Oslo, Israël et le miroir aux alouettes (Analyse)

Tunisia
AA / Tunis / Hmida Ben Romdhane *
Il y a vingt-huit ans, le 4 mai 1994, Israéliens et Palestiniens conclurent un accord au Caire, relatif à la période intérimaire d’autonomie.
Il prévoyait l’établissement de deux zones autonomes : la bande de Gaza et la petite ville de Jéricho (Ariha en arabe) qui passent sous le contrôle d’une Autorité palestinienne présidée par Yasser Arafat et siégeant à Gaza.
Deux mois plus tard, en juillet 1994, Yasser Arafat et les hauts cadres de l’OLP (Organisation pour la libération de la Palestine) quittaient Tunis, où ils résidaient depuis 1982, vers Gaza et Jéricho pour établir l’Autorité nationale palestinienne.
Cet accord était précédé, quelque neuf mois plus tôt, le 13 septembre 1993, par la signature des accords d’Oslo à la Maison blanche par le chef de l’OLP Yasser Arafat et le Premier ministre israélien Itzhak Rabin en présence de l’ancien président américain Bill Clinton.
Le même accord du 4 mai 1994 était suivi, le 28 septembre 1995, d’un autre, conclu à Taba, dénommé « accord d’Oslo II ». Il prévoyait l’organisation d’élections visant à doter les Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza d’institutions politiques devant prendre en charge la gestion administrative et civile des territoires occupés.
En outre, l’accord fixe les conditions et les modalités d’un redéploiement de l’armée israélienne dans les territoires occupés.
Ces accords et bien d’autres qui ont suivi n’ont pas tardé à se révéler comme des anesthésiants qu’utilisait Israël pour faire de l’Autorité palestinienne un garant de la sécurité des Israéliens, tout en intensifiant son plan de colonisation de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est.
Et de fait, en 1993, année de signature des accords d’Oslo, le nombre des colons dans les territoires occupés s’élevait à quelque 100 000.
Il dépasse aujourd’hui les 700 000 colons. Sept fois plus de colons installés en Cisjordanie et à Jérusalem-Est pendant les années où Palestiniens et Israéliens négociaient le principe des « territoires contre la paix » !
Les différents gouvernements israéliens, en particulier ceux dirigés par Benyamin Netanyahu, s’acharnaient à construire les colonies par centaines et y installaient des colons par centaines de milliers dans l’impunité la plus totale.
Commentant la nouvelle réalité née des accords du 4 mai 1994 et du 28 septembre 1995, Dominique Perrin écrit dans son livre ‘’ Palestine, une terre deux peuples’’ : « On peut analyser ce statut d’autonomie accordé à la Cisjordanie comme une étape vers l’instauration ultérieure d’un Etat palestinien à côté d’Israël. On peut tout aussi bien y voir un éclatement du territoire palestinien qui devient ainsi une sorte de ‘’peau de léopard’’, composée d’une série d’enclaves mal reliées entre elles et prises dans le réseau des colonies israéliennes, ce qui compromet à l’avance la viabilité d’un éventuel Etat palestinien. »
Les accords d’Oslo et tous les autres qui en ont découlé n’ont, à aucun moment, constitué un cadre sérieux menant l’instauration d’un Etat palestinien.
Avec du recul, l’on se rend compte qu’ils n’étaient qu’un faux-semblant, un simple miroir aux alouettes qui a permis à Israël de transformer les territoires palestiniens qu’il occupe depuis 1967 en une multitude d’enclaves séparées les unes des autres par des colonies où sévissent des colons agressifs et brutaux.
Le plus étonnant est que, depuis la signature des accords d’Oslo, il y a près de 30 ans, l’Autorité palestinienne a accepté de se plier à l’humiliante contrainte de « la coordination sécuritaire » avec l’armée et les forces de sécurité israélienne. D’après des responsables du ‘’Hamas’’, la coordination sécuritaire inclut « l’arrestation d’opposants islamistes sur ordre d’Israël. »
Dans une déclaration à ‘’Middle East Eye’’, Abd al-Sattar Qassem, professeur et analyste politique qui vit à Naplouse, ne mâche pas ses mots : « L'Autorité Palestinienne, dit-il, est un agent de l’occupation et ne peut abandonner ce rôle, car elle perdrait ses privilèges. (…) Ses dirigeants ont des privilèges, des intérêts et des richesses, et par conséquent, ils ne vont pas compromettre leurs intérêts personnels dans l’intérêt du peuple. »
Si la première intifada de décembre 1987 a abouti aux accords d’Oslo qu’utilisait Israël comme feuille de vigne pour tenter de cacher sa voracité colonisatrice, la deuxième intifada de septembre 2000 a servi de prétexte pour Israël de jeter carrément les gants et recourir systématiquement à la violence armée à la poursuite de son double objectif : plus de colonies, plus de colons, et moins d’espace disponible pour les Palestiniens et moins de chances d’édification d’un Etat palestinien.
Les attentats du 11 septembre 2001 n’ont pas servi uniquement aux néoconservateurs américains pour briser l’Irak en morceaux, ils ont servi également à la droite israélienne pour se déchainer sans retenue aucune contre la moindre résistance palestinienne à l’occupation.
Marie Joëlle Zahar, professeur de sciences politiques, écrit dans la revue ‘’Etudes internationales’’ : « L’escalade du conflit israélo-palestinien remonte à septembre 2000. C’est toutefois en septembre 2001, après l’attentat terroriste contre les tours jumelles du World Trade Center à New York que ce conflit prend une tournure particulièrement inquiétante. En effet, bien que la deuxième Intifada remonte à septembre 2000, c’est un an plus tard que le vocabulaire politique s’aligne sur l’escalade militaire quand Israël adopte le vocabulaire de la guerre contre le terrorisme dans sa lutte contre l’Autorité nationale palestinienne, tenue responsable de la violence. »
Et le droit international dans tout ça ? Et les entorses gravissimes à ce droit international entérinés pour les beaux yeux d’Israël par les différents présidents américains et surtout Donald Trump et son ‘’deal du siècle’’ ?
Une réponse d’une logique brutale nous est donnée par Rachad Antonius, auteur d’une thèse de doctorat sur ‘’ La pertinence des principes de droit international pour le règlement du conflit israélo-palestinien’’.
L’auteur écrit ceci : « Le droit international n'est pas un système vertical accordant à une autorité supérieure le pouvoir d'imposer un règlement aux belligérants; il s'agit plutôt d'un système horizontal au sein duquel les rapports de force ont plus de poids que les dispositions juridiques. Il n'est donc pas surprenant que l'on fasse certaines entorses au droit international pour accommoder la partie la plus puissante, ici l'État d'Israël. »
A bon entendeur, salut !
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(*) Hmida Ben Romdhane : journaliste tunisien, ancien rédacteur en chef et PDG de La Presse de Tunisie.
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