Politique, Monde, Analyse

France / Grève des éboueurs : Les Parisiens tiraillés entre la colère et la compréhension

- Anadolu a interrogé des Parisiens sur les déchets qui s'accumulent dans leur ville, dans le contexte de la grève contre la réforme des retraites.

Ümit Dönmez  | 16.03.2023 - Mıse À Jour : 16.03.2023
France / Grève des éboueurs : Les Parisiens tiraillés entre la colère et la compréhension

France

AA / Paris / Ümit Dönmez


Alors que près de 8000 tonnes de déchets et ordures ménagères se sont accumulés sur les trottoirs parisiens en un peu plus d'une semaine, en raison d’une grève des éboueurs entamée le 6 mars, le Gouvernement français et la Mairie de Paris se rejettent la responsabilité.

Mobilisés contre la réforme des retraites voulue par le gouvernement, les éboueurs de la moitié des 20 arrondissements de Paris, ainsi que les employés des centres de traitement de déchets de la capitale, ont voté, mardi, la reconduction de leur grève "au moins jusqu'au 20 mars", à l'issue d'une assemblée générale sur le site d'incinération d'Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne).

Tandis que la grève se poursuit et qu'environ mille tonnes de déchets viennent s'ajouter chaque jour dans les rues de Paris, selon les estimations de la mairie, les Parisiens sont tiraillés entre leur compréhension de la mobilisation sociale et la crainte d'insalubrité qui pèse dans leurs quartiers et de ses conséquences éventuelles sur leur santé.


- "C'est inadmissible"


Interrogé par Anadolu (AA) sur les déchets qui s'empilent dans son quartier, Jean*, soixantenaire, jeune retraité et habitant du 6e arrondissement, estime que la situation est "inadmissible" et tient la maire de Paris, Anne Hidalgo, pour responsable de cette situation.

"On paie des gens à rien foutre toute une année : entre parenthèse, la maire de Paris et tous ses sbires qui ne foutent rien", déclare Jean au micro d'AA.

"Regardez dans quel état on est", montrant les déchets et ordures ménagères derrière lui.

"Il y a eu le coronavirus, il n'y a pas longtemps. Si les rats commencent à envahir les poubelles, les commerces, les habitations, on va voir où on va en arriver", ajoute le Parisien, rappelant que la capitale est déjà "envahie par les rats" et accusant, comme nombre d'autres Parisiens, Anne Hidalgo de les avoir laissé proliférer.

Faisant le lien avec la transmission des maladies à l'homme par les animaux, le soixantenaire estime qu'il y a "plus qu'un risque sanitaire" qui pèse sur les habitants de la ville.

"C'est largement plus qu'un risque, c'est une certitude", souligne-t-il.

Une fois que la caméra est éteinte, Jean modère néanmoins ses propos et déclare qu'il "comprend" la situation des éboueurs, "déjà forcés de travailler au-delà de 60 ans" et à qui le gouvernement demande "un effort supplémentaire" à travers sa réforme des retraites.

Jean estime que "ceux qui travaillent à l'Élysée, à Matignon, etc. sont déconnectés des réalités du quotidien pour le peuple" et qu'ils ne "réalisent pas l'effort demandé aux Français qui triment".

"Ils n'en ont rien à foutre", conclut-il.


- "On n'est pas un pays du tiers-monde"


Lucas*, dans la jeune vingtaine, n'habite pas dans le 6e arrondissement, mais y vient pour travailler.

Interrogé par AA sur ses sentiments et impressions par rapport aux déchets qui s'accumulent dans la moitié des arrondissements de la ville, Lucas constate que "c'est sale" et estime qu'il "serait temps de passer ramasser les poubelles".

"Je comprends, les gens luttent pour leurs droits, mais il ne faudrait pas qu'il y ait le choléra à Paris," dit-il avec un ton humoristique.

Prenant un ton plus sérieux, il déclare qu'il comprend que "certains luttent d'une certaine manière ou d'une autre, mais après, il ne faut pas que ça devienne un danger pour la population", ajoute-t-il.

Interrogé sur les dangers que l'accumulation des déchets pourrait causer, Lucas cite d'abord l'insalubrité, puis la multiplication éventuelle des rats déjà présents dans la ville.

"On n'est pas un pays du tiers-monde", rappelle-t-il.

Questionné sur son éventuelle adhésion ou solidarité avec le mouvement de grève, Lucas estime qu'il est "encore un peu jeune" pour la retraite.

"De toute façon, ça aura le temps de changer plusieurs fois d'ici là. Donc oui, je suis dans un soutien pour les gens qui sont en lutte, mais ça ne me concerne pas encore tout à fait. Ça me concernera dans 20 ans, 30 ans. Il faudra voir comment ce sera cette époque-là, parce que tout changera. Enfin, tout aura changé, je pense", conclut le jeune homme traversé par l'incertitude propre à ce XXIe siècle, notamment à travers le dérèglement climatique et les évolutions sociales et sociétales rapides de son ère.


Alors que les débats se poursuivent au Parlement sur la réforme des retraites et que les syndicats promettent de durcir le mouvement si le projet de loi est adopté, les déchets continuent de s'accumuler dans la capitale.

Les Parisiens sont tiraillés entre une indifférence relative et la compréhension face un mouvement social qui dure, et la colère face à l'entassement des ordures qui nuit à l'image de la ville, et fait peser un danger pour leur santé.


* Les prénoms des personnes ont été modifiés à la demande des personnes interrogées


Seulement une partie des dépêches, que l'Agence Anadolu diffuse à ses abonnés via le Système de Diffusion interne (HAS), est diffusée sur le site de l'AA, de manière résumée. Contactez-nous s'il vous plaît pour vous abonner.