Al-Foudhil Ouertelani: « L’ambassadeur » de la cause algérienne (Portrait)
-Honoré plus d’un quart de siècle en Turquie, l’ancien disciple du Savant Abdelhamid Ben Badis, a été harcelé par la France avant d’être le porte-voix de son pays dans de nombreux pays, dont l’Égypte et la Turquie.

Algeria
AA / Alger / Houcemeddine Islèm
Il fût un homme politique, un savant, un réformateur et un rebelle face à la colonisation française de l’Algérie (1830 – 1962) et il a été un des membres les plus en vue de l’Association des Oulémas Musulmans algériens (le principal rassemblement de savants religieux en Algérie), et il a sillonné plusieurs pays, dont l’Egypte et la Turquie pour défendre et mieux faire connaître la cause de son pays et son droit à l’émancipation. A la fin de ses jours, il s’est installé à Ankara où il est décédé et où il fut inhumé.
C’est d’Al-Foudhil Ouertelani qu’il s’agit, qui est né, le 2 juin 1900 dans la région de Béni Ouertilène de la province de Sétif (est). De son vrai nom Ibrahim Ben Mustapha El-Djazaïri, il est né dans une famille conservatrice et instruite, ce qui lui a permis de mémoriser le Saint Coran et d’apprendre la langue arabe et les sciences religieuses, selon ce que rapportent des références historiques.
** Du « Paradis » constantinois à « l’Enfer » français
Al-Foudhil Ouertelani s’est installé à l’âge de 28 ans dans la métropole de Constantine (est) où il a parachevé son enseignement en côtoyant le Savant Abdelhamid Ben Badis (1er décembre 1889 – 16 avril 1940). C’est à cette époque que Ouertelani a appris des cours du Hadith, de l’exégèse du Coran, de l’histoire musulmane et des Lettres arabes.
Quatre ans plus tard, il est devenu un des membres du cercle fermé de Ben Badis et ce dernier a nommé Ouertelani comme assistant dans les enseignement qu’il dispense, avant qu’il n’intègre l’équipe rédactrice des revues « al-Basair » et « al-Chiheb », porte-voix de l’Association des Oulémas Musulmans, fondée par Ben Badis.
En 1936, Ouertelani s’est installé en France en tant que représentant de l’Association des Oulémas. Etant donné sa maîtrise de la langue française, il a entamé son activité prédicatrice et a multiplié les contacts avec les étudiants et les ouvriers algériens. Il a même crée des clubs d’enseignement de la langue arabe et des préceptes de l’Islam.
A cause de l’intensification et de l’extension de ses activités et de ses réseaux, les autorités françaises ont, sur la foi de références historiques, harcelé et menacé Ouertelani en 1940, ce qui l’a contraint à quitter l’Hexagone clandestinement durant cette année.
** Ambassadeur de la cause algérienne
Après avoir quitté la France, il est allé en Italie avant de s’établir au Caire d’où il s’est rendu dans plusieurs pays, dont la Turquie, pour faire connaître la cause de sa nation et il fût ainsi comme un ambassadeur de son pays pour enclencher la révolution de la libération en Algérie.
Durant l’étape du Caire, Ouertelani s’est inscrit à l’université d’al-Azhar où il a obtenu le diplôme d’al-alimiya de la faculté des fondements de la religion et de la charia’ islamique, tout en poursuivant sa défense acharnée de la Cause algérienne.
En Egypte, il a fait la connaissance de la Confrérie des Frères Musulmans, au sein de laquelle il a adhéré de manière active. Son action s’est étendue jusqu’au Yémen, pays où il est arrivé en 1942. Il a réussi à cette époque, il a réussi à unifier les rangs de l’opposition. Cependant, après l’arrivée de l’opposition au pouvoir, il a été accusé de participer à une tentative de putsch, ce qui l’a contraint à quitter le pays, selon des références historiques.
Une des sections de l’Association des Oulémas Musulmans a écrit dans sa page « Facebook », en 2018, que Ouertelani a entrepris, en 1950 et 1951, deux grandes tournées. La première l’a emmené en Syrie, en Turquie, en Grèce, en Italie, en Suisse, en Belgique, aux Pays-Bas, en Royaume-Uni, en Irlande, en Espagne, au Portugal, au Maroc, avant de revenir à Beyrouth.
Au terme d’une halte, Ourtelani a entrepris un voyage plus long dans la région de l’Orient. Il s’est rendu, à cette occasion, au Koweït, en Iran, en Arabie Saoudite, au Bahreïn, au Pakistan, en Inde, en Birmanie, en Thaïlande, en Malaisie puis en Indonésie. Dans chaque pays qu’il visitait, il donnait des conférences, prononçait des discours et animait des conférences de presse pour mieux faire connaître la Cause algérienne et est devenu ainsi la voix algérienne la plus élevée et la plus forte de cette époque, toujours selon la précédente source.
