France : La contrôleuse générale des lieux de privation de liberté pointe « l’inertie coupable » de l’État
- Dans son rapport annuel d’activité, Dominique Simonnot dénonce la situation dans les institutions disciplinaires de l’Hexagone (prisons, hôpitaux, centres éducatifs fermés et autres centres de rétention administrative).

France
AA / Tunis / Majdi Ismail
La contrôleuse générale des lieux de privation de liberté (CGLPL), Dominique Simonnot, a tiré à nouveau la sonnette d’alarme sur la situation dans les institutions disciplinaires de France, notamment les prisons, les hôpitaux, les centres éducatifs fermés et autres centres de rétention administrative. Elle dénonce « l'inertie coupable » de l’État, rapportent des médias locaux.
Dans son rapport annuel, rendu public ce jeudi 11 mai 2023, élaboré à partir de l'analyse de plus de 2 800 courriers qui lui ont été adressés l'an dernier et de 115 visites de contrôle d’établissements effectuées en 2022 -soit vingt-huit établissements pénitentiaires, vingt établissements de santé mentale, dix hôpitaux recevant des personnes privées de liberté, cinq centres de rétention administrative et zones d’attente, trois centres éducatifs fermés, cinq tribunaux, quarante-trois locaux de garde à vue et de rétention douanière, et une procédure d’éloignement forcé- Simonnot fustige l’inaction des pouvoirs publics : « L'État semble endormi (…) Nos alertes incessantes se heurtent à un mur ».
La contrôleuse générale des lieux de privation de liberté s'inquiète particulièrement de la situation des enfants « placés dans des foyers peu ou mal contrôlés » où règnent la violence, mal pris en charge en psychiatrie faute de personnel.
Simonnot dénonce en outre une réalité invivable rendue possible par un « calcul à court terme, sans vision ni réalisme, répondant au populisme par des incantations et des roulements de biceps », rapporte le quotidien « Le Monde ».
Elle reprend à son compte les thèses de Michel Foucault, en soulignant dans son rapport que « notre société tolère ce qui, à bien des égards, s’apparente aux antiques châtiments corporels ».
L’ancienne journaliste pointe aussi bien la responsabilité des magistrats, « qui cèdent trop souvent à la facilité d’enfermer » que celle des « élus, qui connaissent l’état de nos prisons et appellent sans cesse à plus de vengeance et d’enfermement », ou encore de « l’Etat, qui détourne le regard ». Pour elle, « la France n’échappera pas à de nouvelles condamnations européennes », ajoutant : « C’est triste à dire, mais surnage de ces constats le sentiment d’un abandon de l’Etat ».
**Surpopulation carcérale : un nouveau record
Le premier point soulevé par le rapport concerne la surpopulation carcérale et les atteintes à la dignité en prison. La France a atteint un nouveau record d’incarcérations, avec 73 080 détenus au 1er avril et un taux d'occupation moyen des maisons d'arrêt à 142,2 %.
« Aucune des visites du CGLPL dans les maisons d'arrêt et quartiers de haute sécurité (seuls touchés par la surpopulation) n'a permis de voir un taux d'occupation inférieur à 135 %, et trois prisons affichaient des taux supérieurs à 200 % au moment du contrôle », souligne le rapport, qui évoque une situation inacceptable quant au respect des droits de l’homme.
Simonnot critique en ce sens le projet du gouvernement pour résoudre la question de la surpopulation. Pour elle, le plan de construction, à l'horizon 2027, de 15 000 nouvelles places de prison présenté par le garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti, est tout simplement une « promesse fleurant le rance ». La contrôleuse déclare sans ambages : « Plus on construit, plus on remplit ».
**La question psychiatrique déborde sur les prisons
Autre point important soulevé par le rapport annuel : la psychiatrie. Simonnot dresse un état des lieux sévère, notamment en raison du manque de personnel avec comme conséquences : des postes vacants, des lacunes dans l'organisation de soins, une prévention insuffisante des risques conduisant à des hospitalisations en urgence, le recours excessif à la contrainte et de nombreuses atteintes à la liberté .
La question psychiatrique concerne également les prisons, avec des conséquences dramatiques. « [On] a laissé la prison se substituer aux asiles d'antan, enfermant dans ses murs plus de 30 % des prisonniers atteints de troubles graves. Voilà comment, à leur corps défendant, surveillants et détenus ont, en quelque sorte, été contraints de se muer en infirmiers psychiatriques », déplore la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté.
**Manque d'hygiène dans les centres de rétention
Le rapport de près de 200 pages révèle également une « gestion de plus en plus sécuritaire de la rétention des étrangers ». Les auteurs font état de graves défauts d’entretien de certains locaux, avec un manque d'hygiène et de maintenance. Les personnes retenues le sont « dans des espaces sales et dégradés » et disent « souffrir de faim et maigrissent pendant leur séjour ».
Par ailleurs, l'enfermement des enfants se poursuit malgré les « demandes insistantes du CGLPL » et la jurisprudence européenne. « Leur hébergement se déroule parfois sans jouets ni matériel de puériculture, y compris lorsque tout cela existe mais reste inaccessible car les fonctionnaires en ignorent l'existence », indique « Le Monde » qui cite le document du CGLPL.
Enfin, les centres éducatifs fermés connaissent des réalités diverses, allant du pire au meilleur mais leur situation reste « fragile », au bord de la rupture, selon le rapport.
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