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Franc : 74 médias indépendants et organisations de journalistes s’indignent contre la régression de la liberté de presse

Pour les auteurs, cette décision n’est « qu’une nouvelle attaque contre le journalisme, après les atteintes répétées au secret des sources et la loi séparatisme ».

Ekip  | 11.10.2022 - Mıse À Jour : 11.10.2022
Franc : 74 médias indépendants et organisations de journalistes s’indignent contre la régression de la liberté de presse

France

AA/Paris/Fatih KARAKAYA

Dans une tribune publiée dans plusieurs médias français, le 10 octobre, 74 médias indépendants et organisations de journalistes s’indignent de la décision de justice obtenue par le milliardaire Patrick Drahi et son groupe Altice contre Reflets-info. 

En effet, la semaine dernière, au nom du secret des affaires, le tribunal de commerce de Nanterre a décidé d’appliquer une censure préalable de toute information susceptible d’être publiée sur le groupe en question, propriétaire de plusieurs médias. Les auteurs de la tribune parlent « du jamais vu qui ne doit jamais se revoir ».

-Loi de 1881 sur la liberté de la presse

Dans cette tribune, les signataires dont Mediapart, les éditions locales du Rue89, Disclose, Politis, Orient XXI ainsi que les organisations journalistes la Fédération européenne des journalistes (FEJ), Informer n’est pas un délit, Le Fonds pour une presse libre, SNJ et SNJ-CGT rappellent que la loi de 1881 sur la liberté de la presse qui proclame en son article 1 : « L’imprimerie et la librairie sont libres » est « le pilier de la République ».

Pourtant, selon ces travailleurs des médias, « c’est ce principe fondamental que le tribunal de commerce de Nanterre vient de violer, saisi en référé par le groupe Altice, basé au Luxembourg et propriété du milliardaire Patrick Drahi ».

Comme le rappelle le texte, dans une décision rendue jeudi 6 octobre, « le tribunal de commerce de Nanterre condamne le média indépendant d’investigation Reflets-info, spécialisé dans les enquêtes sur le numérique, les données open source et les fuites de documents, à verser 4 500 euros au groupe de Patrick Drahi ». Mais ce qui choque encore plus les journalistes, c’est le fait que le tribunal « lui ordonne de ne pas publier sur le site de son journal en ligne de nouvelles informations sur Altice.

Ainsi, pour ces journalistes, il s’agit « d’une censure a priori d’articles même pas publiés » qui s’apparente donc à « une interdiction professionnelle ». Les signataires n’hésitent pas d’ailleurs à qualifier cette situation « d’un retour à l’Ancien Régime qui ne peut que rappeler le rétablissement de l’autorisation préalable de publication par le roi Charles X en juillet 1830 ». 

-Interdiction avant de savoir le contenu

Le média indépendant Reflets-info avait publié une série d’articles réalisés à partir d’informations issues d’une fuite de plusieurs centaines de milliers de documents internes au groupe et mis en ligne sur le web au mois d’août. 

Suite à sa condamnation, le média avait expliqué qu’il s’agissait des documents publics consultés sur Internet et que cela avait un intérêt général pour la société alors que le groupe Altice défendait « une violation du secret des affaires ».

Selon les auteurs, « la décision liberticide du tribunal de commerce de Nanterre s’appuie sur la loi de 2018 protégeant le secret des affaires, alors défendue par Emmanuel Macron malgré les critiques de toutes les organisations, syndicats de journalistes et syndicat de la presse indépendante d’information en ligne (Spiil).

Cette loi permet de contourner la loi sur la presse de 1881, ce qu’a fait Altice en saisissant le tribunal de commerce de Nanterre ».

Comme l’a pu constater l’Agence Anadolu, la décision du Tribunal reconnaît qu’à ce stade, il n’y a pas de « de violation du secret des affaires » mais estime qu’éventuellement « elle peut se produire si les publications se poursuivent puisqu’on ne connait pas encore le contenu ».  De ce fait, pour les signataires indignés, cela s’appelle « la censure préalable ». 
Danger pour la liberté de la presse

Jugeant que cette décision est le fruit « du danger majeur pour l’information que porte la loi de 2018 sur le secret des affaires », les signataires craignent que « cela se propage à toute la presse notamment d’investigation et empêche la révélation de plusieurs scandales telles que les Panama Papers, les Lux Leaks, les Malta Files, les Football Leaks, les Uber Files ou encore les enquêtes sur la dette EDF, sur les filiales offshore de Bernard Arnault et LVMH, sur l’empire africain de Vincent Bolloré ».

« Le procès-bâillon intenté par Altice et son propriétaire Patrick Drahi à nos confrères de Reflets-Info frappe durement un média indépendant fragile financièrement.

Il ruine le principe démocratique d’une presse libre et indépendante. Au moment où le pouvoir annonce des « états généraux sur le droit à l’information », nous, médias indépendants, demandons que le gouvernement se saisisse d’urgence de cette question », soutiennent les signataires qui demandent également la suppression « des dispositions à la liberté d’informer dans la loi de 2018 ».

Pour les auteurs, cette décision n’est « qu’une nouvelle attaque contre le journalisme, après les atteintes répétées au secret des sources et la loi séparatisme ».

Et enfin, les journalistes espèrent « la légifération de la loi de 1881 pour qu’elle ne puisse plus être contournée et que les procédures bâillon soient sévèrement sanctionnées ». 
A noter également l’absence de signatures des médias de grands groupes tels que Le Monde, Le Figaro, Libération, l’Express.

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