Durant cette période de l’après-Deuxième guerre mondiale, Ouertelani a amorcé la mobilisation en faveur de la révolution dans son pays contre le colonisateur français (1954-1962) et il a publié, au lendemain de l’enclenchement de la Révolution du 1er novembre 1954 un communiqué incendiaire intitulé ; « Adresse aux rebelles parmi les enfants de l’Algérie, Aujourd’hui c’est une question de vie ou de mort ».
** Des témoignages qui rendent hommage à Ouertelani
Le docteur et historien à l’Université d’Alger, Mouloud Aouimer, a souligné que le « savant et réformateur al-Foudhil Ouertelani, qui en dépit de ses grands efforts déployés pour la libération des peuples musulmans du joug du colonialisme et pour réveiller les Musulmans de leur décadence civilisationnel, il n’en demeure pas moins qu’il n’a pas bénéficié de l’intérêt nécessaire des historiens et des chercheurs ».
Dans une interview accordée à Anadolu Agency, Aouimer a déclaré : « En l’an 1936, Ben Badis l’a choisi pour superviser l’activité réformatrice et prédicatrice de l’Association des Oulémas auprès de la diaspora en France dès lors qu’il dispose de toutes les qualités de leadership ».
Et Aouimer d’ajouter : « Effectivement, Ouertelani a créé des clubs d’enseignement de la langue arabe et de la propagation des préceptes de l’Islam tout en menant une guerre féroce au vice et en diffusant la conscience patriotique dans les rangs des Musulmans résidents en France ».
S’agissant de la période passée en Egypte, Aouimer a relevé que Ouertelani a participé au lancement d’associations caritatives et d’organisations politiques au Caire, notamment, le Haut comité de défense de l’Algérie, l’Association de la communauté algérienne et l’Association al-Hideya (La bonne orientation). .
Il a relevé qu’au nom du Front de défense de l’Afrique du Nord, le défunt savant a adressé, en 1944, une série de messages aux organisations internationales et a rédigé plusieurs missives envoyées à l’ambassadeur français au Caire, pour dénoncer la répression par les autorités coloniales à l’encontre des Algériens qui sont sortis manifester pacifiquement, le 8 mai 1945.
Il a, également, affirmé que Ouertelani a visité la majorité des pays musulmans en vue de présenter et d’expliquer les tenants et aboutissants de la Cause algérienne et pour réclamer l’autodétermination ».
** Un esprit qui insuffle le combat en Algérie
Aouimer a estimé que Ouertelani a soutenu la révolution algérienne (1954) dès ses premiers jours en diffusant un communiqué, trois jours après son déclenchement sous le titre : « Adresse aux enfants de l’Algérie : aujourd’hui une question de jour ou de mort ».
Le 15 novembre de la même année, il a publié avec cheikh Mohamed Béchir Brahimi, une déclaration intitulée : « Nous vous exhortons par la Grâce de Dieu de ne point reculer ».
Et Aouimer de relever : « Le 17 février 1955, il a participé à fonder le Front de Libération de l’Algérie avec cheikh Béchir Brahimi, Ahmed Ben Bella, Mohamed Khidher, Chedly Mekki, Houcine Lahouel et d’autres [symboles algériens] ».
L’historien a souligné que Ouertelani a lutté, toute sa vie, contre l’ignorance et l’injustice, appelant à se libérer du joug et de la domination de la colonisation.
Les voyages et déplacements de l’infatigable Ouertelani à travers le monde ont été une opportunité pour défendre son pays occupé, et une occasion pour inciter et mobiliser les dirigeants et les peuples arabes à la renaissance.
Il a relevé que « les clubs d’enseignement de la langue arabe qu’il a créés en France ont réussi à attacher davantage les Musulmans de la diaspora à leur religion et à leur civilisation, ce qui a suscité les craintes des autorités françaises ».
L’académicien a indiqué que le défunt a laissé au Machrek (L’Orient arabe) une bonne réputation et un impact positif, à telle enseigne que les savants et les dirigeants arabes lui ont décerné, depuis les années 40, le titre de « Moujahid » (combattant).
** 28 ans en Turquie
Trois ans avant la proclamation de l’Indépendance de l’Algérie, cheikh al-Foudhil Ouertelani est décédé, en date du 12 mars 1959 dans un des hôpitaux de la Turquie, pays qu’il a visité auparavant pour défendre la cause de son pays.
Inhumé à Ankara, la dépouille de Ouertelani est restée 28 ans en Turquie avant que l’Algérie ne lui rende hommage et procède au transfert de ses restes mortuaires à sa mère patrie en date du 12 mars 1987, où il a été enterré dans son village natal.
Entre sa naissance et sa mort, Ouertelani demeure un nom immortel dans le cénacle de l’éternité, à travers les voyages multiples effectués à l’étranger pour défendre son pays. L’histoire retiendra de cet homme son plus célèbre ouvrage intitulé « L’Algérie rebelle ». C’est à travers cet écrit qu’il a vécu et fait vivre les souvenirs de son pays, bien que douloureux à cause d’une occupation française inique.
*Traduit de l’Arabe par Hatem Kattou
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