Organisation de coopération de Shanghai… Les géants d’Asie font front commun contre l’Occident (Analyse)
- La liste des pays membres a comporté, pour la première fois, des Etats arabes. Il s’agit de l’Egypte, du Qatar, des Emirats, du Koweït et du Bahreïn
Istanbul
AA / Istanbul
- La Russie et la Chine ont réclamé, au cours du Sommet de Samarcande, l’établissement d’un nouvel ordre mondial « juste et multipolaire »
- L’Iran est sur le point d’adhérer à l’Organisation de coopération de Shanghai
- Cinq pays arabes ont exprimé leur souhait d’adhérer à l’Organisation et deviennent un « partenaire interlocuteur »
« L’alliance des anciennes civilisations en Asie menace l’hégémonie de la civilisation occidentale », telle est la mise en garde annoncée depuis plusieurs années par de grands penseurs géopolitiques américains et l’Organisation de coopération de Shanghai, qui concrétise cette tendance effectivement, à travers l’appel lancé par ses dirigeants pour former un nouvel ordre mondial multipolaire.
Ce que l'Occident craignait quant à la possibilité de l’établissement par des pays, qui ont vu émerger de puissants empires, tels que la Chine, l'Inde, la Russie et l'Iran, consiste en une coopération économique en surmontant leurs différends d’ordre politique, religieux, ethnique et historiques, a déjà commencé à se matérialiser.
La signature par l'Iran du mémorandum des « engagements d'adhésion permanente » à l'Organisation de Shanghai, en marge du Sommet de Samarcande à Ouzbékistan, qui s'est tenu les 15 et 16 septembre, en fera un membre à part entière lors du prochain sommet, en plus de la Chine, de la Russie, du Pakistan, de l'Inde et de quatre pays d'Asie centrale.
Ces huit pays constituent le noyau dur des forces qui s’emploient à mettre fin au système unipolaire et à l’hégémonie de l’Occident sur le monde.
Créée en 2001, l’Organisation de Shanghai est composée de la Russie et de la Chine ainsi que de quatre pays de l’Asie centrale (Kazakhstan, Ouzbékistan, Tadjikistan, Kirghizistan), rejoints par l’Inde et le Pakistan en 2017, en plus de pays observateurs candidats à l’adhésion, tels que l’Iran, la Mongolie et la Biélorussie.
Une troisième catégorie de pays sont ceux qui participent au Dialogue (La Türkiye, le Turkménistan, l’Azerbaïdjan, l’Arménie, le Cambodge, le Népal et le Sri Lanka).
Pour la première fois, des pays arabes ont adhéré à cette liste. Il s’agit du Qatar, des Emirats, du Koweït et du Bahreïn.
- Résultats du Sommet
Le Sommet de Samarcande a bénéficié d’un intérêt mondial particulier, au vu de la situation précaire et des perturbations qui secouent la planète à plus d’un niveau, s’agissant essentiellement de la guerre russe en Ukraine, des crises énergétique et alimentaire mondiales, des sanctions occidentales infligées à Moscou, de la recrudescence de la tension entre la Chine et les Etats-Unis au sujet de Taiwan et du retrait des forces américaines d’Afghanistan.
C’est pour cette raison que les Etats membres de l’Organisation, et à leur tête la Russie et la Chine, visent à renforcer leur coopération politique et économique, voire sécuritaire et militaire, afin de faire face aux sanctions américaines et aux tentatives de domination occidentale, l’objectif étant de former un nouvel ordre mondial multipolaire.
C’est ce qui a été mentionné dans la Déclaration finale du Sommet de Samarcande qui a critiqué « l’application unilatérale des sanctions économiques en plus de celles adoptées par le Conseil de sécurité ».
La Déclaration faisait allusion aux sanctions infligées par les Etats-Unis et leur alliés européens à l’endroit de la Russie et de la Chine et d’autres pays membres de l’Organisation.
Par ailleurs et bien que l’Afghanistan ne soit pas un membre de l’Organisation, ce pays était présent dans la Déclaration finale qui a appelé à un règlement rapide de la situation dans cet Etat d’Asie centrale.
Le communiqué a considéré l'Afghanistan comme étant un des principaux facteurs pour le renforcement de la sécurité dans la région de l'Organisation, dans la mesure où ce pays représente un point de croisement entre la Chine, la Russie et l'Asie centrale ainsi que le sous-continent indien et l'Iran.
L'Afghanistan dispose d'un rôle vital dans le développement du commerce entre les Etats membres de l'Organisation, mais son instabilité politique et sécuritaire représente une menace permanente pour l'Organisation de coopération de Shanghai.
Le rapprochement de l'Iran d’une adhésion officielle à l'Organisation de Shanghai représente une ouverture vers l'ouest de l'Asie, cinq ans après l'élargissement vers le Sud en direction de l'Inde et du Pakistan.
Cette ouverture a concerné, également, des pays arabes (Le Qatar, les Emirats, le Koweït et le Bahreïn) en leur qualité de pays participants au Dialogue, ce qui a fait de ces Etats de potentiels candidats pour l'adhésion à l’Alliance asiatique.
Le paradoxe consiste à ce que l'Egypte, fort de son poids humain et civilisationnel, est devenue également un Etat participant au Dialogue au sein de l'Organisation, bien qu'il s'agisse du seul pays en dehors du continent asiatique, ce qui soulève des interrogations sur un éventuel élargissement de l'Organisation de Shanghai, dont le nombre de pays s’élève actuellement à huit, pour s'étendre à l'avenir vers l'Afrique et l'Amérique latine.
