de nouer des partenariats gagnant-gagnant qui respectent la logique d’autodétermination de la population africaine.
Il déclare apprécier la politique étrangère de la Turquie ces dernières années et estime que le Président Erdogan fait partie des dirigeants qui sont les plus mobilisés pour faire face à « l’arrogance vis-à-vis de la population du monde».
Il ajoute ne pas être dans une quelconque naïveté et que le seul messie de l’Afrique reste l’Afrique.
Kémi Séba rappelle que l’Afrique est un continent et pas un pays et que l’unité de ses 54 nations est un objectif qu’il espère devenir réalité, « des Etats-Unis d’Afrique ».
Ses combats
Tout en appelant au respect intégral de la souveraineté africaine, l’activiste ouvre la porte à des partenariats équilibrés où chacun tirerait ses intérêts dans le respect et la dignité.
Influent leader de la jeunesse et de la société civile africaine, Kémi Séba insiste souvent sur la notion de souveraineté. Il aimerait que l’Afrique achève son émergence et son indépendance quitte à se fâcher avec les grandes puissances occidentales.
Kémi Séba fustige également l’attitude de certains dirigeants africains qui selon lui « se soumettent aux volontés de l’Occident » et « entraînent un processus de désintégration des nations et des populations africaines. »
Il est convaincu que la seule façon de sortir de ce système est donc de « pouvoir couper le cordon ombilical avec ces Etats occidentaux ». Il existe pour lui « d’autres façons de gérer les affaires de la cité et la politique de manière globale. »
Kémi Séba juge « que la meilleure alliance avec l’Afrique c’est en priorité d’opérer un processus d’unité avec elle-même ». En citant Malcolm X, il réaffirme cette urgence d’unité pour mieux unir l’Afrique au reste de l’humanité. Pour ce militant, le panafricanisme, qu’il décrit comme une « solidarité intra-africaine », permettrait de s’opposer au « joug impérialiste occidental afin de respecter l’intégrité et la souveraineté totale des populations africaines ». Pour lui, l’Afrique a besoin de partenaires durables comme la Turquie qui pourrait « s’installer dans cette voie-là à l’instar d’autres pays ».
La visite d’Erdogan
D’ailleurs, le Président Turc, Recep Tayyip Erdogan a entamé dimanche une nouvelle visite sur le continent Africain, en Angola, au Togo et au Nigeria à deux mois du troisième sommet Turquie-Afrique qui doit se tenir à Istanbul en décembre. Erdogan est le chef d’Etat non Africain qui a le plus visité l’Afrique. Depuis son accession au pouvoir en 2003, Erdogan a visité plus de 30 pays du continent africain et renforcé des liens industriels, économiques et de développement grâce une coopération humanitaire avec de nombreux pays.
Mais au-delà de ces relations privilégiées avec de nombreux pays africains, la Turquie participe aussi directement à l’essor du continent en développant son réseau diplomatique et en déployant des partenariats stratégiques dans les infrastructures comme les aéroports et les hôpitaux ou encore des écoles et développe des relations économiques bilatérales gagnant-gagnant.
La compagnie aérienne Turkish Airlines a par ailleurs multiplié les ouvertures de ligne ces dernières années pour renforcer sa présence ce qui permet aussi de construire des coopérations solides avec les Etats africains et permet à la société civile africaine, aux touristes et aux hommes d’affaires africains de découvrir la Turquie et inversement. Les pays du continent sont de mieux en mieux desservis par des liaisons aériennes régulières.
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