«La minute Chirac» de Macron à Jérusalem ou lorsque l’histoire bégaie (Analyse)
Macron protestait contre la présence des forces de l’ordre israéliennes, dans un endroit considéré comme étant un territoire français depuis plus de 160 ans.

Canada
AA / Montréal / Hatem Kattou
“Go outside please”, c’est en ces termes que le président français, Emmanuel Macron, en colère, intimait l’ordre à un policier israélien de sortir de l’Eglise Saint Anne de Jérusalem, où le chef de l’Hexagone s’est déplacé, mercredi après-midi, en marge d’une visite en Israël.
Macron protestait contre la présence des forces de l’ordre israéliennes, dans un endroit considéré comme étant un territoire français depuis plus de 160 ans.
En effet, la Basilique Saint Anne fait partie des quatre endroits de la ville de Jérusalem, propriété de l’Etat français.
C’est en 1856, après la Guerre de Crimée, qui avait opposé l’Empire russe (défait) d’une part, à l’Empire ottoman, à la France, au Royaume-Uni et au Royaume de Sardaigne d’autre part, que ce haut lieu de culte de la chrétienté a été offert à la France par le Sultan Abdülmecid Iᵉʳ.
Nonobstant l’incident en soi, un air de déjà vu effleure les esprits, immédiatement en visionnant la vidéo, devenue virale sur la toile, qui montre le « jeune » président français protester énergiquement en lançant : « Respectez les règles établies depuis des siècles ».
L’air du déjà vu nous fait remonter le temps. Un peu moins d’un quart de siècle plus tôt, un autre président français, un vieux briscard celui-là, en la personne de Jacques Chirac (décédé en septembre dernier) a, quasiment, été confronté au même incident en 1996.
Sa visite a été mouvementée dès lors qu’exaspéré, il a, catégoriquement, refusé d’accéder au lieu de culte avant que les militaires et les officiers de sécurité israéliens ne le quittent, lançant à leur endroit : « Je ne veux pas de gens armés en territoire français ».
Ne dit-on pas, depuis l’époque du philosophe et politicien Athénien, Thucydide, que l’histoire n’est qu’un éternel recommencement ?
Cependant, dans le cas échéant, l’histoire semble plus bégayer que se répéter.
Effectivement, ce qui paraissait couler de source et d’une spontanéité sincère chez Chirac, « le dernier des Mohicans » parmi les présidents français, est à l’opposé surfait et calculé chez Macron.
D’ailleurs, à la lecture des commentaires et avis en bas de la vidéo mise en ligne par des médias français et mondiaux ou sur la toile, l’on s’aperçoit que la messe est dite.
D’aucuns ne qualifient l’incident de Macron de « coup de com » et de « manipulation », estimant qu’il s’agit d’un coup monté et soigneusement calculé, allant même jusqu’à qualifier l’attitude de l’actuel président français de « pâle copie » de l’originale.
Ce qui accentue cette « suspicion » de coup préparé, c’est l’approche de la tenue des Municipales en France.
En effet, à la mi-mars prochain, se déroulera un scrutin, à priori local, mais qui revêt une dimension nationale et une importance cruciale, pour un président et son parti (LREM), déstabilisés et désavoués pendant la première moitié de son mandat par des mouvements sociaux quasiment inédits dans l’Hexagone (Gilets jaune, grève de plus de 45 jours, etc.).
Et c’est dans ce contexte pré-électoral, où chaque voix compte, que Macron, qui tente de redorer son blason, s’emploie à faire adhérer le plus grand nombre de Français aux thèses de son parti.
Si l’on sait que le nombre d’électeurs français d’origine arabe ou musulmane avoisine les 7 à 8 millions en France, l’on déduira aisément que tout est permis (une lapalissade en politique et en élections) pour réussir et s’attirer la sympathie des foules.
Notons au passage qu’il n’existe pas de statistiques officielles voire de statistiques tout court sur le nombre des musulmans et des arabes en France et que ce qui est disponible n’est que des estimations qui diffèrent d’une source à une autre, avec leur lot d’approximations, d’exagérations et de machinations.
A l’opposé de Macron, le coup de gueule « authentique » de Chirac, qui malgré sa fermeté avec un zest de « brutalité », était empreint d’élégance, découlant de son naturel, qui sied à merveille à un président, qui a été fidèle, quelque part, à la vision gaulliste et à sa fameuse « politique arabe de la France » et qui suscitait réellement l’enthousiasme de la rue palestinienne et arabe et qui avait noué de solides amitiés avec les dirigeants de cette région.
Du moins, le président français a réussi à s’affranchir du diktat d’un allié super dominant, en disant « NON » à la Guerre d’Irak lancée par Washington, contrairement aux présidents qui lui ont succédé à la tête de la France, qui ont fait montre d’un atlantisme épatant et d’une inféodation aux Etats-Unis et à leur allié gâté et de toujours : Israël.
Par ailleurs, ce qui enlève à la « crédibilité » du geste de l’actuel locataire de l’Elysée c’est le contexte de la visite.
Emmanuel Macron prend part, jeudi, à, ce qui constitue, le clou de sa visite en Israël, en l’occurrence, la 5ème édition du Forum mondial sur la Shoah, qui se tient au mémorial de Yad Vashem à Jérusalem, et qui vient commémorer le 75ème anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz.
Notons que le président français, qui affiche ainsi, un soutien inconditionnel à Israël et à la préservation de sa sécurité, a réduit le volet politique de ce déplacement dans une région complexe et sous tension, à une portion congrue.
Avant de conclure, il convient de mentionner, qu’en dépit de la multitude d’éléments qui différencient les deux incidents, séparés par un laps de temps assez long, un élément les réunit néanmoins.
Il s’agit de la présence, face aux deux présidents français, du même interlocuteur israélien, en l’occurrence, le Premier ministre quasiment inamovible, Benyamin Netanyahu. Un bel exemple d’alternance que livre « la seule démocratie du Moyen-Orient », donneuse de leçons à souhait, aussi bien à ses voisins, adversaires et ennemis, que parfois à ses amis et alliés.
Cela nous renvoie à la définition, concise mais ô combien condensée et illustrative, qu’avait donné un jour à propos des Israéliens/Juifs/Sionistes, un autre grand français (au propre comme au figuré), le général Charles de Gaulle.
En effet, le libérateur de la France du joug du nazisme (une autre forme d’oppression et de racisme similaire au sionisme) avait lancé au détour d’une conférence de presse, animée en novembre 1967, en parlant du peuple juif : « un peuple d'élite, sûr de lui-même et dominateur ».
Au demeurant, la messe est dite et la séance est levée !