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France: La lutte contre l’islamophobie fragilisée et rendue de plus en plus difficile

-Ce samedi 15 mars, marque la journée internationale de lutte contre l’islamophobie

Feiza Ben Mohamed  | 15.03.2025 - Mıse À Jour : 15.03.2025
France: La lutte contre l’islamophobie fragilisée et rendue de plus en plus difficile

Provence-Alpes-Cote d Azur

AA/Nice/Feïza Ben Mohamed

Ce samedi 15 mars, se tient la journée internationale de lutte contre l’islamophobie. Cette date marque l’occasion de dresser un état des lieux de la situation et du travail effectué par les associations engagées contre les discours de haine contre les musulmans.

En France, le contexte politique permet aujourd’hui de normaliser les discriminations à l’égard de la minorité musulmane du pays et fait craindre de nombreuses atteintes aux libertés individuelles.

Dans un entretien à Anadolu, Jawad Bachare, militants des droits de l’Homme, est revenu en détail sur le travail de lutte contre l’islamophobie et les difficultés qui sont rencontrées par les victimes, les associations et les militants.

Il estime que « la situation actuelle en France est marquée par un affaiblissement significatif du tissu associatif engagé dans la lutte contre l'islamophobie » et que « la dissolution de plusieurs associations, notamment le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF) et la Coordination contre le racisme et l'islamophobie (CRI), a considérablement réduit la capacité de ces groupes à sensibiliser et à agir contre les actes islamophobes ».

S’il rappelle que « ces fermetures, justifiées par des accusations d'incitation à la haine ou à la violence, ont été largement contestées par des organisations de défense des droits humains comme Amnesty International, qui soulignent l'absence de preuves solides pour justifier ces mesures », Jawad Bachare note que « les rares associations encore actives font l'objet d'attaques incessantes, rendant leur travail d'accompagnement des victimes de plus en plus difficile ».

Selon lui « ces dissolutions ont un effet dissuasif sur d'autres organisations qui pourraient craindre de subir le même sort, ce qui risque de paralyser la lutte contre l'islamophobie en France » mais « également un impact direct sur les libertés associatives ».

Et de poursuivre: « Dans ce contexte de répression accrue des libertés d'association et d'expression, la lutte contre l'islamophobie se trouve encore davantage fragilisée. Parallèlement, les discours hostiles aux musulmans se multiplient, tandis que le nombre d’actes anti-musulmans et d'attaques contre des mosquées continue d’augmenter dans une relative indifférence, contribuant ainsi à un environnement de plus en plus tendu ».

S’agissant de la banalisation de l’islamophobie, le militant des droits humains considère que « les discours politiques en France ont évolué vers une normalisation de l'islamophobie, souvent justifiée par la défense de la laïcité, la lutte contre le séparatisme et la protection des valeurs de la République » et que « cette tendance se manifeste par une radicalisation du discours à l'égard de l'islam, avec des politiciens et des médias qui contribuent à légitimer et banaliser l’islamophobie ».

« De l’autre côté, les citoyens de confession musulmane sont de plus en plus stigmatisés et présentés comme un « ennemi de l’intérieur », ce qui tend à les exclure du champ national et alimente un climat de peur. Près d'un musulman sur deux en France déclare avoir subi une discrimination, ce qui souligne l'impact réel de ces discours sur la vie quotidienne des musulmans. Dans ce contexte, certains s’interrogent sur leur avenir en France et se demandent s’ils doivent rester ou partir, face à un climat hostile qui s’intensifie à chaque nouvelle vague de discours islamophobes » souligne Jawad Bachare.

À l’heure où le travail de lutte contre l’islamophobie est donc entravé par des dissolutions d’associations, des expulsions de figures de la communauté musulmane francophone ou par des procédures pénales visant à sanctionner leurs positions politiques, nombre d’acteurs souhaitent que de nouvelles pistes.

Sur cette problématique, Jawad Bachare juge « essentiel de renforcer les moyens d'action des associations, d'améliorer la protection juridique des victimes et d'encourager un engagement collectif pour une société plus inclusive ».

Il préconise de « renforcer le tissu associatif et institutionnel (…), améliorer l'accès au droit et renforcer les sanctions (…) notamment en facilitant le dépôt de plainte et en formant les forces de l'ordre et les magistrats à la reconnaissance de cette discrimination ».

Le militant suggère par ailleurs « d’introduire des programmes scolaires sur la diversité religieuse et la lutte contre les discriminations, afin de sensibiliser dès le plus jeune âge à la nécessité du respect et du vivre-ensemble » et « former les enseignants et les professionnels du secteur éducatif pour qu'ils puissent détecter et répondre efficacement aux discriminations dont pourraient être victimes les élèves musulmans ».

Il évoque en outre la possibilité de « mobiliser la société civile et encourager un débat équilibré » en créant « des espaces de dialogue inclusifs, où les musulmans puissent exprimer leurs préoccupations et contribuer aux débats publics sans crainte d'être accusés de communautarisme ».

« En conclusion, la lutte contre l'islamophobie ne peut être efficace que si elle repose sur un engagement collectif et des actions concrètes de la part des pouvoirs publics, des associations et de la société civile. Sans une prise de conscience et une mobilisation forte, la normalisation des discriminations et de la stigmatisation des musulmans risque de se poursuivre, fragilisant ainsi les principes d'égalité, de fraternité et de justice » conclut Jawad Bachare.

Pour rappel, la journée internationale de lutte contre l’islamophobie a été instaurée et fixée au 15 mars, par l’Assemblée Générale des Nations Unies en 2022, avec une première journée qui s’est tenue en 2023.


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