France : forte mobilisation dans l'audiovisuel public contre la réforme de "France Médias"
– Les salariés dénoncent une réforme jugée brutale et dangereuse pour l’indépendance des médias publics.

Ile-de-France
AA / Paris / Ümit Dönmez
La grève de deux jours qui a débuté ce lundi dans l’audiovisuel public français a entraîné de fortes perturbations sur plusieurs antennes.
De nombreuses stations de Radio France, comme France Culture ou des antennes locales du réseau Ici (ex-France Bleu), ont cessé leurs programmes habituels au profit de playlists musicales.
Du côté de France Télévisions, certaines émissions en direct ont été annulées ou remplacées, bien que la direction ait annoncé un taux de grévistes de 8 % pour la journée de lundi.
La mobilisation est le fruit d’un appel commun de l’intersyndicale composée de la CGT, la CFDT, FO, SUD, l’Unsa et le SNJ dans les différentes entreprises concernées.
Par voie de communiqué, l’intersyndicale dénonce "un carnage que prépare le projet de holding de l’audiovisuel public".
Elle y voit une réforme "menée à marche forcée, sans aucune concertation", et appelle à "refuser un modèle où l’information, la culture et la création sont pilotées par des logiques comptables".
Les syndicats de Radio France alertent également sur les dangers d’« une perte totale d’indépendance éditoriale et budgétaire », alors que le texte prévoit la création d’une holding baptisée "France Médias", chapeautant l’ensemble des entreprises publiques du secteur.
Cette superstructure serait dirigée par un(e) président(e) unique, nommé(e) par décret, avec des pouvoirs étendus sur les budgets, les stratégies et l’orientation globale du groupe.
La mise en place de France Médias constitue l’une des principales dispositions du projet, déjà voté en première lecture au Sénat.
D’autres mesures clés incluent la mutualisation des moyens techniques, la fusion de certaines fonctions supports et une centralisation de la stratégie éditoriale. L’objectif affiché par le gouvernement est de "renforcer la cohérence et la visibilité de l’audiovisuel public", tout en réalisant des économies structurelles.
Or, c’est précisément cette logique budgétaire qui alarme les syndicats.
La réforme vise à permettre des compressions de dépenses, alors que l’État cherche des marges dans tous les secteurs pour contenir ses déficits.
Une orientation perçue comme un pas de plus vers un affaiblissement des médias publics, déjà fragilisés depuis la suppression de la redevance audiovisuelle en 2022.
Cette suppression, dénoncée à l’époque comme une première atteinte à l’indépendance de financement, a mis fin à une ressource directe dédiée aux médias publics, renforçant leur dépendance aux arbitrages budgétaires de Bercy.
Les grévistes, fortement mobilisés malgré un taux de participation modeste selon les directions, dénoncent également un projet élaboré sans concertation sérieuse avec les personnels.
Pour eux, cette réforme "technocratique" marque une rupture brutale avec l’esprit de pluralisme et de mission de service public qui fondait jusqu’ici l’organisation de l’audiovisuel public.
Cette journée de grève, alors que les députés examinent les contours du texte, sonne donc comme un avertissement.
À l’heure où l’information est un enjeu démocratique crucial, les salariés du secteur s’interrogent : dans un paysage médiatique en recomposition, qui garantira demain l’indépendance, la diversité et la qualité des contenus proposés au public, si l’audiovisuel public devient une entité homogène, pilotée d’en haut et contrainte par des logiques budgétaires ?