Afrique

Ouganda : Idi Amin Dada, la chute d’un sanguinaire

- Le 11 avril 1979, le règne sanglant d’Amin Dada prend fin. Ce jour-là, une page sombre de l’histoire de l’Ouganda est tournée.

Fatma Bendhaou  | 11.04.2022 - Mıse À Jour : 11.04.2022
Ouganda : Idi Amin Dada, la chute d’un sanguinaire

Kinshasa


AA / Pascal Mulegwa

En Afrique de l’Est, le long du lac victoria qui parcourt l’Ouganda, le Kenya et la Tanzanie, nul ne peut ignorer le personnage ambigu, drôle et attachant, mais aussi jaloux, paranoïaque, violent et cruel d’Idi Amin Dada. Méprisé et caricaturé, le despote honni de l’Ouganda a même inspiré les acteurs hollywoodiens dans le film "le dernier Roi d’Écosse", de Kevin Macdonald, dans lequel le dictateur ougandais est interprété par Forest Whitaker. Cette année, 2022, marquera la quarante-troisième depuis la fin de son règne sanglant sur l’Ouganda, du 25 janvier 1971 au 11 avril 1979.

Le dictateur, dont nul ne sait précisément la date de sa naissance (1925 ou 1928) dans le district de Koboko, une région proche de la République démocratique du Congo (RDC, à l’époque Zaïre) et du Soudan, a le mérite de la palme douteuse du record africain en matière de violations des droits de l'homme. Il était accusé par les ONG et ses opposants d'avoir fait torturer ou assassiner 500 000 personnes.


- Premier officier noir dans l’armée coloniale

Le 25 janvier 1971, un homme de carrure imposante, teint sombre, visage rond, tenue d’officier, trône sur une jeep décapotable qui suit des colonnes de chars qui défilent, ce jour-là à travers Kampala, la capitale ougandaise. Idi Amin Dada acclamé par la foule vient de renverser le père de l'Independence de l’Ouganda, Milton Obote, lors d'un coup d'État alors que ce dernier se trouvait en voyage à l’étranger.

L’Ouganda plongeait ainsi dans une dictature sanglante qui durera huit années.

Idi Amin Dada avait accédé au pouvoir avec une carrière au sein de l'armée coloniale britannique. En 1952, Il s’engage dans les troupes coloniales britanniques de l’Afrique de l’Est, les King’s African Rifles, avec lesquelles il participe à l’écrasement sanglant de l’insurrection nationaliste Mau-Mau au Kenya. Premier noir à devenir officier dans l’armée, Il s'est fait remarquer par son penchant pour la cruauté et son intolérance. Officier apprécié au moment de l'indépendance du pays en 1962, il avait été nommé chef d'état-major de l'armée ougandaise par le président Obote en 1966.

Amateur des sports, il a été pendant une décennie champion ougandais de boxe dans la catégorie poids lourd-moyen. Il est également amateur de natation.

Des vidéos sur internet le montrent par exemple en pleine course dans des piscines de hôtels luxueux de la capitale Kampala. Il doit gagner et nul ne doit l’emporter… sauf lui. Question de survie, quand le dirigeant tend à perdre, ses adversaires ralentissent délibérément pour raison de survie et pour permettre au dictateur de gagner.


- Sanguinaire


Quelques temps après son arrivée au pouvoir, « la folie de l’homme se dévoila », se contente d’affirmer le professeur Godefroid Ocamringa de la faculté des sciences sociales de l’Université chrétienne d'Ouganda. Le professeur remémore encore les ères Amin, un homme « qui était capable de torturer ses détracteurs. Il a adopté les méthodes héritées de l'époque coloniale. Il avait adopté l'oppression pour rependre la terreur et garder le contrôle du pouvoir ».

L’enseignant se rappelle même des juges, professeurs, des cadres et partisans des mouvements de son prédécesseur qui disparaissaient puis étaient retrouvés plus tard dans les marécages à crocodiles du Lac Victoria.

Il organisait pour d’autres, « des exécutions sommaires. Des infortunés étaient fusillés publiquement, couverts d'un tablier blanc pour que le sang soit mieux visible. Des restes d’autres longeaient les turbines du barrage hydroélectrique d'Owen Falls, ou brûlés dans la savane. D'autres étaient maintenus la tête sous l'eau jusqu'à la noyade ou bien écrasés par des chars dans des camps de l’armée », déclare le professeur.

