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France / Affaire Samuel Paty : les avocats d’Abdelhakim Sefrioui vont réclamer son acquittement

« Il n’a strictement rien à voir avec ce drame et rien à voir avec l’auteur » expliquent ses conseils, à quelques semaines du procès qui s’ouvrira début novembre devant la Cour d’Assises spéciale de Paris.

Feiza Ben Mohamed  | 01.10.2024 - Mıse À Jour : 01.10.2024
France / Affaire Samuel Paty : les avocats d’Abdelhakim Sefrioui vont réclamer son acquittement

Provence-Alpes-Cote d Azur

AA / Nice / Feïza Ben Mohamed


Le 16 octobre 2020, Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie au collège du Bois d’Aulne, à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), est assassiné à la sortie des cours par un ressortissant russe, d’origine tchétchène, âgé de 18 ans.

La France est frappée de plein fouet, sidérée par la violence de cette exécution préméditée sur fond de motifs prétendument religieux, par son auteur, Abdoullakh Anzorov.

Le terroriste, abattu dans la foulée par les forces de l’ordre, reprochait, en effet, à l’enseignant d’avoir montré à ses élèves, des caricatures issues du journal satirique "Charlie Hebdo" et mettant en scène le prophète Mohammed.

Abdoullakh Anzorov, qui n’était aucunement lié à l’établissement ni à Samuel Paty, a vraisemblablement eu connaissance des faits suite à la polémique engendrée par la diffusion d’une vidéo, devenue virale et diffusée par Brahim Chnina, l’un des parents d’une élève, dénonçant la démarche du professeur d’histoire-géographie.

Ce dernier, alerté par sa fille (dont l’enquête démontrera par la suite qu’elle n’était en fait pas présente au cours), est alors soutenu par le militant associatif Abdelhakim Sefroui, qui publiera, le 11 octobre, une autre vidéo qualifiant Samuel Paty de « voyou ».

Leurs vidéos génèrent de très nombreux commentaires, et le nom de l’enseignant ainsi que celui de son établissement sont finalement divulgués, permettant à Abdoullakh Anzorov de l’identifier, le localiser, avant de se rendre sur les lieux pour le décapiter.


  • Après 4 ans de détention, le procès

C’est un procès sous haute tension et aux enjeux majeurs, qui doit donc s’ouvrir le 4 novembre prochain devant la Cour d’Assises spéciale de Paris.

La justice aura à établir les responsabilités de chacune des huit personnes mises en cause dans cet épineux dossier, en l’absence de l’auteur de l’attentat, tué après son passage à l’acte.

Parmi elles, figurent deux proches d’Abdoullakh Anzorov, soupçonnés d’avoir eu connaissance de son projet criminel et de lui avoir apporté une assistance logistique, et qui comparaitront pour « complicité d’assassinat terroriste ».

Quatre autres personnes sont mises en causes à divers degrés pour des faits qualifiés « d’association de malfaiteurs terroriste criminelle », dont une femme, convertie à l’Islam, et avec qui l’auteur de l’assassinat de Samuel Paty, avait échangé les jours précédant son passage à l’acte.

Brahim Chnina et Abdelhakim Sefrioui, à l’origine de la publications de vidéos sur les réseaux sociaux, répondront eux-aussi, à des accusations d’association de malfaiteurs terroriste criminelle.

À quelques semaines de l’ouverture d’un procès très attendu, les avocats d’Abdelhakim Sefroui, Maitres Vincent Brengarth, Ouadie Elhamamouchi et Colomba Grossi, ont tenu, à Paris, une conférence de presse, au cours de laquelle ils ont annoncé leur intention de plaider l’acquittement de leur client, dont ils considèrent qu’il est injustement incriminé et maintenu en détention depuis 4 ans.

Dans le détail, il est reproché à Abdelhakim Sefrioui « d’avoir participé, avec Brahim Chnina, à l’élaboration et la diffusion de vidéos qui présenteraient de fausses informations, ou déformées et qui seraient destinées à susciter un sentiment de haine à l’égard du professeur Samuel Paty en lien avec la présentation des caricatures religieuses, et plus spécifiquement une vidéo publiée au soir du 11 octobre 2020, ainsi que le fait d’avoir diffusé des informations qui permettraient l’identification de Samuel Paty », explique Vincent Brengarth à Anadolu.

Et de poursuivre : « Ce dossier est entièrement vide s’agissant de monsieur Sefrioui. Il n’y a absolument rien qui le rapproche à l’attentat qui a été commis. Il ne connait pas et ne connaissait pas l’auteur de l’attentat et il est établi par les différents éléments de procédure, qu’il n’a jamais été en contact téléphonique avec lui. Il est également établi que la seule vidéo dans laquelle il apparaît le 11 octobre 2020, c’est une vidéo pour laquelle les investigations judiciaires n’établissent absolument pas qu’elle aurait été vue par l’auteur de l’attentat ».

Le conseil relève même que selon les éléments de l’enquête, ce dernier « recherchait depuis plusieurs mois, une cible pour pouvoir exprimer sa haine, et que ça a été un effet d’aubaine que de trouver Samuel Paty ».

Maître Brengarth l’assure, « au moment de la diffusion de sa vidéo, ce qu’Abdelhakim Sefrioui veut, ce sont des sanctions administratives au regard d’un comportement qu’il juge discriminatoire à l’égard des élèves de Samuel Paty ».

« Il n’y a, dans les paroles de monsieur Sefrioui, aucune incitation à la haine, aucune incitation à la violence, et bien évidemment aucune incitation à la commission d’un attentat », poursuit le conseil pour qui « on cherche à faire d’Abdelhakim Sefrioui, un cobaye judiciaire ».

Maître Ouadie Elhamamouchi, qui défend lui aussi Abdelhakim Sefrioui, explique, par ailleurs, à Anadolu que « les premiers mots de monsieur Sefrioui quand il apprend que l’attentat a eu lieu alors qu’il est sans le savoir, sur écoute, c’est [vite rappelle-moi un malade a tué le professeur] ».

Le conseil relate également qu’en garde à vue, son client a d’emblée déclaré aux enquêteurs « si j’avais pu donner ma vie pour protéger le professeur et m’interposer entre lui et ce terroriste, j’aurais donné ma vie ».

« On a un accusé idéal, un bouc-émissaire, à l’isolement à 65 ans. On essaie de le jeter en pâture parce qu’il a un passé militant qu’on se permet de qualifier de salafiste, alors qu’il n’est rien d’autre que pro-palestinien », grince l’avocat parisien.

Alors qu’Abdelhakim Sefrioui, qui clame son innocence, est maintenu en détention et à l’isolement, Maître Brengarth s’interroge sur la réaction du système judiciaire alors que « cette affaire a fait l’objet d’une instrumentalisation politique importante ».

« On a le sentiment que ce qui est reproché à monsieur Sefrioui, ce n’est pas tant des faits matériels, parce qu’il n’y en a pas, mais la projection qu’on se fait, de ses idées et de sa personnalité. On vient lui reprocher de ne pas avoir anticipé l’inimaginable (…). Sa mise en accusation procède plus d’un aspect moral par rapport à la fausse idée qui est propagée de la personnalité de monsieur Sefrioui », concluent ses avocats qui plaideront l’acquittement pur et simple de leur client devant la Cour d’Assises spécialement composée.


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