Tunisia
AA/Tunis/ Adel Thebti
Deux analystes tunisiens se sont exprimés quant aux appels lancés sur les réseaux sociaux pour « une révolution » et « la dissolution du parlement » en Tunisie, assurant que ce ne sont pas des appels sérieux et qu’ils sont orientés par des parties politiques incapables de mobiliser les gens ainsi que par des forces régionales.
Ils ont indiqué, dans des déclarations accordées à l’Agence Anadolu, que des parties politiquement contradictoires, appartenant à l’extrême gauche et à l’ancien régime, appellent au changement du pouvoir et à la dissolution du parlement sous l’intitulé de « la révolution de la faim », sauf qu’il s’agit plutôt d’une « contre-révolution » qui vise la démocratie en Tunisie.
Le Ministère public en Tunisie avait annoncé, mercredi, avoir ouvert une enquête concernant des appels lancés sur les réseaux sociaux contre les institutions de l’Etat.
Un document relevant de ce que certains ont appelé « autorité de salut national » a été partagé sur les réseaux sociaux, incitant à la dissolution du parlement et des partis, à la suspension de l’application de la constitution, à la révision des lois post-révolution ainsi qu’à une nouvelle élaboration de ces lois avant de les adopter par un référendum populaire.
Des partisans du Parti destourien libre (opposition/ 16 députés sur 217), dirigé par Abir Moussi, ont diffusé des appels à la dissolution du parlement et à un sit-in au Bardo (Siège du parlement), sauf que la présidente du parti n’a pas adopté ces appels.
Des activistes de Gauche ont également lancé de tels appels, dont certains incitent même au « meurtre ».
****Une contre-révolution
Le chercheur en philosophie politique, Riyadh al- Châaibi, a indiqué à l’Agence Anadolu que « les données scientifiques et historiques prouvent qu’il s’agit d’une contre-révolution ».
Une révolution populaire déclenchée en 2011 en Tunisie avait abouti à la destitution du régime de Zinelabidine Ben Ali, qui était au pouvoir de 1987 à 2011.
Al- Châaibi a ajouté, dans le même ordre d’idées, que « ces appels lancés sous le couvert social et du chômage sont faux et poussent vers une contre-révolution ».
Et de poursuivre que « le croisement illogique entre des courants politiques contradictoires prouve que ce ne sont pas des appels sérieux. En effet, certains appellent au soulèvement contre les institutions de l’Etat, d’autres adoptent le projet de Kaïs Saïed, tandis qu’une troisième catégorie appelle à faire chuter l’Etat civil et démocratique et à retourner à la dictature ».
L’ancien directeur de l’Institut Tunisien des Etudes Stratégiques (public), Tarek Kahlaoui, abonde dans le même sens. Il a déclaré à l’Agence Anadolu que « ces appels ne proviennent pas de parties sérieuses ni capables de mobiliser les gens, d’ailleurs la situation actuelle ne le permet pas, vue la crise du Covid-19, le mois de Ramadan et l’été qui approche ».
Il souligné que « la comparaison avec le sit-in du Bardo n’est pas possible », faisant allusion à un sit-in qui avait eu lieu pendant l’été de 2013 devant le parlement, organisé par le « front de salut » qui était formé par le parti Nida Tounes (dirigé par feu Beji Caïd Essebsi) et par des partis opposants à la « Troïka », dont le Front populaire.
La Troïka était une coalition composée des partis « Ennahdha » (d’obédience islamique), le Congrès pour la République (CPR) et Ettakatol (Forum démocratique pour le travail et les libertés) et était au pouvoir en Tunisie entre décembre 2011 et janvier 2014.
Kahlaoui a indiqué, dans le même contexte, que le sit-in du Bardo avait un contexte politique particulier, caractérisé par l’initiative d’Essebsi de rassembler l’opposition.
Il a ajouté que l’été 2013 avait été marqué par des opérations terroristes, dont l’assassinat de Mohamed Brahmi (opposant nationaliste) devant sa demeure le 25 juillet.
**** L’extrême Gauche avec l’ancien régime
Selon le contenu diffusé sur les réseaux sociaux, Kahlaoui a souligné qu’il existe des parties politiques à orientations contradictoires, dont les partisans de l’ancien régime de Ben Ali, comme Abir Moussi et des personnes proches du parti Nida Tounes.
Un groupe de Gauche a également rejoint ce mouvement virtuel et se divise entre les partisans du président Kaïs Saïed et des personnes de la Gauche radicale, dont l’existence et l’impact ne dépassent pas Facebook, a souligné Kahlaoui.
Il a considéré que le croisement entre les partisans de l’ancien régime et les partisans de Saïed est « un croisement non-organique » et que ces derniers n’ont aucune influence sur le président actuellement. « C’est peut-être pour cette raison qu’ils se plaignent, ils n’ont aucun rôle aux côtés de Saïed alors qu’ils étaient très proches de lui à un certain moment ».
*** Agenda extérieur
Quant à la possibilité de l’existence d’un appui étranger derrière la contre-révolution, al-Châaibi a indiqué qu’il existe un front politique et idéologique incapable de protéger ses intérêts quand la volonté du peuple l’emporte.
« Ces forces qui ont une certaine influence régionale s’unissent avec les pôles de la corruption politique, financière et médiatique dans une tentative de faire revenir la Tunisie à l’époque d’avant le 17 décembre 2010 (déclenchement de la révolution), sous de nouveaux slogans », a-t-il expliqué.
Kahlaoui a, dans ce contexte, assuré que des parties étrangères veulent réinstaller la dictature en Tunisie et que ces parties attendent l’opportunité pour exploiter certains événements ou circonstances dans le pays, les mois prochains (novembre ou décembre de l’année courante).
Il a, cependant, souligné que Kaïs Saïed n’obéît à aucun agenda extérieur et qu’on ne peut pas le comparer à Abir Moussi au niveau de la politique étrangère.
« Le souci de Kaïs Saïed est de ne pas être du camp du Qatar ni de celui des Emirats, il veut rester à égale distance de tous », a ajouté Kahlaoui.
Et de poursuivre que « toutefois, Abir Moussi s’aligne directement avec la politique émiratie, le gouvernement doit se renseigner sur ses liens notamment sécuritaires ».
Il a indiqué que Saïed soutient le gouvernement en dépit de ses réserves sur son rendement.
***Rejet des appels à la révolution
Concernant la position des grands partis à l’égard des appels à « la révolution » lancés sur les réseaux sociaux, al-Châaibi a indiqué que « les positions de la majorité des partis politiques et des personnalités publiques étaient clairement contre ces appels ».
Le Parti Ennahdha (54 députés sur 217) a dénoncé, dans un communiqué publié vendredi dernier, « les campagnes suspectes qui visent le parlement et son président, Rached Ghannouchi (président du parti).
Le communiqué indique que « cette campagne vise à perturber le processus démocratique tunisien et à fragiliser l’Etat au milieu des défis sanitaires et économiques exceptionnels ».
Le parti Ennahdha a également condamné les déclarations politiques et les pratiques qui nourrissent les différends et affaiblissent les efforts de l’Etat dans la lutte contre le Covid-19.
Le parti « Tahya Tounes » (14 députés), dirigé par l’ancien Chef du gouvernement, Youssef Chahed, a appelé à ouvrir une enquête autour « des mouvements suspects sur les réseaux sociaux qui appellent à envahir les rues ».
La dirigeante au parti « Tahya Tounes », Hela Omrane, a déclaré à une radio locale que ces appels visent à faire chuter le régime, le gouvernement et la notion de l’Etat.
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