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À force de désigner des Français de confession musulmane comme ennemis, des individus les prennent pour cibles (Avocat)

- Nabil Boudi est l’avocat des deux femmes voilées frappées par la police sur le Pont de Clichy. Il a accordé une interview exclusive à l’Agence Anadolu.

Ekip  | 27.04.2022 - Mıse À Jour : 27.04.2022
À force de désigner des Français de confession musulmane comme ennemis, des individus les prennent pour cibles (Avocat)

France

AA/Paris/Feïza Ben Mohamed

Le 14 avril dernier, sur le Pont de Clichy, deux jeunes femmes voilées, étaient violemment frappées par des policiers.

La vidéo des faits a été publiée en ligne et été visionnée des dizaines de milliers de fois, suscitant un vif émoi.

Dans un entretien exclusif accordé à l’Agence Anadolu, Maître Nabil Boudi, avocat des deux plaignantes, est revenu sur les faits, qu’il met en perspective avec le contexte français.

« Les violences faites à l’égard des musulmans ne datent pas d’hier mais sont désormais réalisées à une fréquence beaucoup plus importante », souligne le conseil avant de rappeler qu’en « l’espace d’une semaine, il y a eu plusieurs agressions de femmes voilées dont celle du Pont de Clichy, celle de Montpellier (deux jeunes filles voilées agressées par un retraité de la police), et une autre dans un amphithéâtre à Lyon ».

Il regrette « une succession d’événements dans un laps très court », qu’il qualifie de « situation très inquiétante ».

Pour l’avocat au barreau de Paris, « à force de désigner certaines catégories de français de confession musulmane comme des ennemis, il y a des individus qui les prennent pour cibles ».

« À force de dire: ces personnes-là ne font pas partie de la communauté nationale, ces personnes-là sont des communautaristes, ou ces personnes-là sont des séparatistes, on amène des esprits pas très éclairés à les attaquer puisqu’elles sont désignées comme des ennemis », poursuit Maître Boudi.

Il considère néanmoins que « la situation est d’autant plus alarmante » que les violences sont commises « par les forces de l’ordre », ce qui constitue un facteur encore plus inquiétant pour les victimes ».

« Vers qui va-t-on pouvoir se tourner maintenant que ce sont les policiers eux-mêmes qui nous agressent ? », l’a même questionné l’une de ses clientes lors d’un rendez-vous.

S’agissant des violences exercées sur le Pont de Clichy, Nabil Boudi soulève également le mobile sexiste et nous indique que « l’une de (ses) clientes a été traitée de sale p* » par l’un des fonctionnaires de police.

S’agissant du déroulé exact des faits, « il va y avoir une confrontation entre les trois policiers impliqués et les plaignantes » à l’IGPN (Inspection Général de la Police National).

Maître Boudi veut savoir « ce qui a motivé le contrôle d’identité », pointant le fait que le contrôle d’identité est réglementé en France et doit être justifié par la commission d’une infraction.

« Je considère qu’elles ont été victime là d’un contrôle raciste et islamophobe (…) puisque l’élément religieux était le seul signe distinctif porté » par les plaignantes au moment des faits.

Il raconte enfin qu’au-delà du contrôle dont il conteste la légitimité, « un des policiers s’est acharné sur l’une des victimes en tentant de lui arracher son voile ».

« L’une d’entre elles a reçu une énorme gifle, l’autre a subi un plaquage ventral, après avoir été frappée », détaille l’avocat, qui précise qu’un certificat médical a été établi par l’hôpital qui a examiné les deux jeunes femmes après les faits.

Les policiers impliqués ont, quant à eux, déposé plainte pour « outrage et rébellion ». Pour Nabil Boudi, il s’agit d’un « schéma classique » et s’interroge sur cette accusation alors même que les « policiers n’ont pas interpellé les jeunes filles et ont déposé plainte uniquement après la diffusion de la vidéo sur les réseaux sociaux.

« Ils savent qu’ils ont violé la loi, et qu’ils ont commis des faits très graves et déposent plainte pour justifier les violences », conclut l’avocat.

La plainte des deux jeunes filles porte, pour sa part, sur des faits de « violences volontaires par personnes dépositaires de l’autorité publique en raison de l’appartenance religieuse ».


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