- Un noyau contre l’Occident
L’Organisation de coopération de Shanghai ne dissimule pas son but d’édifier un nouvel ordre économique mondial multipolaire qui mettrait fin à l’hégémonie américaine dans le monde. Cela s’est illustré dans la Déclaration ainsi que dans les propos tenus par le Président russe Vladimir Poutine et de son homologue chinois Xi Jinping.
La Déclaration finale du Sommet de Samarcande a souligné que les Etats membres de l’Organisation « s’engagent à effectuer des évaluations rigoureuses s’agissant de l’ordre du jour mondial actuel et défendent l’approche de l’établissement d’un ordre mondial plus juste ».
S’adressant aux dirigeants réunis, le Président chinois, Xi Jinping, a déclaré que le temps est venu pour reformer l’ordre mondial et « renoncer aux équations nulles et aux politiques fondées sur la formation de blocs ».
Le chef d’Etat chinois a ajouté que les dirigeants du monde « se doivent d’œuvrer ensemble pour appuyer le développement d’un ordre mondial plus équitable et plus rationnel ».
Dans le même ordre d’idées, Potine a souligné que « la Russie et la Chine défendent en commun l’établissement d’un ordre mondial juste, démocratique et multipolaire ».
Le Président russe a salué le « rôle prépondérant des nouveaux centres d’influence », précisant que « la crédibilité de l’Organisation de coopération de Shanghai est encore meilleure et constitue l’une des principale organisations mondiales ».
Poutine avait déjà annoncé, à la fin du mois d’août dernier, que « l’ordre multipolaire dans le monde est en cours d’être remplacé ».
L’importance de ladite organisation consiste dans le fait que ses huit Etats membres représentent la moitié des habitants du monde de même que quatre pays parmi eux disposent de l’arme nucléaire et deux membres jouissent du droit de veto au sein du Conseil de sécurité. De plus, la Chine à elle seule est la deuxième plus grande économie au monde et possède des taux de croissance supérieures à ceux des Etats-Unis.
Cette alliance asiatique est en mesure de concurrencer l’Occident à l’avenir, au même titre que d’autres coalitions régionales qui sont en dehors de l’orbite de Washington, tel que les BRICS qui compte en plus de la Russie, de la Chine et de l’Inde, l’Afrique du Sud et le Brésil.
L’élargissement de l’Organisation de Shanghai vers des Etats puissants économiquement et humainement en Asie pourrait être à même de contrebalancer de grands blocs régionaux, telle que l’Union européenne, ce qui permettra d’atteindre l’objectif de la création l’Organisation consistant à bâtir un monde multipolaire.
Le retrait des Etats-Unis d’Afghanistan et d’Irak a constitué le début du recul de l’unique puissance mondiale dominante, ce qui ouvrira la voie à la montée de nouvelles forces qui pourraient de transformer en des pôles militaires et économiques concurrents.
- Briser l’isolement
Poutine s'emploie, à travers sa participation au Sommet de Samarcande, à confirmer qu’il est difficile d’isoler ou de cerner la Russie et qu’au même titre de Washington, Moscou dispose a de solides et forts alliés.
L'importance de l'Organisation de coopération de Shanghai pour la Russie consiste à ce que les Etats membres l'ont aidé à briser les sanctions occidentales infligées à son gaz et à son pétrole.
En effet, avec la suspension partielle ou totale de l'exportation du pétrole et du gaz envers treize pays européens, la Russie a trouvé en la Chine et en l’Inde une alternative à ses exportations d’énergie quand bien même avec des cours moins élevés que ceux en vigueur sur le marché.
Avec la montée économique de la Chine et de l’Inde durant la période qui a suivi l’effondrement de l’Union soviétique (1991), les deux pays se sont transformés en un gigantesque marché à la faveur de leur population de 2,8 milliards d’habitants, ce qui a fourni à la Russie une alternative au marché européen.
La Chine est candidate pour devenir la plus grande économie du monde d’ici l’année 2035, tandis que l’Inde, troisième économie asiatique, devrait dépasser le Japon en 2033 et deviendra ainsi la deuxième économie du continent asiatique et la troisième mondiale, conformément aux prévisions de « Bloomberg Economics ».
Les deux principaux alliés de la Russie au sein de l’Organisation de Shanghai avaient adressé des reproches à Poutine au sujet de sa guerre en Ukraine en l’exhortant à y mettre un terme.
De même que l’Inde et la Chine ne sont pas prêtes à sacrifier leurs relations avec l’Occident pour la Russie.
Les échanges commerciaux entre la Chine et l’Inde avec les Etats-Unis et l’Union européenne sont de loin supérieurs à leurs échanges avec la Russe.
Toutefois, les sanctions occidentales infligées à la Chine et à la Russie les placent du même côté, de même que l’Inde compte, en grande partie sur l’armement russe dans la construction de son arsenal militaire.
Bien que l’Organisation de Shanghai représente un important bloc humain, économique et militaire, il n’en demeure pas moins qu’elle a besoin de consolider ses relations bilatérales dans les différents domaines et d’assurer de plus grandes adhésions tout en traitant les profonds différends qui opposent certains de ses membres, notamment entre le Pakistan et l’Inde, entre la Chine et l’Inde ou encore entre le Tadjikistan et le Kirghizistan.
Lorsque l’Organisation parviendra à édifier des structures solides, aussi bien politiques, économiques que militaires, c’est à ce moment-là qu’elle sera en mesure de rivaliser avec l’Occident et ses différentes instances, tels que l’OTAN et l’Union européenne.
*Traduit de l'arabe par Hatem Kattou
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