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Burundi: Quand les épouses s'insurgent contre les chasseuses de maris volages

Elles les humilient et les tabassent en plein public.

04.03.2015 - Mıse À Jour : 04.03.2015
Burundi: Quand les épouses s'insurgent contre les chasseuses de maris volages

AA /Bujumbura/ Nzosaba Jean Bosco

Des paysannes burundaises soucieuses de préserver le foyer familial contre tout intrus, s'insurgent collectivement contre "les chasseuses de maris volages", les tabassent, les vilolentes et font parler d'elles au Burundi.

Ces chasseuses de maris généralement beaucoup plus jeunes que leurs concubins sont souvent humiliées et tabassées par les épouses légitimes en plein public.

«Nous n’allons plus jamais permettre à ces jeunes filles prétentieuses d'évincer de dignes mères de familles sous prétexte qu’elles ont une chaire plus fraîche et un air avenant pour séduire nos maris», égrène Jacqueline Inamuco, de la commune Muhanga, province kayanza (nord du Burundi), dans une déclaration à Anadolu..

Depuis quelques temps, excédées par le trop-plein de maris qui délaissent leurs épouses au profit de jeunes femmes plus jeunes et plus belles, elles sont plusieurs femmes, surtout en provenance de zones rurales, à avoir décidé de barrer la route à celles qu’elles qualifient de «profiteuses», afin de protéger leurs ménages.

A la fin de 2014, dix-sept jeunes femmes ont ainsi été forcées de déguerpir, rien que dans la seule zone de Mubogora de la commune de Muhanga (province Kayanza, 90 km au nord de Bujumbura la capitale), chassées par d’autres femmes, sous l’œil bien souvent hagard du mari volage, rapporte les organisations féminines de la région.

«Notre stratégie concertée est très simple: dès que nous apprenons qu’un tel a amené une deuxième femme à la maison, nous organisons une équipe constituée de toutes les femmes de la colline pour assaillir la maison des concernés dès six heures du matin et nous ne quittons pas celle-ci avant que la femme n’ait pris le chemin retour», relate avec fierté Concilie Niyonsaba, membre du comité local du forum national des femmes, FNF, (organe national officiel d’expression des préoccupations des femmes).

Cette stratégie s'est progressivement répandue dans plusieurs régions du pays, notamment dans la très fertile plaine de l’Imbo, à Bujumbura, où des femmes résignées se sont également révoltées contre une "réalité amère". L’été dernier, période de récolte au Burundi, sept jeunes filles ont ainsi été forcées de se séparer de leurs amants.

 «Nous avons constaté que ce phénomène ravage et détruit les foyers familiaux, hypothèque l’avenir des enfants qui ne sont plus encadrés et nourris comme avant, car le mari gaspille tout son argent pour cette relation. C’est pourquoi nous n’hésitons pas à battre la femme qui tente d'humilier une autre de cette façon», justifie Marthe Ndayishimiye, agricultrice associée de la commune Mutimbuzi, banlieue de Bujumbura.

Ainsi réhabilitées, les mères retrouvent sourire et vie de couple.  «Mon mari s’est calmé, depuis que les autres mères de ma colline ont forcé sa concubine à vider les lieux l’année dernière. Aujourd’hui il pense d’abord à sa famille et surtout à nos trois enfants», se réjouit Imelda Niyomwungere, une quadragénaire de la commune Mpanda, commune Bubanza (25 km au Nord-ouest de Bujumbura).

Certains maris repentis reconnaissent, eux, avoir pris une fausse voie. « C’était sous l’emprise de l’alcool, je m’étais attaché à une jeune fille, elle est partie, Dieu merci », déclare sous couvert d’anonymat, un cultivateur de la commune Rango, province Kayanza (nord).

Reste que ce phénomène demeure fréquent chez certaines catégories sociales. D'ailleurs, ceux qui s’adonnent à l’exploitation artisanale des minerais gagnant beaucoup d'argent, ont toujours tendance à en profiter pour convoiter de nouvelles femmes, selon des témoignages recueillis par Anadolu.

Le phénomène a plus ou moins régressé. Toutefois, des dérapages sont de temps à autre enregistrés ici et là. Des commerçants mariés à des cultivatrices analphabètes abandonnent ces dernières dès lors que leur situation sociale s’améliore. Puis,  des cultivateurs de cotons, de café ou de riz qui, profitent de l’abondance saisonnière pour épouser de nouvelles femmes, lesquelles seront aussitôt répudiées, au démarrage de la période de vaches maigres. 

Pour Paul Nkunzimana, sociologue et professeur à l’Université du Burundi, «ce phénomène est lié à la longue guerre civile qui a bousculé tous les repères moraux et sociaux au Burundi». 

«Nous sommes dans une société culturellement machiste où l’homme est quasi déifié et où la femme est reléguée à l’arrière-cour et dès lors qu’il en a les moyens, l’homme se laisse alors papillonner au grand dam de sa femme que la tradition astreint à la retenue ; aujourd’hui cet élan d’audace féminin est l’expression d’un sentiment de ras-le-bol sur le terrain de l’humiliation de la femme», a-t-il expliqué à Anadolu.

 
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