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DECRYPTAGE - En 2025, l'adversité pourrait être le signal de réveil de l'Europe

- Qu'ils soient carrément xénophobes ou légèrement eurosceptiques, Bruxelles ne peut plus compter sur les gouvernements des États membres pour soutenir des stratégies économiques coûteuses et clairvoyantes.

Gilles Merritt  | 26.12.2024 - Mıse À Jour : 26.12.2024
DECRYPTAGE - En 2025, l'adversité pourrait être le signal de réveil de l'Europe

Istanbul

AA / Istanbul / Giles Merritt

**(L’auteur est le fondateur de la think tank Friends of Europe. Il est actuellement chercheur principal au sein du programme des Affaires Européennes de l’Institut Egmont.)

Les vents du changement soufflent fort à travers le monde, et les décideurs de l'Union européenne (UE) à Bruxelles sont divisés sur la question de savoir si l'Europe doit se préparer à une rafale particulièrement glaciale ou espérer encore des brises plus douces.

Les prévisionnistes économiques penchent pour la première option, tandis que les analystes politiques restent un peu plus optimistes. En gros, la division se situe entre les diplomates et les hauts fonctionnaires qui considèrent l'UE comme un gouvernail habile capable de diriger les 27 pays membres vers des eaux plus calmes, et les commentateurs plus indépendants qui craignent que le vaisseau de l'État européen ne risque de sombrer sous la pression du tourbillon politique croissant, notamment mais non exclusivement en France et en Allemagne.


  • Les défis qui attendent l'Europe

Les partisans de l'unité de l'UE soulignent l'habileté d'Ursula von der Leyen à former sa deuxième Commission européenne sans perdre aucun des candidats lors des auditions de confirmation au Parlement européen. Le résultat est une atmosphère de « retour à la normale » à Bruxelles, alors que son nouveau groupe se prépare à relever les défis de 2025.

Cet état d'esprit de confiance tranquille est renforcé par la connaissance que von der Leyen a éclipsé ses prédécesseurs en costume gris pour devenir une figure mondialement reconnue, grâce en partie à son allure charismatique et à ses vestes aux couleurs vives.

Von der Leyen est ainsi vue par beaucoup comme une dirigeante habile, ayant bien géré la pandémie de COVID-19, et, en plus de rallier des soutiens pour l'Ukraine, répondant aux défis économiques qui frappent l'Europe. D'autres estiment que son style "dictatorial" risque de fracturer les gouvernements des États membres de l'UE et est mal vu au sein même de la commission.

L'opinion peut être partagée quant à la capacité de l'UE à affronter la tempête grandissante de l'année à venir, mais il ne fait aucun doute que 2025 s'annonce bien plus éprouvant que les années précédentes. En plus du "facteur Trump" largement débattu, qui se pose sur la question de savoir s'il osera mettre en péril la participation des investisseurs américains dans les actifs européens, il existe également une impression d'options de plus en plus restreintes pour sauver l'économie stagnante de l'UE.

La deuxième moitié de 2024 a vu deux études autorisées sur les maux qui frappent les entreprises et l'industrie européennes, bien que ces études aient été plus explicites dans leurs analyses que dans leurs plans d'action crédibles.

Mario Draghi, le banquier central de la zone euro, dont l'engagement "quoi qu'il en coûte" a désamorcé la crise de la dette souveraine de 2012, a résumé de manière succincte les perspectives économiques de l'Europe. Il a averti d'un cercle vicieux de faible demande intérieure, de stimulation macroéconomique insuffisante, d'investissements déprimés et de faible productivité.

Ces symptômes ne sont pas susceptibles d'être guéris par des solutions miracles. Il en va de même pour les maux détaillés par son collègue et ancien Premier ministre italien Enrico Letta. Son rapport parallèle a examiné l'état inachevé du marché unique de l'UE et a conclu qu'un énorme acte de volonté politique collective est désormais nécessaire.

Avant tout, il souligne l'absence d'un marché des capitaux unifié pour relancer l'innovation technologique. La bonne nouvelle, donc, est que l'Europe entre en 2025 et au-delà avec un regard beaucoup plus acéré sur ses propres faiblesses structurelles potentiellement paralysantes. La mauvaise nouvelle est que la force politique nécessaire pour façonner et introduire des solutions n'est plus disponible.


  • L'espoir d'une reprise et d'une réconciliation pour l'UE ?

Environ un député européen sur quatre élu en juin au Parlement européen est, à divers degrés, eurosceptique. La politique européenne a été redessinée par des partis politiques de droite, certains d'entre eux étant ouvertement populistes avec des programmes radicalement nationalistes, d'autres de nature plus conventionnellement conservatrice mais peu enclins à accorder de nouveaux pouvoirs autonomes à l'UE.

Du nationalisme ouvertement xénophobe à l’euroscepticisme modéré, Bruxelles ne peut plus compter sur les gouvernements des États membres pour soutenir des stratégies économiques coûteuses et clairvoyantes. Comment évolueront les crises auxquelles les gouvernements français et allemand ont eu du mal à faire face en 2024 reste à déterminer.

Cependant, avec des partis populistes comme le Rassemblement National en France et l'Alternative für Deutschland en Allemagne qui compliquent la tâche, il semble difficile d’imaginer un retour de la "locomotive" franco-allemande qui, dans les années 1980, avait permis de relancer l’intégration européenne et de sortir celle-ci de l'impasse..

C'est le grand tableau. Il n'est pas brillant, mais de nombreux commentateurs européens se rassurent en se disant qu'il est bien moins sombre que celui de l'autre grand pilier du monde libéral occidental : les États-Unis.

Seul l'avenir révélera les perturbations et le chaos causés par la deuxième administration Trump, mais beaucoup en Europe se consolent avec l'idée qu'une plus grande unité européenne est toujours née de l'adversité.


**Nb: Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l'auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale d'Anadolu.

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