Tunisie: Manifestation contre le rapport de la Commission des libertés individuelles et de l’égalité
-Les protestataires dénoncent une atteinte au texte coranique concernant notamment la question de l’héritage
Tunis
AA/Tunis/Bouazza Ben Bouazza
Plusieurs milliers de manifestants se sont rassemblées samedi devant la siège du parlement au Bardo, dans la périphérie de Tunis, pour protester contre les suggestions contenues dans un rapport publié par la commission des libertés individuelles et de l’égalité (Colibe) mise sur pied il y a un an à l’initiative du président tunisien Béji Caïd Essebsi.
Les protestataires dont le nombre a été estimé à environ 4.000 personnes, ont plus de trois heures durant et malgré un temps caniculaire, manifesté à l’aide de hauts parleurs leur rejet des propositions de cette commission jugées contraires aux préceptes de l’islam.
Quadrillée par un important dispositif sécuritaire, la manifestation organisée à l’appel de la “Coordination nationale pour la défense du Coran et de la Constitution et du développement équitable”, s’est déroulée sans incidents.
“Le rapport de la Colibe est un appel à la discorde et la dislocation de la famille”, il “contrevient au Coran et aux dispositions de la Constitution”, pouvait-on lire sur certaines pancartes brandies par les manifestant(e)s.
Une banderole tenue par un groupe de manifestants de Sidi Bouzid, la région dont est originaire le vendeur ambulant Mohamed Bouazizi qui s’est immolé par le feu en décembre 2010 déclenchant la révolution qui a fait chuter le régime totalitaire de l’ancien président Zine El Abidine Ben Ali, puis “le printemps arabe”, reprochait aux auteurs du rapport de “marginaliser les vrais problèmes auxquels sont confrontés les Tunisiens à savoir la pauvreté, le chômage, la santé”. “C’est ce qui pousse les jeunes à risquer leurs vies en mer à la recherche de travail”, a martelé l’un d’eux.
"Le peuple est musulman et ne se soumettra pas”, scandaient plusieurs groupes venus des différentes régions du pays dont de la ville sainte de Kairouan (centre), de Jendouba (nord-ouest), de Médenine (sud) et de Kasserine (centre-ouest).
“Je suis ici pour défendre la parole de Dieu et m’opposer aux projets qui visent à porter atteinte à l’identité islamique de notre peuple”, a déclaré à l’agence Anadolu Kamel Raissi, un retraité (65 ans).
Pour Tarek Azouz, un activiste de la société civile, “le problème ne réside pas seulement dans l’égalité successorale, mais plutôt dans les valeurs morales qu’on veut démolir à travers l’homosexualité qui va finir par aboutir aux mariages gay”.
“Nous rejetons totalement le rapport de la Colibe qui renferme une haine sournoise envers l’islam”, a renchéri Abdellatif Oueslati, un infirmier venu de Jendouba, qui s’est dit “prêt à à faire pression sur la parlement et à consentir tous les sacrifices pour barrer la route aux projets contenus dans le document”.
Le document de plus de 300 pages renferme des recommandations revendiquant notamment l’égalité entre l'homme et la femme dans l’héritage, l’annulation de l’obligation de la dot dans le mariage et le délai de viduité celle-ci s'étalant selon les textes religieux à quatre mois.
Il préconise en outre, l'abrogation de la peine capitale et la dépénalisation de l'homosexualité actuellement sanctionnée par le Code pénal tunisien par trois ans de prison.
Selon ses auteurs, le rapport contient des recommandations jugées en conformité avec la Constitution tunisienne de 2014 et les obligations internationales du pays en matière des droits humains. “Elles ne contreviennent nullement aux préceptes islamiques, mais comportent une lecture éclairée de ces préceptes qui les mettent au diapason de l’évolution de la société”, plaident-ils.
Ces recommandations devraient par ailleurs faire l’objet de consultation élargies avec toutes les parties concernées, avant de prendre le cas échéant la forme de projets de loi qui seront soumis au parlement le moment venu.
La publication du rapport en juin dernier a néanmoins suscité une vive polémique et des réactions mitigées entre partisans et détracteurs.
Le chef de l’Etat devrait se prononcer sur ces recommandations lundi prochain 13 Août, à l’occasion de la célébration de la fête de la femme en Tunisie.
Cette date marque la promulgation en 1956 par l’ancien président Habib Bourguiba du Code du statut personnel (CSP) qui a aboli la polygamie et enclenché l’émancipation de la femme notamment en lui ouvrant les portes de l’enseignement et du travail.
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