Libye : L’intervention turque affaiblit le chef de guerre libyen Khalifa Haftar
- Un article publié dans les colonnes du journal français "Le Monde" évoque le rôle de la Turquie dans les récentes victoires remportées par les forces gouvernementales libyennes de Fayez Al-Sarraj
Ankara
AA - Tripoli
Dans un article publié dans les colonnes du journal français "Le Monde", le journaliste Frédéric Bobin évoque le rôle de la Turquie dans les récentes victoires remportées par les forces gouvernementales libyennes de Fayez Al-Sarraj, contre les milices du chef de guerre libyen Khalifa Haftar, soulignant notamment l’apport des drones turcs dans le rééquilibrage des forces en conflit en Libye.
Rappelant que l'épidémie de coronavirus n'a pas affecté la guerre en cours en Libye, malgré les appels internationaux à mettre fin aux hostilités pour mieux lutter contre le virus, Frédéric Bobin cite une source onusienne affirmant que "La poursuite des affrontements, qui entrave la mobilisation sanitaire contre le virus, est une véritable bombe à retardement".
Et de noter que le bilan officiel publié par les autorités sanitaires libyennes, qui fait état de 48 cas confirmés de Covid-19, dont un décès, est manifestement sous-estimé "compte tenu de la désorganisation du système de santé causée par la violence ambiante".
S’agissant de l’escalade militaire de ces derniers jours, l’article du journal "Le Monde" souligne qu’elle consacre un renversement du rapport de force au détriment des milices de Haftar, qui mènent depuis l’hiver une offensive contre Tripoli, fortes du soutien des Emirats Arabes Unis et de la Russie.
Les milices de Khalifa Haftar ont, en l’espace d’une journée, perdu le contrôle des localités côtières de Sabrata et de Sorman, à moins de 70 km à l’ouest de Tripoli.
"Le Monde" cite de nombreux analystes soulignant le rôle majeur de la Turquie dans le changement des rapports de force sur le terrain.
Répondant aux questions du journaliste français, le chercheur à l’Institut allemand des affaires internationales et de sécurité (SWP), à Berlin, Wolfram Lacher note que "Le rapport de force a fondamentalement changé depuis le début de l’année" en faveur du gouvernement d’entente nationale, reconnu par la communauté internationale et l'ONU.
Et Lacher d’ajouter : "A l’époque, les Emiratis maîtrisaient le ciel au service d’Haftar. Or les drones turcs, ainsi que les systèmes de défense antiaérienne qu’Ankara a installés en Tripolitaine, ont maintenant pour effet d’empêcher l’aviation émiratie d’atteindre Tripoli ou Misrata."
Pour Jalel Harchaoui, spécialiste de la Libye à l’Institut néerlandais des relations internationales Clingendael, à La Haye, "La dynamique de la guerre a changé", soulignant l’apport décisif de l’intervention turque dans le conflit.
Frédéric Bobin estime, dans son article, que l'intervention des Turcs en faveur du gouvernement libyen d’entente a créé un nouvel environnement stratégique dans l'ouest de la Libye, car les forces gouvernementales ont placé les forces de Haftar en position défensive.
L’intervention turque, comme le rappelle l’article, trouve son fondement dans l’accord sécuritaire signé le 27 novembre 2019 entre Ankara et le Gouvernement d’entente, en réponse au soutien massif (militaire et financier) dont bénéficie Haftar de la part de ses "alliés" étrangers, à savoir la Russie, les Emirats arabes unis, la Jordanie, l’Egypte, et l’Arabie saoudite.
L’accord du 27 novembre 2019 entre Ankara et le Gouvernement d’entente intervenait sur fond d'échec du Conseil de sécurité des Nations Unies à mettre un terme au cycle d'ingérence étrangère qui viole l'interdiction de tout envoi d'armes à la Libye. Un échec qui a mené Ghassan Salamé à démissionner, le 2 mars, de ses fonctions de chef de la mission des Nations Unies en Libye.
Pour l’analyste libyen Mohamed Eljarh, le fait d’avoir sous-estimé les Turcs a été une erreur fatale commise par Haftar.
"Il y a eu une certaine naïveté au sein de l’ANL (milices de Haftar) de présumer que les Turcs ne feraient pas plus en Libye que ce qu’ils avaient déjà accompli [dans la foulée de l’accord du 27 novembre]", a-t-il souligné.
Alors que l'attention se tourne vers les Émirats comme principal sponsor politique et militaire de Haftar, Mohamed Eljarh déclare s’attendre à ce que "les Emiratis intensifient leurs efforts pour soutenir Haftar à travers l'Egypte".
L’article du Monde souligne également que la position de Moscou est sujette à de nombreuses spéculations, car la relation entre la Russie et la Turquie en Libye reproduit la relation entre les deux pays en Syrie, où la concurrence et la coopération évoluent de concert.
Jalel Harchaoui, de l’Institut Clingendael estime, quant à lui, que "l’antagonisme est loin d’être frontal" car la relation est soumise à des motifs stratégiques qui dépassent l'horizon libyen, ajoutant que "Moscou tient à ne pas brûler tous les ponts avec Erdogan".
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