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Procès de l’attentat contre Samuel Paty: La personnalité d’Abdelhakim Sefrioui questionnée

- Le militant pro-palestinien, qui encourt une peine de 30 ans de prison, est accusé d’association de malfaiteur terroriste

Feiza Ben Mohamed  | 23.11.2024 - Mıse À Jour : 24.11.2024
Procès de l’attentat contre Samuel Paty: La personnalité d’Abdelhakim Sefrioui questionnée

Ankara

AA/Paris/Feïza Ben Mohamed

Pour la fin de cette troisième semaine de procès devant la Cour d’Assises spécialement composée, c’est au tour d’Abdelhakim Sefrioui et Brahim Chnina d’être mis sous les projecteurs de la justice.

Après avoir procédé mercredi et jeudi aux interrogatoires d’Azim Epsirkhanov et de Naïm Boudaoud (deux anciens amis du terroriste, qui nient avoir eu connaissance de son projet), la Cour a entendu deux nouveaux témoins ce vendredi, afin d’être éclairée sur la personnalité des deux militants bien connus du tissu associatif musulman.

Tous deux sont mis en cause pour avoir diffusé, sur les réseaux sociaux, des vidéos dénonçant la démarche de Samuel Paty, de présenter des caricatures du Prophète Mohammed, nu, à ses élèves.

Le terroriste Abdoullakh Anzorov, qui n’était aucunement lié à l’établissement ni à Samuel Paty, a vraisemblablement eu connaissance des faits suite à la polémique engendrée par la diffusion de l’une de ces vidéos, devenue virale et diffusée par Brahim Chnina, l’un des parents d’une élève.

Ce dernier, alerté par sa fille (dont l’enquête démontrera par la suite qu’elle n’était en fait pas présente au cours), est alors soutenu par le militant associatif Abdelhakim Sefroui, qui publiera, le 11 octobre, une autre vidéo qualifiant Samuel Paty de « voyou ».

Leurs vidéos génèrent de très nombreux commentaires, et le nom de l’enseignant ainsi que celui de son établissement sont finalement divulgués, permettant à Abdoullakh Anzorov de l’identifier, le localiser, avant de se rendre sur les lieux pour le décapiter.

Abdelhakim Sefrioui était, jusqu’à son incarcération, une figure bien connue des sphères militantes musulmanes et pro-palestiniennes. Ce vendredi matin, deux témoins, dont l’un cité par les parties civiles, sont venues décrire sa personnalité, et sont longuement revenues sur son parcours.

Le professeur Noureddine Aoussat est arrivé le premier à la barre pour expliquer avoir connu Sefrioui en 2007, après avoir publié un livre portant sur les caricatures.

« Je l’ai connu dans le cadre de la sortie de mon livre sur les caricatures. J’ai compris tout de suite qu’il était ouvert et sincère dans sa volonté d’expliquer ce qu’étaient les caricatures. Il comprend ce sujet des caricatures et il était pour la diffusion de mon livre pour l’expliquer. Il était libraire et éditeur à l’époque où je l’ai connu. Il a participé à la diffusion du livre » a-t-il fait savoir.

Et de poursuivre: « Je l’ai connu au sein du CCY, le Collectif Cheikh Yassine. Il a été un militant entier du droit des palestiniens. Il a participé dénoncer tout génocide des Palestiniens. Il est antisioniste, c’est clair, mais pas antisémite. C’est incompatible. Un musulman qui connait sa religion, ne peut en aucun cas avoir d’idées antisémites. Nous ne sommes pas les cousins des juifs, nous sommes leurs frères. Il partage l’idée de la nécessité d’un dialogue sincère et franc et je regrette que monsieur Sefrioui, qui n’a rien à voir avec les faits, se retrouve dans cette histoire-là ».

L’enseignant précise par ailleurs qu’il ne lui serait jamais venu à l’esprit « qu’Abdelhakim Sefrioui soit mêlé à cet assassinat » et qu’il « n’a jamais été humiliant avec qui que ce soit pour faire valoir les causes justes qu’il a défendues ».

Et sur la personnalité de Sefrioui, un second témoin, pourtant appelé par une partie civile, est venu enfoncer le clou, rejetant toute radicalité violente et religieuse du prévenu.

Dhaou Meskin, imam, lui aussi très engagé dans le tissu associatif musulman a en effet dépeint Sefrioui comme un homme au « caractère difficile » et en conflit avec de nombreux autres responsables associatifs, mais reste catégorique « il n’est pas radicalisé ».

« Il n’a aucune relation avec le terrorisme, ni dans sa pensée ni dans son comportement. Il est proche du PJD (Parti justice et développement) qui était au pouvoir à l’époque au Maroc. Je le connais depuis 1992 avec la formation du Conseil des Imams. Nous avons déjà été reçus par Sarkozy à l’époque où il était ministre de l’intérieur. On a travaillé pour devenir un interlocuteur des pouvoir publics car il n’y avait pas de représentativité musulmane en France mais l’Etat a finalement choisi par la suite de créer le CFCM (Conseil Français du Culte Musulman) » relate le sexagénaire.

Interrogé par Maître Ouadie Elhamamouchi, l’avocat d’Abdelhakim Sefrioui, Dhaou Meskin qualifie volontiers l’accusé de « militant zélé » mais balaye toute radicalisation religieuse ou violente.

