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Congo Brazzaville: les musulmans s'interrogent sur l’interdiction du port du Niqab

"Les musulmans n’ont jamais constitué une menace pour le Congo" (Imam à Anadolu)

04.05.2015 - Mıse À Jour : 04.05.2015
Congo Brazzaville: les musulmans s'interrogent sur l’interdiction du port du Niqab

AA/Congo Brazzaville/Marien Nzikou-Massala

La communauté musulmane du Congo Brazzaville s'interroge sur les motifs de la récente mesure gouvernementale d’interdire le port du Niqab dans les espaces publics alors qu'aucun incident y afférent, n'a jamais été enregistré dans le pays, selon les témoignages recueillis par Anadolu.

Une semaine après l’annonce de l’interdiction par le ministre de l’intérieur et de la décentralisation Zéphirin Mboulou devant une délégation du Conseil Supérieur Islamique du Congo, les langues se délient au marché Poto-poto, dans le 3e arrondissement (Poto-Poto) de Brazzaville, où vie et exerce la plus forte communauté ouest-africaine et musulmane de Brazzaville.

Nombreux sont ceux qui disent ne pas comprendre les raisons d'une telle mesure, que le ministre a pourtant justifié par les "risques liés" au port du voile intégral qui, « offre une alternative de choix aux sans papiers et autres malfrats pour s’infiltrer clandestinement dans les rangs de la population », selon lui.

D’autres membres de la communauté vont jusqu'à fustiger une «décision qui va à l’encontre des lois congolaises et même de la constitution du 2 janvier 2002, constitution en vigueur au Congo qui recommande en son article 18: " la liberté de croyance et de conscience sont inviolables’’ ».

«C’est dans nos traditions de porter le Niqab, pourquoi nous le défendre aujourd’hui ?», se questionne Madame Demba rencontrée par Anadolu devant son étal de bijou au marché Poto-Poto.

 Madame Demba n’est pas la seule à se poser cette question et «à vouloir comprendre le pourquoi d’une telle décision ministérielle.»

Pour un Imam rencontré dans l’enceinte du Conseil Supérieur Islamique du Congo, qui a requis l’anonymat, cette décision qui «n’est pas la bienvenue»  peut constituer «un frein à la liberté d’opinion et de religion.»

Pour lui, «ce n’est pas une rébellion que nous voulons faire à la suite de cette décision, mais il faut reconnaitre que le Congo est un pays laïc qui recommande la diversité d’opinion et de religion».

«Si une loi de la sorte a été prise en France, on ne peut pas nous l’imposer ici où les musulmans n’ont jamais constitué une menace pour le Congo et ses institutions. Car jusqu’à ce jour, aucun acte terroriste n’a jamais été signalé. Aujourd’hui si on nous interdit le port du Niqab, quelle décision prendront-ils pour des jeunes filles qui portent des mini-jupes? », s’interroge-t-il aussi.

De son coté, Rock Euloge Nzobo, président du Cercle des Droits de l’Homme et de Développement (CDHD), une ONG des droits de l’homme exerçant au Congo, «le gouvernement devrait donner de plus amples informations à la population et à la société civile avant de prendre une quelconque décision».

«Le Congo n’est pas menacé par une force ayant trait à la religion musulmane. Est-ce par prévention que cette loi a été prise ? Sinon, c’est la liberté qui est menacée alors que l’article 22 de la Constitution du 20 janvier 2002 qui stipule que ‘’ le droit à la culture et au respect de l’identité culturelle de chaque citoyen est garantie, l’exercice de ce droit ne doit pas porter préjudice, ni à l’ordre public, ni à autrui ni à l’unité nationale ‘’, est bien claire » assure-t-il.

Pour Anna Dyemo, une chrétienne du quartier «tant que le port du Niqab ne porte pas atteinte aux mœurs ou à la liberté d’autrui, cette interdiction n’a aucun sens».

Jusqu’à présent, aucune manifestation de contestation n’a été signalée et le Conseil Supérieur Islamique du Congo n’a fait aucune déclaration sur la question en dehors du président du Conseil Supérieur Islamique du Congo, El Hadj Djibril Abdoulaye Bopaka, qui en relayant la décision de Brazzaville auprès des imams congolais, a demandé à l’occasion «un peu de temps pour sensibiliser la communauté musulmane aux nouvelles décisions prises par le gouvernement»,qui doivent être appliquées mercredi prochain.

Outre l’interdiction du niqab dans les lieux publics, il est également interdit de loger des musulmans de nationalité étrangère (notamment centrafricains et camerounais) dans les mosquées qui sont plutôt des lieux de prière, avait également informé à l'occasion Bopaka.

La police congolaise va d’ailleurs poursuivre l’opération «Mbata Ya Bakolo» lancé en janvier dernier et qui vise à lutter contre la criminalité et l’immigration clandestine au Congo, a appris Anadolu de source sécuritaire congolaise.

Environ 800.000 musulmans vivent, aujourd’hui, au Congo Brazzaville (soit 5,8% de la population totale), 20% d’entre eux sont d’origine congolaise, selon des estimations officielles.

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