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France : Bayrou face à un héritage explosif, la réforme des retraites au centre des tensions

- Un mois après son arrivée à Matignon, François Bayrou doit prononcer son discours de politique générale et éviter les écueils ayant conduit à la chute de son prédécesseur, Michel Barnier.

Ümit Dönmez  | 14.01.2025 - Mıse À Jour : 14.01.2025
France : Bayrou face à un héritage explosif, la réforme des retraites au centre des tensions

Ile-de-France

AA / Paris / Ümit Dönmez

Ce mardi 14 janvier, François Bayrou s’apprête à prononcer sa déclaration de politique générale à l’Assemblée nationale. La réforme des retraites, véritable point de crispation, s’impose comme un test politique majeur pour le Premier ministre. Ce dossier controversé, hérité du gouvernement d’Élisabeth Borne en 2023 cristallise des tensions sociales et parlementaires qui continuent de diviser profondément le pays.


- 2023 : une réforme imposée par le 49.3 malgré une mobilisation historique

La réforme des retraites de 2023, qui prévoit un relèvement progressif de l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans, a laissé des traces profondes dans l’opinion publique. Adoptée par le gouvernement d’Élisabeth Borne en mars 2023, elle avait été imposée grâce à l’article 49.3 de la Constitution, en l’absence de majorité à l’Assemblée nationale.

Cette décision avait été prise dans un contexte social explosif, avec des manifestations rassemblant des millions de personnes pendant plusieurs mois. Les syndicats, unis dans leur opposition, avaient organisé des grèves massives dans des secteurs clés comme les transports, l’énergie et l’éducation. Les protestations avaient marqué un tournant dans la perception du pouvoir exécutif, jugé autoritaire par ses détracteurs.

Malgré cette mobilisation d’une ampleur historique, le gouvernement avait maintenu sa ligne, provoquant une fracture durable entre l’exécutif et une partie de la population. Le recours répété au 49.3 avait cristallisé les critiques sur le manque de dialogue et l’autoritarisme de l’époque.



- 2024 : la chute du gouvernement Barnier

Cet héritage brûlant a directement contribué à l’instabilité politique de 2024, qui avait vu la tenue de législatives anticipées à l'été. Michel Barnier avait été nommé Premier ministre en septembre 2024 par le président Emmanuel Macron, succédant ainsi à Gabriel Attal. Chargé d’apaiser les tensions après les divisions engendrées par la réforme des retraites, Barnier avait tenté de rassembler une majorité autour d’un projet de budget pour 2025.

Cependant, en décembre 2024, Barnier a été renversé par une motion de censure déposée par la gauche et soutenue par l'extrême droite, alors qu'aucun groupe ne dispose d'une majorité dans l'hémicycle. Le point de rupture avait été la présentation de son projet de budget, jugé insuffisant pour répondre aux attentes des oppositions. Le Rassemblement national (RN), central dans le débat sur le budget, avait également joué un rôle déterminant en retirant son soutien au gouvernement. Cette défaite avait marqué la fin brutale du mandat de Michel Barnier après seulement trois mois à Matignon.



- 2025 : Bayrou face au défi de la réforme des retraites

Nommé Premier ministre le 13 décembre 2024, François Bayrou hérite d’une situation politique extrêmement fragile. Depuis son arrivée, il a multiplié les consultations avec les forces politiques, en particulier la gauche, pour tenter de bâtir une majorité autour de son gouvernement. Mais la réforme des retraites, toujours au cœur des débats, reste un obstacle majeur.

Selon Libération, ce mardi matin, François Bayrou a confirmé qu’il n’entendait ni abroger ni suspendre la réforme, mais envisage plutôt de renvoyer le dossier aux partenaires sociaux, leur demandant des propositions d’ajustements d’ici septembre 2025. Cette approche, perçue comme un compromis par le gouvernement, est jugée insuffisante par l’opposition et les syndicats.

La France insoumise (LFI) a déjà annoncé son intention de déposer une motion de censure dès jeudi, tandis que le Parti socialiste (PS) se montre divisé. Olivier Faure, secrétaire général du PS, a laissé entendre ce mardi matin qu’un « accord possible » pourrait être trouvé avec le gouvernement, mais les écologistes et les communistes restent sceptiques. Marine Tondelier, cheffe des écologistes, a critiqué ce qu’elle appelle « l’euphorie prématurée » des socialistes, estimant que les négociations avec le gouvernement n’offrent « aucune garantie sérieuse ».

Du côté du RN, qui avait précipité la chute de Barnier, la position est pour l’instant plus modérée. Jean-Philippe Tanguy a prévenu ce matin que le RN ne censurerait pas le gouvernement « a priori », mais n’exclut pas cette possibilité si des mesures jugées « déraisonnables » étaient annoncées.



- Une déclaration de politique générale sous haute tension

À partir de 15 heures (heure locale), François Bayrou prendra la parole pour tenter de convaincre une Assemblée nationale profondément divisée. Son discours sera un test décisif pour son gouvernement, qui devra éviter une nouvelle motion de censure tout en s’efforçant de maintenir l’équilibre fragile de sa coalition.

L’ombre de la réforme des retraites de 2023 et la chute de Michel Barnier en 2024 planent sur cette déclaration. Bayrou devra faire preuve de tout son talent politique pour apaiser les tensions et maintenir son gouvernement à flot. Cependant, entre une opposition déterminée et une opinion publique toujours marquée par les divisions de ces dernières années, le défi s’annonce colossal.

Alors que les négociations semblent au point mort sur la réforme des retraites, certains espèrent que la proposition de François Bayrou d’impliquer les partenaires sociaux pourrait ouvrir une nouvelle voie. Reste à savoir si cette approche suffira à apaiser les tensions ou si elle ne fera qu’alimenter le mécontentement dans un contexte politique toujours aussi instable.


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