Le nom de Idi Amin Dada a circulé dans l’Afrique de l’Est pas pour ses valeurs, mais pour sa cruauté », témoigne-t-il. « Imaginez-vous que lors de sa fuite, il avait été retrouvé dans des réfrigérateurs de sa résidence les têtes de certains opposants », rappelle le professeur.


- La chasse aux Asiatiques, chaos économique


En 1972, le dictateur s’en prend aux Asiatiques, en majorité les Indo-Pakistanais. Environ 40 000 Indiens et Pakistanais qui contrôlaient l'essentiel du commerce du pays vont se voir déportés. À la suite de leur déportation, l’économie du pays s’effondre, car les Ougandais, peu préparés et qualifiés, se trouvent devant l’incapacité de prendre la relève.

« Le régime avait commencé à s’attirer des critiques sur la scène internationale. Le dictateur, pour sa part, accusait les Britanniques de mener une campagne de Bashing à son égard. Ceux qui s’opposent ou contestent les politiques du général Amin commencent à disparaître. C’est notamment le cas du ministre de la Justice Benedicto Kiwanuka qui a été enlevé en plein jour devant chez lui et qui n’a jamais été retrouvé », explique pour sa part le professeur Jason Omonga de la faculté d’histoire de l’université de Nairobi, au Kenya.


- La chute, l’exil et la mort


En 1974, il mate une rébellion près de Kampala et lance un défi à quiconque voudrait sa mort. Lorsque l’économie du pays continue à s’effondrer, il avait encore blâmé la Grande Bretagne. « Il avait ensuite confisqué tous les biens des Britanniques et toutes les possessions étrangères en Ouganda en promettant des dédommagements qui ne viendront, dans bien des cas, jamais », selon l’enseignant.

Même lorsque la grogne enfle, « l’armée ougandaise se charge de terroriser les récalcitrants, se transformant d’armée nationale à une milice. Amin détourne son mécontentement vers la Tanzanie à qui il reproche d’attaquer la frontière et d’être à la tête d’une guérilla ayant pour objectif d’envahir l’Ouganda dans le but de réinstaller Milton Obote à la tête du pays », nous dit encore Jason Omongi.

C'est la crise économique dans le pays qui conduit à la chute du dictateur. Lorsqu'Idi Amin envahit la Tanzanie voisin en avril 1979, l'armée tanzanienne riposte. Plusieurs groupes armés s'unissent alors au sein du Front national de libération de l’Ouganda (FNLO) pour déloger Idi Amin Dada de l'Ouganda. L'armée tanzanienne, aidée par des exilés ougandais et le FNLO, pénètre alors en territoire ougandais. Le pays est exsangue.

Amin Dada s'exile en Libye. Le père de l’indépendance, Miltopn Obote, reprend le pouvoir. La Tanzanie, au plus fort du conflit, maintient 45 000 hommes en Ouganda. Leur retrait définitif commence le 1er mai 1981 et se termine le 30 juin malgré la demande du président ougandais Milton Obote du maintien de la présence tanzanienne par crainte des troubles et d’une guerre civile. Les temps de l’exil sont durs, mais Idi Amin vécut plus de 20 ans après sa fuite sans jamais avoir été jugé. « Je n'ai pas de remords, Juste de la nostalgie », déclara-t-il en 1990 lors d'une rare interview.

Le 16 août 2003, il rend l’âme entouré des siens, après un long et confortable exil à Djedda, en Arabie saoudite. Le dirigeant exilé souffrait d'hypertension et d'insuffisance rénale. Il avait été enterré dans le même pays. Le président Milton Obote avait qualifié Idi Amin Dada de « plus grande brute qu'une mère africaine ait jamais mis au monde ». Jimmy Carter, président des Etats-Unis de 1976 à 1980, avait déclaré que les événements qui se sont produits en Ouganda sous sa dictature « dégoûtent l'ensemble du monde civilisé ».

Les plus jeunes ougandais qui n’ont pas vécu sa cruauté gardent d’autres facettes du dictateur : bâtisseur, nationaliste ou encore indépendantiste. La nostalgie de l’Ouganda dans lequel des hôpitaux et des routes sortaient de terre et qui avait pris le leadership dans la production mondiale de café hante les vieux.

Seulement une partie des dépêches, que l'Agence Anadolu diffuse à ses abonnés via le Système de Diffusion interne (HAS), est diffusée sur le site de l'AA, de manière résumée. Contactez-nous s'il vous plaît pour vous abonner.