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Assassinat de Samuel Paty : Le procès s’est ouvert devant la Cour d’Assises spéciale de Paris

- Huit personnes sont mises en accusation et le délibéré doit être rendu le 20 décembre selon le calendrier prévisionnel mis à disposition par le PNAT

Feiza Ben Mohamed  | 04.11.2024 - Mıse À Jour : 10.11.2024
Assassinat de Samuel Paty : Le procès s’est ouvert devant la Cour d’Assises spéciale de Paris

Provence-Alpes-Cote d Azur

AA/Nice/Feïza Ben Mohamed

C’est un procès qui se veut historique, qui s’est ouvert ce lundi à Paris, devant la Cour d’Assises spécialement composée et qui doit durer jusqu’au 20 décembre selon le calendrier prévisionnel transmis par le Parquet National Antiterroriste (PNAT) à Anadolu.

Et pour cause, quatre ans après les faits, la justice aura à déterminer les responsabilités des huit accusés, dans l’assassinat, le 16 octobre 2020, de Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie au collège du Bois d’Aulne à Conflans-Sainte-Honorine, décapité à la sortie des cours par un ressortissant russe, d’origine tchétchène, âgé de 18 ans.

Son bourreau, Abdoullakh Anzorov, abattu dans la foulée par les forces de l’ordre, reprochait à l’enseignant d’avoir montré à ses élèves, des caricatures issues du journal satirique Charlie Hebdo et mettant en scène le prophète Mohammed.

L’attentat avait provoqué une onde de choc dans tout le pays, et le nom de Samuel Paty fait depuis office de symbole. Six mineurs ont déjà été condamné par le tribunal pour enfants, au terme d’un procès intervenu fin 2023.


  • Le profil des accusés


Au cours des sept semaines que durera ce procès présidé par un juge assisté de quatre assesseurs, le rôle des huit accusés âgés de 22 à 65 ans, dont cinq comparaissent détenus, va être examiné en détail pour déterminer les responsabilités de chacun, conformément à un arrêt de mise en accusation daté du 13 septembre 2023.

Parmi les accusés figurent deux des proches d’Abdoullakh Anzorov, Azim Epsirkhanov et Nabil Boudaoud, qui devront répondre de faits qualifiés de complicité d’assassinat terroriste et encourent une peine de prison à perpétuité. Tous deux âgés respectivement de 23 et 22 ans, sont soupçonnés d’avoir accompagné le tueur de Samuel Paty dans l’achat d’armes. Nabil Boudaoud l’aurait par ailleurs déposé sur les lieux de l’attentat.

Brahim Chnina et Abdelhakim Sefrioui, âgés de 52 et 65 ans, et tous deux également détenus depuis les faits, auront à répondre à des accusations d’association de malfaiteurs terroriste.

Dans le détail, Abdoullakh Anzorov, qui n’était aucunement lié à l’établissement ni à Samuel Paty, a vraisemblablement eu connaissance des faits suite à la polémique engendrée par la diffusion d’une vidéo, devenue virale et diffusée par Brahim Chnina, l’un des parents d’une élève, dénonçant la démarche du professeur d’histoire-géographie.

Ce dernier, alerté par sa fille (dont l’enquête démontrera par la suite qu’elle n’était en fait pas présente au cours), est alors soutenu par le militant associatif Abdelhakim Sefroui, qui publiera le 11 octobre, une autre vidéo qualifiant Samuel Paty de « voyou ».

Leurs vidéos génèrent de très nombreux commentaires, et le nom de l’enseignant ainsi que celui de son établissement sont finalement divulgués, permettant à Abdoullakh Anzorov de l’identifier, le localiser, avant de se rendre sur les lieux pour le décapiter.

Yusuf Cinar, Ismaïl Gamaev, et Louqmane Ingar, tous trois âges de 22 ans et membres de divers groupes Snapchat auxquels participait Abdoullakh Anzorov, sont mis en cause pour lui avoir apporté un soutien idéologique.

