Fête du Travail : les Libanais entre rêves perdus et salaires limités (Reportage)
- Une Libanaise a affirmé "la mauvaise situation économique nous empêche de réaliser nos ambitions et nos rêves".
Lebanon
AA / Beyrouth
Au Liban, la fête du travail cette année, porte un double fardeau économique et social, tout comme les années précédentes, à la lumière de la pire crise dans le pays depuis la fin de la guerre civile en 1990.
Ce dimanche 1er mai, la fête internationale du travail, intervient au moment où le Liban traverse la pire crise économique de son histoire, avec l'effondrement de sa monnaie locale (la lire), une pénurie de médicaments, de carburant et d'autres produits de première nécessité, ainsi qu'une forte baisse du pouvoir d'achat de ses citoyens.
**Pas assez de salaire
Vendeuse, Nourchan Harb (24 ans), originaire de la ville de Rahba al-Akaria (nord), qui travaille depuis longtemps dans un magasin de vêtements de la ville de Halba, ne considère pas le 1er mai comme une fête du travail, "cette fête ne signifie rien, aucun des travailleurs ne la ressent," a-t-elle affirmé dans une déclaration accordée à l'Agence Anadolu.
La jeune femme a confié : "La situation au Liban est très difficile pour les travailleurs, mon salaire suffit à peine mes frais de transport pour aller travailler".
L'année dernière, le prix d'un gallon d'essence au Liban était d'environ 39 mille livres (26 dollars), alors qu'aujourd'hui il a atteint les 500 mille livres (333 dollars), parallèlement à l'effondrement de la monnaie nationale, où un dollar vaut 27 mille livres libanaises, alors qu'il valait seulement 1 500 livres auparavant.
Nourchan souligne que "les gens n'achètent pas souvent de vêtements neufs, ce qui impacte énormément le secteur", expliquant que l'achat de vêtements est devenu annuel.
La vingtenaire révèle que son ambition était de posséder son propre magasin de vêtements, mais elle a fini par être embauchée dans une boutique.
"J'aime beaucoup ce métier, mais la mauvaise situation économique nous empêche de réaliser nos ambitions et nos rêves, car nous ne pouvons faire aucun pas en avant et, en tant que travailleurs, nous ne pouvons assurer ni notre vie ni notre avenir", a-t-elle indiqué.
"Nous reviendrons vivre dans le luxe comme avant", a déclaré la Libanaise espérant que la situation dans le pays changerait après les élections législatives prévues le 15 mai 2022.
Beaucoup de Libanais considèrent que les élections législatives vont produire une nouvelle classe politique qui va mener vers des réformes dans le pays pour améliorer le niveau de vie, ce que d'autres Libanais ne voient pas, considérant que les élections vont consolider le pouvoir de la classe dirigeante et reproduire les mêmes politiciens, sans changements radicaux.
** La fête du travail "une malédiction"
Abdallah Al-Zoubi éprouve la même souffrance que Nourchan, à 38 ans, il est propriétaire d'un magasin de de pneumatiques dans le nord du pays.
Al-Zoubi décrit la fête du Travail comme une "malédiction", pas comme un jour férié.
La fête du travail est un jour férié au Liban, où tous les services officiels, administrations et magasins privés sont fermés, mais certains commerçants préfèrent ne pas fermer leurs portes, espérant vendre plus de marchandises.
Le jeune homme affirme que le travailleur libanais se trouve aujourd'hui dans une situation misérable, quel que soit son salaire, il ne pourra pas vivre dignement.
Après l'effondrement de la monnaie nationale face au dollar, les prix de toutes les denrées alimentaires, des médicaments et d'autres produits de base ont augmenté de façon spectaculaire, à une époque où les salaires en livres libanaises restaient inchangés, ce qui empêchait les citoyens de pouvoir assurer tous leurs besoins.
Et à propos de son travail, le Libanais révèle que "le pneu neuf pour voitures n'est plus nécessaire sur le marché, parce que le citoyen est incapable de payer en dollars, donc le pneu d'occasion est le maître du marché au Liban aujourd'hui", avant de poursuivre, "au cours des dernières années, plus de 50 clients entraient dans le magasin par jour, aujourd'hui, leur nombre ne dépasse pas 5.
"Notre ambition est devenue que le pays redevienne comme avant, pour que nous puissions bien vivre", a souligné le trentenaire souhaitant résoudre la question du taux de change et le stabiliser.
Le natif de l'Akkar a fait savoir à l'Agence Anadolu que "la fête du travail consiste à accorder au travailleur ses droits, ce qui signifie que le travailleur peut obtenir des soins médicaux, de la nourriture et éduquer ses enfants, sans penser à s'échapper et à fuir irrégulièrement son pays".
Dimanche dernier, une embarcation de migrants clandestins avait coulé au large de Tripoli (nord), entraînant la mort de plusieurs personnes.
Ce n'était pas le premier incident survenu au Liban au cours des dernières années. Suite au déclenchement de la guerre syrienne en 2011, l'immigration clandestine était presque limitée aux Syriens déplacés. Cependant, le Liban est entré dans une crise économique difficile, qui a entraîné une augmentation dans le nombre de Libanais qui ont eu recours à ce phénomène, malgré ses grands risques.
** Le chômage augmente
A une époque où une partie des Libanais travaillent encore avec des salaires qui ne leur suffisent pas, une grande partie d'entre eux, notamment les jeunes, languissent chez eux sans trouver de travail.
Il n'y a pas de statistiques précises et officielles au Liban qui peuvent déterminer le taux de chômage.
Cependant, Mohammad Chamseddine, chercheur à l'International Information Company, a déclaré à l'Agence Anadolu que le taux de chômage au Liban est aujourd'hui d'environ 38%, contre 32% l'année dernière.
Les Libanais souhaitent seulement que leur pays redevienne "comme avant", pour que leurs affaires marchent bien, et qu'ils puissent assurer leur subsistance et celle de leur famille, et retrouver l'espoir de réaliser leurs rêves.
*Traduit de l'arabe par Hend Abdessamad