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Affaire Samuel Paty : Une nouvelle semaine décisive devant la Cour d’Assises spéciale dans un procès sans l’assaillant

- « Pourquoi c’est tombé sur moi ? », a clamé lundi devant la Cour d’Assises spéciale de Paris, Karim*, l’un des mineurs déjà condamné dans le procès qui s’est tenu devant le tribunal pour enfants, fin 2023

Feiza Ben Mohamed  | 18.11.2024 - Mıse À Jour : 19.11.2024
Affaire Samuel Paty : Une nouvelle semaine décisive devant la Cour d’Assises spéciale dans un procès sans l’assaillant

France


AA/Paris/Feïza Ben Mohamed

Les débats ont repris à Paris ce lundi matin pour la troisième semaine consécutive devant la Cour d’Assises spécialement composée. La justice se penche, depuis le 4 novembre, sur l’assassinat terroriste de Samuel Paty, professeur d’histoire, décapité le 16 octobre 2020 à Conflans-Sainte-Honorine, par Abdoullakh Anzorov.

Cette semaine, la Cour focalise son attention sur deux des huit accusés, Naïm Boudaoud et Azim Epsirkhanov, tous deux poursuivis pour des faits qualifiés de complicité d’assassinat terroriste et encourent une condamnation à perpétuité. Agés respectivement de 23 et 22 ans, ils sont soupçonnés d’avoir accompagné l’assassin dans l’achat de l’arme qui lui a servi le jour de l’attentat. Naïm Boudaoud l’a, par ailleurs, déposé sur les lieux de l’attentat.


- Deux mineurs condamnés par le tribunal pour enfants appelés à témoigner


Dès lundi matin, deux témoins-clés ont été auditionnés par la Cour durant une audience à laquelle a assisté la correspondante d’Anadolu. Il s’agit de deux jeunes, désormais majeurs (mais mineurs au moment des faits) et qui ont été condamnés par le tribunal pour enfants dans le cadre du procès à huis clos intervenu fin 2023 pour avoir désigné Samuel Paty à l’assaillant, contre de l’argent.

Celui que l’on surnomme Karim* (La loi n’autorise pas de divulguer l’identité des mineurs mis en cause), est né en 2006 et a été longuement interrogé en sa qualité de témoin avant de craquer, face aux questions insistantes de l’une des avocates de la Défense.

Ce jeune, âgé de 14 ans au moment de l’assassinat de Samuel Paty, a été contacté à la sortie de son collège, par Abdoullakh Anzorov, qui lui proposait de lui désigner Samuel Paty en échange de 350 euros.

Face à la Cour, il raconte « n’avoir pensé qu’à l’argent à ce moment-là » et n’avoir à aucun moment « envisagé qu’il allait le tuer » puisqu’Anzorov lui avait affirmé souhaiter « le filmer ».

« On a tous pensé qu’il allait le frapper. Au collège quand on se bagarrait, on se filmait alors comme il a dit qu’il allait le filmer, on a tous pensé qu’il allait le frapper. Si j’avais vu le couteau j’aurais été voir le surveillant. Je n’ai pas vu de couteau », a-t-il néanmoins assuré.

Mais malgré un ton jusque-là posé, Karim finit par craquer, étouffant ses larmes, les mains sur le visage.

« Ça fait 4 ans que l’histoire je la supporte sur mon dos comme si c’était moi. Moi aussi j’aurais voulu faire machine arrière. Pourquoi ça m’est arrivé à moi ? », lance-t-il au micro, avant de marteler à nouveau qu’il n’avait, à aucun moment imaginé qu’Anzorov était sur le point d’assassiner Samuel Paty.

Après lui, un autre jeune, surnommé Sami par les médias locaux, a été lui aussi condamné par le tribunal pour enfants en 2023. Il se présente à la barre et livre la même version que celle de Karim.

Ils ont, ensemble, désigné Samuel Paty à son bourreau sans jamais avoir connaissance de son projet mortifère.

« Ce jour-là, je suis sorti des cours vers 15 heures. Il nous a demandé de lui désigner le professeur. On a attendu avec lui, on l’a désigné et on est parti. Il nous a dit qu’il voulait le taper. Il parlait pas trop. Il a dit qu’un ami venait de le déposer. Je n’ai pas vu de couteau. Il me semble qu’il n’avait pas de sac », a-t-il détaillé.


- L’audition des proches des prévenus


Après une suspension de séance, l’audience a repris en début d’après-midi avec l’audition de Fouzia, la mère de Naïm Boudaoud.

Comme l’ensemble des mis en cause dans ce procès historique, ce dernier, clame son innocence et affirme n’avoir jamais eu connaissance du projet criminel d’Abdoullakh Anzorov.

Et sa position a été largement appuyée par sa mère, ce lundi après-midi.

« Jamais de la vie, Naïm n’a pu savoir que quelqu’un avait un projet terroriste et ne rien dire », a-t-elle affirmé, catégorique. Et de poursuivre : « Naïm a été élevé dans le respect. S’il avait senti quoi que ce soit de particulier chez cet individu, il me l’aurait dit ».