Le premier a notamment diffusé le message de revendication de l’attentat ainsi que la photo de Samuel Paty décapité, le second est accusé d’avoir conforté son procès d’assassinat et d’avoir publié des messages de satisfaction après l’annonce de la décapitation de Samuel Paty. Le troisième, également âgé de 22 ans, comparaît libre mais sous contrôle judiciaire pour avoir participé aux groupes Snapchat et évoquait un éventuel départ vers des zones de guerre pour y rejoindre une organisation terroriste.

Priscilla Mangel, la seule femme à comparaître devant la Cour d’Assises spéciale, est pour sa part âgée de 36 ans. Il lui est reproché d’avoir longuement et régulièrement échangé avec le terroriste en le confortant dans son projet.


  • Un calendrier dense pour des débats fournis


Du 4 novembre au 20 décembre (sous réserve de modifications ultérieures), la justice antiterroriste aura donc la lourde tâche d’établir le rôle de chacun dans l’engrenage infernal qui a conduit à la mort de l’enseignant.

Au total, 98 témoins sont cités à comparaître, dont 53 par le PNAT et 18 experts, tandis que 24 parties civiles ont été enregistrées.

La Cour est de son côté composée d’un magistrat et quatre assesseurs (un cinquième assesseur sera présent), alors que le ministre public sera représenté par deux avocats généraux, affiliés au PNAT.

S’agissant du déroulé des débats, la première semaine sera consacrée aux appels de témoins et d’experts, aux auditions des enquêteurs de personnalité ou encore à la présentation générale de l’enquête et à l’audition des médecins légistes et parties civiles.

Les deuxième et troisième semaines seront axées sur les faits reprochés à Nabil Boudaoud et Azim Epsirkhanov ainsi qu’à leurs interrogatoires.

La quatrième semaine se focalisera sur les cas d’Abdelhakim Sefrioui et Brahim Chnina tandis que leurs interrogatoires se prolongera sur le début de la cinquième semaine. Celle-ci (ainsi que la sixième semaine) se poursuivra ensuite par l’étude des faits reprochés aux quatre autres accusés.

Enfin, la dernière semaine de ce procès historique sera consacrée aux réquisitions et aux plaidoiries de la défense avant que la parole ne soit donnée aux accusés, le 19 décembre. Le délibéré devrait, en l’absence de modifications, être dévoilé le 20 décembre.

Pour rappel, malgré une offensive immédiatement menée par les services de l’Etat sur les structures associatives musulmanes, la sœur de Samuel Paty, Mickaëlle Paty, réclame la reconnaissance de la responsabilité de la puissance publique dans ce dossier.

En juillet dernier, la jeune femme a pris la décision d’attaquer l’Etat, qu’elle exhortait depuis mars, à reconnaître sa responsabilité dans l’attentat qui a visé son frère considérant qu’il n’avait « ni soutenu ni protégé Samuel Paty afin d’éviter que les menaces de mort contre lui, ne soient mises à exécution ».

« Je me suis retrouvée à attaquer l'État, à défaut de réponse de l'État. Au départ, c'était une requête en reconnaissance en responsabilité de l'État par rapport à l'attentat qui a visé mon frère, c'est-à-dire montrer l'absence de protection », a-t-elle expliqué dans un entretien diffusé dimanche à l’antenne de TF1.

Et de poursuivre: « Il était convaincu que des choses étaient mises en place pour lui, pour sa sécurité, parce qu'on le lui a dit. Le référent à la laïcité, le lundi (NDLR: 4 jours avant son assassinat) à la réunion, va dire que le collège est sous protection, qu'il y a des individus sous écoute ».

Dans le détail, les propos de Mickaëlle Paty sur une possible réponse sous-calibrée de l’Etat, face à la spirale dans laquelle s’est retrouvé son frère, semblent corroborés par des faits puisque le dossier d’instruction a permis de révéler l’existence d’un note rédigée par le renseignement, et dans laquelle il était expliqué que le climat s’était « apaisé » dans les jours qui ont suivi le début de la polémique liée aux caricatures.

Malgré ces divers détails qui, mis bout à bout, laissent à penser que la gestion du cas de Samuel Paty n’a pas été à la hauteur, Mickaëlle Paty confirme n’avoir reçu aucune réponse de la part de l’Etat et notamment du ministère de l’Éducation nationale après sa demande de reconnaissance de responsabilité.


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