Macron face à la guerre à Gaza : une position française en mutation sous le feu des critiques (Analyse)
- Entre soutien initial à Israël, préoccupations humanitaires croissantes et pressions internationales, la diplomatie française peine à afficher une ligne claire sur Gaza.

Ile-de-France
AA / Paris / Ümit Dönmez
La position de la France sur la guerre à Gaza a connu une évolution marquante depuis le 7 octobre 2023, date de l’attaque du Hamas contre Israël. Emmanuel Macron, d’abord solidaire d’Israël, a progressivement infléchi sa politique, jusqu’à envisager la reconnaissance de l’État palestinien en juin 2025.
Par voie de communiqués et de prises de parole officielles, le Président français a d’abord fermement condamné les attaques du Hamas, qualifiées de « terroristes ». Il a défendu le droit d’Israël à se protéger et proposé la création d’une coalition internationale contre le Hamas lors d’un déplacement à Tel-Aviv en octobre 2023.
Mais dès novembre 2023, les premières inflexions sont apparues. Emmanuel Macron a appelé Israël à « cesser les bombardements » sur Gaza, affirmant à la BBC qu’il n’existait « aucune justification » aux attaques visant des civils. Cette déclaration lui a valu une vive réponse du Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu, dénonçant des « leçons de morale » jugées inacceptables.
L’évolution de la ligne française s’est poursuivie en 2024. Emmanuel Macron a dénoncé à plusieurs reprises les pertes civiles massives et qualifié la situation humanitaire à Gaza d’« intolérable ». En juin 2024, la France a franchi un cap en suspendant les livraisons d’armes à Israël, une mesure rare dans l’histoire des relations franco-israéliennes.
Les chiffres officiels révèlent pourtant que, entre 2018 et 2023, la France a exporté pour 208 millions d’euros de matériel militaire vers Israël, dont 30 millions d’euros rien qu’en 2023, selon des données rendues publiques. Officiellement, Paris affirme que ces exportations concernent uniquement des équipements à usage défensif, mais des enquêtes indépendantes ont mis en doute cette version.
Un nouvel épisode a suscité de vives critiques au printemps 2025 : malgré un mandat d’arrêt émis en novembre 2024 par la Cour pénale internationale (CPI) contre Benyamin Netanyahu pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité à Gaza, la France a autorisé à plusieurs reprises le survol de son espace aérien par l’avion du chef du gouvernement israélien.
Des associations de juristes et des élus de La France insoumise ont dénoncé cette décision, y voyant une « violation grave » des engagements de la France au regard du Statut de Rome, traité fondateur de la CPI. Christophe Lemoine, porte-parole du ministère des Affaires étrangères, a rappelé que la France agirait « conformément aux statuts de la CPI », sans s’engager explicitement sur une éventuelle arrestation de Netanyahu en cas d’entrée sur le territoire français.
La trajectoire diplomatique de Paris s’est encore précisée en avril 2025 : Emmanuel Macron a annoncé que la France pourrait reconnaître l’État palestinien en juin, dans le cadre d’une conférence internationale coprésidée avec l’Arabie saoudite à l’ONU. Il a précisé que cette reconnaissance devait s’inscrire dans un processus politique global visant une solution à deux États.
Cette annonce intervient dans un contexte où les décisions de la Cour internationale de justice (CIJ) ont reconnu l’existence d’un « risque plausible de génocide » à Gaza et ont souligné de graves violations du droit international humanitaire par l’armée israélienne.
Face à ces évolutions, les réactions restent contrastées. Si certains saluent une position française enfin « équilibrée », d’autres dénoncent des contradictions majeures, entre les discours officiels et la réalité des actes, notamment en matière de ventes d’armes et de coopération avec la CPI.
Sur le plan intérieur, des manifestations de soutien au peuple palestinien se sont multipliées en France, malgré des interdictions initiales. Plusieurs personnalités ont été poursuivies pour apologie du terrorisme, alimentant le débat sur la liberté d’expression et les limites du soutien à Gaza.
L’évolution de la diplomatie française sur la guerre à Gaza illustre les ambiguïtés dans la position d'Emmanuel Macron entre le besoin de concilier ses engagements internationaux d'une part, ses alliances stratégiques d'autre part, mais aussi la pression croissante de l’opinion publique.