Souhaitant que sa « parole compte », la mère de famille a exhorté le tribunal à reconnaître que son fils « n’est pas responsable » de l’assassinat de Samuel Paty.

Dans la même logique, son père, Malik s’est présenté sûr de lui, affirmant que son fils « n’est pas un terroriste » et que « jamais il ne le défendrait ou témoignerait si c’était le cas ».

Après avoir dépeint un jeune garçon serviable et équilibré, le père de Naïm a pris le temps de revenir en détail sur le profil de son garçon, dont il est persuadé de l’innocence.

La parole sera néanmoins donnée à Azim Epsirkhanov et Naïm Boudaoud en fin de semaine afin qu’ils puissent s’expliquer tous les deux sur le rôle qu’ils ont réellement joué dans l’exécution du professeur.

Pour rappel, c’est un procès qui se veut historique, qui s’est ouvert le 4 novembre à Paris, et qui doit durer jusqu’au 20 décembre selon le calendrier prévisionnel transmis par le Parquet National Antiterroriste (PNAT) à Anadolu.

Et pour cause, quatre ans après les faits, la justice aura à déterminer les responsabilités des huit accusés, dans l’assassinat, le 16 octobre 2020, de Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie au collège du Bois d’Aulne à Conflans-Sainte-Honorine, décapité à la sortie des cours par un ressortissant russe, d’origine tchétchène, âgé de 18 ans.

Son bourreau, Abdoullakh Anzorov, abattu dans la foulée par les forces de l’ordre, reprochait à l’enseignant d’avoir montré à ses élèves, des caricatures issues du journal satirique Charlie Hebdo et mettant en scène le prophète Mohammed.

L’attentat avait provoqué une onde de choc dans tout le pays, et le nom de Samuel Paty fait depuis office de symbole. Six mineurs ont déjà été condamnés par le tribunal pour enfants, au terme d’un procès intervenu fin 2023.

Au cours des sept semaines que durera ce procès présidé par un juge assisté de quatre assesseurs, le rôle des huit accusés âgés de 22 à 65 ans, dont cinq comparaissent détenus, va être examiné en détail pour déterminer les responsabilités de chacun, conformément à un arrêt de mise en accusation daté du 13 septembre 2023.

Parmi les accusés, figurent deux des proches d’Abdoullakh Anzorov, Azim Epsirkhanov et Naim Boudaoud, devront répondre de faits qualifiés de complicité d’assassinat terroriste et encourent une peine de prison à perpétuité. Tous deux, âgés respectivement de 23 et 22 ans, sont soupçonnés d’avoir accompagné le tueur de Samuel Paty dans l’achat d’armes. Naim Boudaoud l’aurait, par ailleurs, déposé sur les lieux de l’attentat.

Brahim Chnina et Abdelhakim Sefrioui, âgés de 52 et 65 ans, et tous deux également détenus depuis les faits, auront à répondre à des accusations d’association de malfaiteurs terroriste.

Dans le détail, Abdoullakh Anzorov, qui n’était aucunement lié à l’établissement ni à Samuel Paty, a vraisemblablement eu connaissance des faits suite à la polémique engendrée par la diffusion d’une vidéo, devenue virale et diffusée par Brahim Chnina, l’un des parents d’une élève, dénonçant la démarche du professeur d’histoire-géographie.

Ce dernier, alerté par sa fille (dont l’enquête démontrera par la suite qu’elle n’était en fait pas présente au cours), est alors soutenu par le militant associatif Abdelhakim Sefroui, qui publiera, le 11 octobre, une autre vidéo qualifiant Samuel Paty de « voyou ».

Leurs vidéos génèrent de très nombreux commentaires, et le nom de l’enseignant ainsi que celui de son établissement sont finalement divulgués, permettant à Abdoullakh Anzorov de l’identifier, le localiser, avant de se rendre sur les lieux pour le décapiter.

Yusuf Cinar, Ismaïl Gamaev, et Louqmane Ingar, tous trois âges de 22 ans et membres de divers groupes Snapchat auxquels participait Abdoullakh Anzorov, sont mis en cause pour lui avoir apporté un soutien idéologique.

Le premier a notamment diffusé le message de revendication de l’attentat ainsi que la photo de Samuel Paty décapité, le second est accusé d’avoir conforté son procès d’assassinat et d’avoir publié des messages de satisfaction après l’annonce de la décapitation de Samuel Paty. Le troisième, également âgé de 22 ans, comparaît libre mais sous contrôle judiciaire pour avoir participé aux groupes Snapchat et évoquait un éventuel départ vers des zones de guerre pour y rejoindre une organisation terroriste.

Priscilla Mangel, la seule femme à comparaître devant la Cour d’Assises spéciale, est pour sa part âgée de 36 ans. Il lui est reproché d’avoir longuement et régulièrement échangé avec le terroriste en le confortant dans son projet.

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