Selon le témoin, la vidéo publiée pour dénoncer le cours donné par Samuel Paty avec comme support, une caricature du Prophète Mohammed, ne relève en aucun cas d’une « fatwa » contre l’enseignant, contrairement à ce qu’affirment certaines parties civiles pour réclamer une sanction pénale lourde.

Le responsable religieux va même jusqu’à expliquer qu’il est légitime, de parfois vouloir « médiatiser une affaire » pour qu’elle puisse être prise en compte et que la mobilisation puisse « porter ses fruits ».

Interrogé ensuite par Maitre Nabil El Ouchikli sur le profil de Brahim Chnina, Dhaou Meskin a affirmé voir dans sa démarche « un homme qui voulait défendre sa fille » et pas « quelqu’un qui voulait s’acharner sur le professeur ».

« J’ai eu des conflits avec monsieur Sefrioui, mais je ne me servirai pas de cette affaire pour régler mes comptes. Je dirai la vérité, et ce que je pense c’est qu’il n’a rien à voir avec cet attentat (…). Certains ont eu des conflits avec lui et veulent profiter de l’occasion, ce n’est pas mon cas » a-t-il conclu son propos.

Pour rappel, c’est un procès qui se veut historique, qui s’est ouvert le 4 novembre à Paris, et qui doit durer jusqu’au 20 décembre selon le calendrier prévisionnel transmis par le PNAT (Parquet National Antiterroriste) à Anadolu.

Et pour cause, quatre ans après les faits, la justice aura a déterminer les responsabilités des huit accusés, dans l’assassinat, le 16 octobre 2020, de Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie au collège du Bois d’Aulne à Conflans-Sainte-Honorine, décapité à la sortie des cours par un ressortissant russe, d’origine tchétchène, âgé de 18 ans.

Son bourreau, Abdoullakh Anzorov, abattu dans la foulée par les forces de l’ordre, reprochait à l’enseignant d’avoir montré à ses élèves, des caricatures issues du journal satirique Charlie Hebdo et mettant en scène le prophète Mohammed nu.

L’attentat avait provoqué une onde de choc dans tout le pays, et le nom de Samuel Paty fait depuis office de symbole. Six mineurs ont déjà été condamné par le tribunal pour enfants, au terme d’un procès intervenu fin 2023.

Au cours des sept semaines que durera ce procès présidé par un juge assisté de quatre assesseurs, le rôle des huit accusés âgés de 22 à 65 ans, dont cinq comparaissent détenus, va être examiné en détail pour déterminer les responsabilités de chacun, conformément à un arrêt de mise en accusation daté du 13 septembre 2023.

Parmi les accusés, figurent deux des proches d’Abdoullakh Anzorov, Azim Epsirkhanov et Naim Boudaoud, devront répondre de faits qualifiés de complicité d’assassinat terroriste et encourent une peine de prison à perpétuité. Tous deux âgés respectivement de 23 et 22 ans, sont soupçonnés d’avoir accompagné le tueur de Samuel Paty, en l’accompagnant dans l’achat d’armes. Naim Boudaoud l’a par ailleurs déposé sur les lieux de l’attentat.

Brahim Chnina et Abdelhakim Sefrioui, âgés de 52 et 65 ans, et tous deux également détenus depuis les faits, auront à répondre à des accusations d’association de malfaiteurs terroriste.

Dans le détail, Abdoullakh Anzorov, qui n’était aucunement lié à l’établissement ni à Samuel Paty, a vraisemblablement eu connaissance des faits suite à la polémique engendrée par la diffusion d’une vidéo, devenue virale et diffusée par Brahim Chnina, l’un des parents d’une élève, dénonçant la démarche du professeur d’histoire-géographie.

Ce dernier, alerté par sa fille (dont l’enquête démontrera par la suite qu’elle n’était en fait pas présente au cours), est alors soutenu par le militant associatif Abdelhakim Sefroui, qui publiera, le 11 octobre, une autre vidéo qualifiant Samuel Paty de « voyou ».

Leurs vidéos génèrent de très nombreux commentaires, et le nom de l’enseignant ainsi que celui de son établissement sont finalement divulgués, permettant à Abdoullakh Anzorov de l’identifier, le localiser, avant de se rendre sur les lieux pour le décapiter.

Yusuf Cinar, Ismaïl Gamaev, et Louqmane Ingar, tous trois âges de 22 ans et membres de divers groupes Snapchat auxquels participait Abdoullakh Anzorov, sont accusés de lui avoir apporté un soutien idéologique.

Le premier a notamment diffusé le message de revendication de l’attentat ainsi que la photo de Samuel Paty décapité, le second est accusé d’avoir conforté son procès d’assassinat et d’avoir publié des messages de satisfaction après l’annonce de la décapitation de Samuel Paty. Le troisième, également âgé de 22 ans, comparait libre mais sous contrôle judiciaire pour avoir participé aux groupes Snapchat et évoquait un éventuel départ vers des zones de guerre pour y rejoindre une organisation terroriste.

Priscilla Mangel, la seule femme à comparaître devant la Cour d’Assises spéciale, est pour sa part âgée de 36 ans. Il lui est reproché d’avoir longuement et régulièrement échangé avec le terroriste en le confortant dans son projet.

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