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Evacuée de Gaza à Chicago via l'Egypte, la famille Abu Shaban se rappelle de ses souffrances, le rêve brisé

- À l'approche du premier anniversaire du génocide à Gaza, la famille Abu Shaban, arrivée à Chicago en août dernier, confie à Anadolu les moments bouleversants qu'elle a vécus

Ayşe Betül Akçeşme  | 06.10.2024 - Mıse À Jour : 08.10.2024
Evacuée de Gaza à Chicago via l'Egypte, la famille Abu Shaban se rappelle de ses souffrances, le rêve brisé

Michigan

AA / Chicago / Ayşe Betül Akçesme

Le 7 août 2024, la famille Abu Shaban, soutenue par l’organisation ‘Heal Palestine’, a pris un vol depuis l’Égypte pour atterrir à l’aéroport de Chicago.

Ce jour-là, Khalil, un jeune garçon de 13 ans, originaire de Gaza et amputé des deux jambes après un bombardement israélien, a été accueilli chaleureusement par la communauté palestinienne.

A l'occasion d'un entretien exclusif accordé à Anadolu, sa mère, Reem Abu Shaban, 51 ans, raconte les circonstances tragiques de ce qui a bouleversé leur vie.

“Khalil a été blessé devant le salon de coiffure, où il était allé récupérer ses lunettes oubliées deux jours plus tôt,” explique-t-elle.

Le jour fatidique, Khalil se trouvait devant la porte du salon, qui a été frappé par un bombardement israélien.

En entendant la détonation, Reem et sa famille se sont précipitées dehors. “Nous sommes descendus en courant pour voir ce qui se passait,” se souvient-elle. Ce qu’elle a découvert restera gravé à jamais dans son esprit. Son fils, inerte, gisant parmi d’autres victimes.

“Ce jour-là, il n’y avait ni secours, ni ambulances. Il n’y avait même pas de voitures,” dénonce-t-elle, scandalisée par l'impuissance qui les entourait.

Avec une détermination poignante, la famille Abu Shaban a réussi à transporter Khalil à l’hôpital en utilisant un simple tricycle appelé ‘toktok’.

“Le trajet a pris trente minutes alors que l’hôpital était tout proche”, se rappelle Reem, “Les maisons étaient détruites, les rues bloquées”, ajoute-t-elle.

Mais une fois à l'hôpital, leur calvaire n'était pas terminé. “Khalil a été blessé vers 9 heures du matin, il n’a été opéré qu’à 19 heures. Il a passé tout ce temps sur un brancard, par terre, en attendant son tour,” ajoute-t-elle, la voix brisée par l'émotion.

C’est à ce moment précis que le destin de Khalil prit une autre tournure.

Repéré par des journalistes sur place, son histoire a attiré l’attention de l’organisation “Heal Palestine”. Reem se souvient qu’ils ont été évacués vers l’Égypte 14 jours après que Khalil ait été blessé.

“Khalil est resté en Égypte pendant trois mois, le temps que ‘Heal Palestine’ finalise les procédures de visas. Puis, nous sommes arrivés à Chicago,” confie-t-elle.

Avec une nostalgie palpable, Reem se souvient de leur vie avant la guerre : “Nous vivions heureux chez nous, dans notre maison, moi et leur père,” dit-elle, forte malgré l’émotion qui affleure. “Chacun avait sa place : à l’école, au travail… C’était une vie heureuse”, déplore-t-elle.

Aujourd'hui, elle fait appel au monde entier pour sauver les enfants de Gaza. “Beaucoup d’enfants ont perdu leurs parents, sont devenus orphelins. Ils sont recueillis par des voisins, ou par d’autres personnes prêtes à les aider”, constate-t-elle.

Lola, la sœur aînée de Khalil, 22 ans, prend la parole à son tour. Voilée d’un foulard blanc, sa voix est calme. “C’était une vie heureuse”, dit-elle en se souvenant des jours passés, balayés par la guerre.

Étudiante en dernière année de pharmacie à l’Université Al-Azhar, Lola se rappelle : “J’étais à l’université, je faisais un stage dans une pharmacie.”

Ses yeux brillent encore du souvenir de cette vie qu’elle qualifie de paisible.

“Je suis un peu introvertie, mais j’avais mes amies, mon université, ma belle vie. Tout était simple et stable”, se reppelle-t-elle.

Aujourd’hui, l’incertitude plane sur son avenir. “Tout ce que j’avais programmé est tombé à l’eau,” murmure-t-elle, la voix chargée de regrets. “Maintenant, je dois repenser mon futur. Rien n’est clair tant que la guerre à Gaza perdure", regrette-t-elle.

Avec une force admirable, Lola lance un appel désespéré : “La guerre doit s’arrêter. Ça fait une année que cela dure, tout est perdu pour nous.”

Prenant une pause pour respirer et réfléchir, elle insiste pour livrer un message puissant : “Le passé n’existe plus et le présent nous échappe.”

Elle termine ses mots en espérant que l'invasion de Gaza prendra fin rapidement, pour que “le peu qui reste de Gaza” puisse être sauvé.

Khalil, lui, entre dans la pièce, porté par sa mère. Amputé des deux jambes, il rayonne pourtant d’une force intérieure immense. Ses cheveux blonds, ses yeux pétillants et son sourire éclatant masquent à peine la douleur qui l'habite.

D’abord réticent à parler, comme le raconte Mona Khalil, la grand-mère de la famille d’accueil présente dans la pièce, “il est fâché, fâché pour lui-même et pour tous ses amis d’être dans cet état”, Khalil finit par se confier.

“La vie à Gaza était belle. Je faisais du vélo avec mes amis, nous faisions des courses à vélo, nous allions chez mon grand-père pour jouer avec mes cousins,” raconte-t-il, se souvenant d'une enfance semblable à celle de n’importe quel autre enfant, mais désormais brisée par la guerre.

Khalil suit actuellement un traitement de trois jours par semaine à l’hôpital, et fréquente l’école deux jours par semaine. Le mois prochain, il recevra des prothèses, un événement qu’il attend avec impatience.

“Je vais bientôt avoir mes prothèses, Dieu merci. Je suis heureux et enthousiaste,” confie-t-il avec un sourire plein d’espoir.

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