Région du Sahara : Guerguerat ou la « braise de feu » entre le Maroc et le Polisario

Morocco
AA / Rabat, Maroc
Après trois décennies d’accalmie entre le Maroc et le Front Polisario, le point de passage de Guerguerat, situé dans la Région du « Sahara occidental », reprend à nouveau les devants de l’actualité après la reprise des affrontements armés entre les deux parties.
L’intensité des affrontements s’est accrue, il y a de cela environ trois semaines, lorsque des éléments du Front Polisario avaient entravé le passage de camions marocains qui se dirigeaient vers la Mauritanie. Le point de passage de Guerguerat est habituellement utilisé pour le transport de marchandises entre les deux pays.
Vendredi, le Maroc a usé d’un discours de dissuasion sans verser dans l’exagération. L’armée a indiqué que l’usage des « armes au point de passage frontalier de Guerguerat avec la Mauritanie se limitera à la légitime défense », alors que le Front Polisario a élevé le ton en proclamant la guerre dans la région contestée.
Depuis 1991, le Maroc et le Front Polisario avaient convenu d’un cessez-le-feu, à l’issue de leur confit sur le point de passage de Guerguerat, qui constitue un passage économique reliant Rabat à plusieurs capitales africaines subsaharienne.
En octobre dernier, les Nations Unies avaient appelé les « parties concernées » à faire preuve de retenu et à désamorcer la tension concernant le point de passage de Guerguerat.
Stéphane Dujarric, porte-parole du Secrétaire général des Nations unies, a souligné que la « Mission des Nations unies pour l'organisation d'un référendum au Sahara occidental » (MINURSO) a constaté qu’une cinquantaine de personnes, dont des hommes, des femmes et des enfants, ont empêché le passage de camions au niveau du point de passage frontalier, sans nommer la partie à laquelle appartiennent ces individus.
Les autorités marocaines accusent, généralement, le Front Polisario, de pousser des éléments armés au point de passage pour entraver la circulation, dans le cadre du conflit entre les deux protagonistes au sujet de la souveraineté sur le « Sahara occidental ».
** Éventuels affrontements
Dans un développement accéléré et décisif, le ministère marocain des Affaires étrangères avait annoncé, vendredi, dans un communiqué, la mobilisation de son pays pour mettre un terme à ce qu’elle a appelé « les dangereuses et inacceptables provocations » du Front Polisario au niveau du point de passage frontalier de Guerguerat.
Après cela, l’armée marocaine a expliqué dans un communiqué, que cette décision est « une opération qui n’a aucune intention hostile et se base sur le fait d’éviter tout contact avec des civils », dans la zone de Guerguerat.
L’armée a précisé qu’elle « n’envisage de recourir à l’usage des armes qu’en cas de légitime défense et qu’une ceinture sécuritaire sera établie pour assurer le flux des marchandises et la circulation des personnes via le point de passage de Guerguerat.
De son côté, le Front Polisario a accru la tension, en annonçant dans un communiqué de son porte-parole Hameda Daf, que « la guerre imposée au peuple sahraoui s’est enclenchée et que les combats ont commencé ».
Selon le communiqué, le Maroc a procédé, à l’aube du vendredi, à « l’annonce définitive de l’anéantissement du cessez-le-feu…aux fins de cerner et d’encercler la zone ».
** Faire preuve de retenue
Dans un entretien accordé à Anadolu, l’expert sécuritaire marocain, Mohamed Akdhidh, a estimé que les « forces armées marocaines ont pris cette mesure après avoir épuisé toutes les options avec le Front Polisario ». Il s’agit d’une « intervention attendue », a-t-il dit.
Il indiqué que « l’armée n’avait d’autre alternative que d’intervenir après que le Polisario ait continué à fermer le point de passage par la force des armes dans une zone tampon démilitarisée ».
Et l’expert de poursuivre : « Le Front Polisario a fait fi de l’ensemble des appels lancés par les Nations unies à se retirer du point de passage frontalier, et malgré la temporisation militaire affichée par le Maroc, le Polisario a annoncé l’escalade et déclaré la guerre ».
Akdhidh a prévu que les autorités marocaines feront preuve du plus haut degré de retenue et préserveront leur respect de la légalité internationale et des résolutions de l’ONU comme cela fut le cas durant des décennies.
** Effets circonstanciels
Pour sa part, le chercheur marocain, Abdelmajid Belghazel, a relevé que le but de l’entrave de la circulation au niveau du point de passage frontalier de Guerguerat, consiste à enliser le Maroc dans des affrontements militaires avec le Font Polisario.
« Ces provocations publiques repositionnent le dossier de la région du Sahara sous les feux de l’actualité internationale après trois décennies d’accalmie ».
Mettant en exergue les impacts négatifs sur le commerce, le chercheur a indiqué que les « principales victimes demeurent les investissements espagnols et français liés aux ports mauritaniens, de même que Nouakchott sera atteinte en cas de suspension de ses importations depuis le Maroc ».
A son tour, le professeur marocain des relations internationales, Khaled Chayet, n’a pas exclu que le blocage de la circulation des camions via le point de passage de Guerguerat ait des impacts circonstanciels sur le Maroc, indiquant que cela n’aura pas d’incidences à l’avenir.
Dans une déclaration faite à l'Agence Anadolu, l’universitaire a indiqué que la stratégie consistant à bloquer la route au Maroc ne réussira pas sur le long terme, appelant les autorités mauritaniennes à défendre ses intérêts économiques.
** Une tentative suicidaire
Dans un tweet posté sur son compte, le parlementaire Mohamed Khemlichi, (du parti de la Justice et du Développement, au pouvoir) a indiqué que les « tentatives de détruire la route internationale reliant le Maroc à la Mauritanie dépasse le seul objectif de porter atteinte au mouvement et à la circulation des marchandises.
Il a ajouté : « Face à ces mesures suicidaires initiés par le Front Polisario, la région est impliquée dans un feuilleton supplémentaire de tension et d’instabilité, qui ne sert pas les intérêts des Sahraouis, pour lesquels cette bande prétend lutter ».
« Le Front Polisario pourrait, en exploitant cette brèche, porter atteinte, partiellement et provisoirement, aux intérêts du Maroc, mais cela ne lui sera pas utile et ne modifiera pas l’image définitive d’un conflit ouvert dans lequel une partie des Sahraouis est instrumentalisée contre le Maroc », a-t-il encore dit.
Le conflit opposant le Maroc au Polisario sur la Région du Sahara a commencé en 1975, soit après la fin de l’occupation espagnole dans la région.
Le conflit s’est transformé en affrontement armé qui s’est poursuivi jusqu’à 1991, année de la signature d’un accord de cessez-le-feu qui considère la zone de Guerguerat comme étant « démilitarisée ».
Rabat revendique son droit sur la région du Sahara et propose une autonomie élargie sous sa souveraineté, tandis que le Polisario appelle à un referendum d'autodétermination, une proposition soutenue par l'Algérie, qui abrite des réfugiés de la région.
*Traduit de l'Arabe par Hatem Kattou