Afrique

Tunisie : le philosophe français Bernard-Henri Lévy condamné par contumace à 33 ans de prison

– Dans le cadre de l’affaire dite de "complot contre la sûreté de l’État"

Ayvaz Çolakoğlu  | 20.04.2025 - Mıse À Jour : 20.04.2025
Tunisie : le philosophe français Bernard-Henri Lévy condamné par contumace à 33 ans de prison

Ankara

AA / Ankara

La chambre criminelle spécialisée dans les affaires de terrorisme en Tunisie a prononcé, samedi, des peines allant de 4 à 66 ans de prison à l’encontre de 40 personnes accusées dans le cadre de l’affaire dite de « complot contre la sûreté de l’État ».

Parmi les condamnés figure le philosophe français Bernard-Henri Lévy, poursuivi par contumace et condamné à 33 ans de prison. Sa présence dans le dossier a suscité la surprise, les autorités tunisiennes n’ayant à ce stade communiqué aucun détail sur les faits précis qui lui sont reprochés.
Selon certains médias français, les poursuites à son encontre seraient liées à des soupçons de soutien à des actions de lobbying en faveur de la reconnaissance d’Israël et à des allégations non vérifiées concernant une implication dans des perturbations de la production de phosphate en Tunisie. Aucune preuve n’a été rendue publique, et aucune déclaration officielle n’a été faite à ce sujet par la justice tunisienne.

Parmi les autres condamnés figurent l’homme d’affaires et ancien proche du régime Ben Ali, Kamel Eltaïef (66 ans de prison), le militant politique Khayam Turki (48 ans), et l’ancien ministre de la Justice et dirigeant du mouvement Ennahdha, Noureddine Bhiri (43 ans).

Les accusés ont été reconnus coupables, à divers degrés, des chefs suivants :

- Complot contre la sûreté intérieure et extérieure de l’État ;

- Constitution ou appartenance à une entente terroriste ;

- Attentats visant à modifier la forme du gouvernement ou inciter à la guerre civile ;

- Provocation de troubles, meurtres et pillages en lien avec des actes terroristes ;

- Atteinte à la sécurité alimentaire et à l’environnement.


Sur les 40 accusés, une majorité réside à l’étranger. Huit étaient en liberté pendant le procès, et neuf sont détenus depuis février 2023. La peine de mort, bien que toujours inscrite dans le Code pénal tunisien, reste sous moratoire depuis 1991.

Ce procès, critiqué par plusieurs ONG et avocats de la défense comme une instrumentalisation politique de la justice, s’inscrit dans un climat de tensions croissantes depuis les mesures d’exception décrétées par le président Kaïs Saïed en juillet 2021.

Depuis cette date, le chef de l’État a suspendu puis dissous le Parlement, dissous le Conseil supérieur de la magistrature, gouverné par décrets-lois, organisé un référendum constitutionnel, puis convoqué des élections législatives anticipées. Il a été réélu en octobre 2024 pour un second mandat de cinq ans.

Si certains estiment que ses démarches marquent une rupture avec le processus démocratique, d'autres les considèrent comme un redressement de la révolution tunisienne de 2011. Le président Saïed affirme, pour sa part, que ses mesures visent à "protéger l’État face à un péril imminent", tout en assurant qu’elles respectent les libertés fondamentales.

Tout au long de la procédure, des défenseurs des droits humains et des membres de la société civile ont organisé des rassemblements devant le tribunal pour demander des audiences publiques en présentiel, et non en visioconférence, ainsi qu’un accès aux médias, en vain.

À ce jour, les autorités tunisiennes, tant judiciaires qu’exécutives, ne se sont pas exprimées publiquement sur le verdict ni sur ses implications.

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